L'Extinction
du Paupérisme
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Louis Bonaparte - 1844
Napoléon III, Empereur National-Socialiste
Le modèle de programme "fasciste", son "idée-mère" au sens de Goethe, ce fut Napoléon III, futur "empereur-socialiste" en même temps qu'"empereur des Arabes", qui en fut l'auteur dans son "Extinction du paupérisme" de 1844.
H. Guillemin a tort de dire que "le prince, dès 1848, a renoncé à ses rêveries", ce qui revient à présenter les idées de 1844 comme un égarement utopiste passager. D'ailleurs le même auteur signale que l'ouvrage, "alors passé inaperçu, ou à peu près", fut au contraire "répandu à profusion dans les faubourgs" en 1851… Et c'est à juste titre que G. Duveau est cité comme ayant "noté l'aspect national-socialiste de l'ouvrage". Le chef de parti, "au-dessus des partis", sitôt élu Président, choisit de s'asseoir à l'Assemblée sur les bancs de la gauche, aussi résolument "républicain" qu'Hitler fut "socialiste", bien qu'il fut l'homme des mercenaires d'Algérie et des coulissiers de la Bourse.
Le prince populaire se présente avant tout comme animé de "l'esprit démocratique et philanthropique du siècle". Et il se pose en dénonciateur "d'un monde égoïste livré à la féodalité de l'argent".
Il ne s'agit, rien moins, que d'abolir le régime existant, où "c'est le maître qui opprime ou l'ouvrier qui se révolte". Son plan "établit le bien-être des masses sur des bases inébranlables. La pauvreté ne sera plus séditieuse, l'opulence ne sera plus oppressive". Il annonce le "triomphe des idées démocratiques détruisant le paupérisme". Que faut-il pour cela ? D'abord viser la "réunion des citoyens d'un même pays dans un intérêt commun".
L'apôtre des "classes ouvrières" observe alors que "l'industrie est une machine qui fonctionne sans régulateur" d'une part et que, d'autre part, "les masses sans organisation ne sont rien". L'objectif est donc de réaliser "un juste équilibre des salaires entre les besoins de ceux qui travaillent et les nécessités (?) de ceux qui font travailler". Or, le "premier devoir" de l'État est "d'augmenter la consommation intérieure", de faire prévaloir "la supériorité du marché national sur l'exportation", chose "prouvée".
Alors, le remède effectif ? C'est un programme de "colonies agricoles", groupées en une vaste "association, une pour toute la France", initiée grâce aux "avances fournies par l'État". Cette œuvre grandiose créera de "grands dépôts centraux de bras" pour l'industrie, purgeant simultanément les villes des prolétaires, sachant que la ville "les énerve", pour les voir "rappelés dans les campagnes". Les colonies agricoles, "déversoirs" d'indigents, apporteront, avec le "repos de la société", des débouchés aux paysans, lesquels stimuleront à leur tour le commerce et, par là-même, provoqueront des rentrées fiscales abondantes à l'État, outre leur rôle de régulateur du marché du travail pour l'industrie exposée aux crises périodiques. Bref, ce programme, loin d'être purement charitable, n'est rien d'autre qu'un "magnifique placement". D'ailleurs, le succès assuré des colonies agricoles oblige à leur prévoir un immense avenir : des "succursales en Algérie, en Amérique même, un jour envahir le monde".
En attendant, quel est le sort brillant promis aux colons ? Nécessairement à plus de 80 % des célibataires, ils seront dirigés vers des "espèces de camps, baraqués comme nos troupes". Sous la direction d'"intermédiaires reconnus", d'"officiers" du travail, dont la "hiérarchie" est proposée au plébiscite des ouvriers, l'association "travaille sous la haute direction du gouvernement", très précisément sous le contrôle suprême du "ministre de l'intérieur".
Dans cette Icarie de type inédit, les "associés" seront instruits aux "doctrines sévères de l'État" : "une discipline sévère régnera", "la vie sera salutaire mais rude" ; "le but des colonies n'est pas de nourrir des fainéants, mais d'ennoblir l'homme par le travail et l'éducation morale". Quant à la "matérielle", il est entendu que la rémunération directe rive les associés au "strict nécessaire" ; par leur "solde", ils sont "entretenus le plus simplement possible, d'après les tarifs de l'armée", selon "la plus stricte économie". En outre, "l'habillement doit être bien meilleur marché pour des ouvriers que pour des soldats". Seulement, à cela s'ajoute un salaire social : il y aura "de vastes hôpitaux" pour infirmes et vieillards, et un fond collectif est promis, pour "assurer l'existence de l'ouvrier pour le reste de ses jours".
Où donc Pétain est-il allé chercher ses "Chantiers", et Walter Darré ses "Hegehof", fiefs héréditaires relevant le défi de la "ville contre la race" ?
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Église Réaliste,
extrait de La Fin de la Préhistoire, L'Ouest, avril 1992
Charles-Louis-Napoléon BONAPARTE, futur Napoléon III, au fort de Ham, rédigeant L'Extinction du Paupérisme, en 1844
Je dois dire un mot pour expliquer le titre de cette brochure.
On trouvera peut-être, comme un littérateur plein de mérite me l'a déjà fait remarquer, que les mots Extinction du Paupérisme ne se rapportent pas directement à un écrit qui a pour unique but le bien-être de la classe ouvrière.
Il est vrai qu'il y a une grande différence entre la misère qui provient de la stagnation forcée du travail, et le paupérisme, qui souvent est le résultat du vice. Cependant on peut soutenir que l'un est la conséquence immédiate de l'autre ; car, répandre dans les classes ouvrières, qui sont les plus nombreuses, l'aisance, l'instruction, la morale, c'est extirper le paupérisme, sinon en entier, du moins en grande partie.
Ainsi, proposer un moyen capable d'initier les masses à tous les bienfaits de la civilisation, c'est tarir les sources de l'ignorance, du vice, de la misère. Je crois donc pouvoir, sans trop de hardiesse, conserver à mon travail le titre d'Extinction du Paupérisme.
Je livre mes réflexions au public dans l'espoir que, développées et mises en pratique, elles pourront être utiles au soulagement de l'humanité. Il est naturel dans le malheur de songer à ceux qui souffrent.
Fort de Ham, mai 1844.
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La richesse d'un pays dépend de la prospérité de l'agriculture et de l'industrie, du développement du commerce intérieur et extérieur, de la juste et équitable répartition des revenus publics.
Il n'y a pas un seul de ces éléments divers du bien-être materiel qui ne soit miné en France par un vice organique. Tous les esprits indépendants le reconnaissent. Ils diffèrent seulement sur les remèdes à apporter.
Il est avéré que l'extrême division des propriétés tend à la ruine de l'agriculture, et cependant le rétablissement de la loi d'aînesse, qui maintenait les grandes propriétés et favorisait la grande culture, est une impossibilité. Il faut même nous féliciter, sous le point de vue politique, qu'il en soit ainsi.
L'industrie, cette source de richesse, n'a aujourd'hui ni règle, ni organisation, ni but. C'est une machine qui fonctionne sans régulateur ; peu lui importe la force motrice qu'elle emploie. Broyant également dans ses rouages les hommes comme la matière, elle dépeuple les campagnes, agglomère la population dans des espaces sans air, affaiblit l'esprit comme le corps, et jette ensuite sur le pavé, quand elle n'en sait plus que faire, les hommes qui ont sacrifié, pour l'enrichir, leur force, leur jeunesse, leur existence. Véritable Saturne du travail, l'industrie dévore ses enfants et ne vit que de leur mort.
Faut-il cependant, pour parer à ses défauts, la placer sous un joug de fer, lui ôter cette liberté qui seule fait sa vie ; la tuer, en un mot, parce qu'elle tue, sans lui tenir compte de ses immenses bienfaits ? Nous croyons qu'il suffit de guérir ses blessés, de prévenir ses blessures.
Mais il est urgent de le faire ; car la société n'est pas un être fictif : c'est un corps en chair et en os, qui ne saurait prospérer qu'autant que toutes les parties qui le composent sont dans un état de santé parfaite.
Il faut un remède efficace aux maux de l'industrie : le bien général du pays, la voix de l'humanité, l'intérêt même des gouvernements, tout l'exige impérieusement.
Le commerce intérieur souffre, parce que l'industrie, produisant trop en comparaison de la faible rétribution qu'elle donne au travail, et l'agriculture ne produisant pas assez, la nation se trouve composée de producteurs, qui ne peuvent pas vendre, et de consommateurs, qui ne peuvent pas acheter ; et le manque d'équilibre de la situation contraint le gouvernement, ici comme en Angleterre, d'aller chercher jusqu'en Chine quelques milliers de consommateurs, en présence de millions de Français ou d'Anglais qui sont dénués de tout, et qui, s'ils pouvaient acheter de quoi se nourrir et se vêtir convenablement, créeraient un mouvement commercial bien plus considérable que les traités les plus avantageux.
Les causes qui paralysent nos exportations hors de France touchent de trop près à la politique pour que nous voulions en parler ici. Qu'il nous suffise de dire que la quantité de marchandises qu'un pays exporte est toujours en raison directe du nombre de boulets qu'il peut envoyer à ses ennemis quand son honneur et sa dignité le commandent. Les événements qui se sont passés récemment en Chine sont une preuve de cette vérité.
Parlons maintenant de l'impôt.
La France est un des pays les plus imposés de l'Europe. Elle serait peut-être le pays le plus riche, si la fortune publique était répartie de la manière la plus équitable.
Le prélèvement de l'impôt peut se comparer à l'action du soleil, qui absorbe les vapeurs de la terre, pour les répartir ensuite, à l'état de pluie, sur tous les lieux qui ont besoin d'eau pour être fécondés et pour produire. Lorsque cette restitution s'opère régulièrement, la fertilité s'ensuit ; mais lorsque le ciel, dans sa colère, déverse partiellement en orages, en trombes et en tempêtes, les vapeurs absorbées, les germes de production sont détruits, et il en résulte la stérilité ; car il donne aux uns beaucoup trop, et aux autres pas assez. Cependant, quelle qu'ait été l'action bienfaisante ou malfaisante de l'atmosphère, c'est presque toujours, au bout de l'année, la même quantité d'eau qui a été prise et rendue. La répartition seule fait donc la différence. Équitable et régulière, elle crée l'abondance ; prodigue et partielle, elle amène la disette.
Il en est de même des effets d'une bonne ou mauvaise administration. Si les sommes prélevées chaque année sur la généralité des habitants sont employées à des usages improductifs, comme à créer des places inutiles, à élever des monuments stériles, à entretenir, au milieu d'une paix profonde, une armée plus dispendieuse que celle qui vainquit à Austerlitz, l'impôt, dans ce cas, devient un fardeau écrasant ; il épuise le pays, il prend sans rendre ; mais si, au contraire, ces ressources sont employées à créer de nouveaux éléments de production, à rétablir l'équilibre des richesses, à détruire la misère en activant et organisant le travail ; à guérir enfin les maux que notre civilisation entraîne avec elle, alors certainement l'impôt devient pour les citoyens, comme l'a dit un jour un ministre à la tribune, le meilleur des placements.
C'est donc dans le budget qu'il faut trouver le premier point d'appui de tout système qui a pour but le soulagement de la classe ouvrière. Le chercher ailleurs est une chimère.
Les caisses d'épargne sont utiles sans doute pour la classe aisée des ouvriers ; elles lui fournissent le moyen de faire un usage avantageux de ses économies et de son superflu ; mais, pour la classe la plus nombreuse, qui n'a aucun superflu et par conséquent aucun moyen de faire des économies, ce système est complétement insuffisant. Vouloir, en effet, soulager la misère des hommes qui n'ont pas de quoi vivre, en leur proposant de mettre tous les ans de côté un quelque chose qu'ils n'ont pas, est une dérision ou une absurdité.
Qu'y a-t-il donc à faire ? Le voici ! Notre loi égalitaire de la division des propriétés ruine l'agriculture ; il faut remédier à cet inconvénient par une association qui, employant tous les bras inoccupés, recrée la grande propriété et la grande culture sans aucun désavantage pour nos principes politiques.
L'industrie appelle, tous les jours, les hommes dans les villes et les énerve. Il faut rappeler dans les campagnes ceux qui sont de trop dans les villes, et retremper en plein air leur esprit et leur corps.
La classe ouvrière ne possède rien, il faut la rendre propriétaire. Elle n'a de richesse que ses bras, il faut donner à ces bras un emploi utile pour tous. Elle est comme un peuple d'ilotes au milieu d'un peuple de sybarites. Il faut lui donner une place dans la société, et attacher ses intérêts à ceux du sol. Enfin elle est sans organisation et sans liens, sans droits et sans avenir, il faut lui donner des droits et un avenir, et la relever à ses propres yeux par l'association, l'éducation, la discipline.
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Proposition
Pour accomplir un projet si digne de l'esprit démocratique et philanthropique du siècle, si nécessaire au bien-être général, si utile au repos de la société, il faut trois choses : 1° une loi ; 2° une première mise de fonds prise sur le budget ; 3° une organisation.
Il y a en France, d'après la statistique agricole officielle, 9 190 000 hectares de terres incultes qui appartiennent soit au gouvernement, soit aux communes, soit à des particuliers. Ces landes, bruyères, communaux, pâtis, ne donnent qu'un revenu extrêmement faible, 8 francs par hectare. C'est un capital mort qui ne protite à personne. Que les Chambres décrètent que toutes ces terres incultes appartiennent de droit à l'association ouvrière, sauf à payer annuellement aux propriétaires actuels ce que ceux-ci en retirent aujourd'hui ; qu'elles donnent, à ces bras qui chôment, ces terres qui chôment également, et ces deux capitaux improductifs renaîtront à la vie l'un par l'autre. On aura trouvé un moyen de soulager la misère, tout en enrichissant le pays. Afin d'éviter le reproche d'exagération, nous supposerons que les deux tiers de ces 9 millions d'hectares puissent être livrés à l'association, et que l'autre tiers soit ou indéfrichable ou occupé par les bâtiments, les ruisseaux, canaux, etc. Il resterait 6 127 000 hectares à défricher. Ce travail serait rendu possible par la création de colonies agricoles, qui, répandues sur toute la France, formeraient les bases d'une seule et vaste organisation dont tous les ouvriers pauvres seraient membres sans être personnellement propriétaires.
Les avances nécessaires à la création de ces établissements doivent être fournies par l'État. D'après nos estimations, ce sacrifice s'élèverait à une somme d'environ 300 millions payée en quatre ans ; car, à la fin de ce laps de temps, ces colonies, tout en faisant vivre un grand nombre d'ouvriers, seraient déjà en bénéfice. Au bout de dix ans, le gouvernement pourrait y prélever un impôt foncier d'environ 8 millions, sans compter l'augmentation naturelle des impôts indirects dont les recettes augmentent toujours en raison de la consommation, qui s'accroît elle-même avec l'aisance générale.
Cette avance de 300 millions ne serait donc pas un sacrifice, mais un magnifique placement. Et l'État, en songeant à la grandeur du but, pourrait-il se refuser à cette avance, lui, qui dépense annuellement 46 millions[1] pour prévenir ou punir les attaques dirigées contre la propriété, qui sacrifie tous les ans 300 millions pour façonner le pays au métier des armes, qui propose aujourd'hui 120 millions pour construire de nouvelles prisons ? Enfin le pays qui, sans périr, a donné 2 milliards aux étrangers qui ont envahi la France ; qui, sans murmurer, a payé 1 milliard aux émigrés ; qui, sans s'effrayer, dépense 200 ou 300 millions aux fortifications de Paris, ce pays-là, dis-je, hésiterait-il à payer 300 millions en quatre ans pour détruire le paupérisme, pour affranchir les communes de l'immense fardeau que leur impose la misère, pour augmenter enfin la richesse territoriale de plus d'un milliard ?
Les masses sans organisation ne sont rien ; disciplinées, elles sont tout. Sans organisation, elles ne peuvent ni parler ni se faire comprendre ; elles ne peuvent même ni écouter ni recevoir une impulsion commune.
D'un côté, la voix de 20 millions d'hommes éparpillés sur un vaste territoire se perd sans écho ; et, de l'autre, il n'y a pas de parole assez forte et assez persuasive pour aller d'un point central porter dans 20 millions de consciences, sans intermédiaires reconnus, les doctrines toujours sévères du pouvoir.
Aujourd'hui, le règne des castes est fini : on ne peut gouverner qu'avec les masses ; il faut donc les organiser pour qu'elles puissent formuler leurs volontés, et les discipliner pour qu'elles puissent être dirigées et éclairées sur leurs propres intérêts.
Gouverner, ce n'est plus dominer les peuples par la force et la violence ; c'est les conduire vers un meilleur avenir, en faisant appel à leur raison et à leur cœur.
Mais, comme les masses ont besoin d'être instruites et moralisées, et qu'à son tour l'autorité a besoin d'être contenue et même éclairée sur les intérêts du plus grand nombre, il est de toute nécessité qu'il y ait dans la société deux mouvements également puissants : une action du pouvoir sur la masse et une réaction de la masse sur le pouvoir. Or, ces deux influences ne peuvent fonctionner sans choc, qu'au moyen d'intermédiaires qui possèdent à la fois la confiance de ceux qu'ils représentent, et la confiance de ceux qui gouvernent. Ces intermédiaires auront la confiance des premiers dès qu'ils seront librement élus par eux ; ils mériteront la confiance des seconds dès qu'ils rempliront dans la société une place importante, car on peut dire, en général, que l'homme est ce que la fonction qu'il remplit l'oblige d'être.
Guidé par ces considérations, nous voudrions qu'on créât, entre les ouvriers et ceux qui les emploient, une classe intermédiaire, jouissant de droits légalement reconnus et élue par la totalité des ouvriers. Cette classe intermédiaire serait le corps des prud'hommes.
Nous voudrions qu'annuellement tous les travailleurs ou prolétaires s'assemblassent dans les communes, pour procéder à l'élection de leurs représentants ou prud'hommes, à raison d'un prud'homme pour dix ouvriers. La bonne conduite serait la seule condition d'éligibilité. Tout chef de fabrique ou de ferme, tout entrepreneur quelconque serait obligé par une loi, dès qu'il emploierait plus de dix ouvriers, d'avoir un prud'homme pour les diriger, et de lui donner un salaire double de celui des simples ouvriers.
Ces prud'hommes rempliraient, dans la classe ouvrière, le même rôle que les sous-officiers remplissent dans l'armée. Ils formeraient le premier degré de la hiérarchie sociale, stimulant la louable ambition de tous, en leur montrant une récompense facile à obtenir. Relevés à leurs propres yeux par les devoirs mêmes qu'ils auraient à remplir, ils seraient forcés de donner l'exemple d'une bonne conduite. Par ce moyen, chaque dizaine d'ouvriers renfermerait en elle un germe de perfectionnement. Ce qui améliore les hommes, c'est de leur offrir toujours devant les yeux un but à atteindre, qui soit honorable et honoré !
Pour l'impulsion à donner à la masse pour l'éclairer, lui parler, la faire agir, la question se trouve simplifiée dans le rapport de 1 à 10 ; en supposant qu'il y ait 25 millions d'hommes qui vivent au jour le jour de leur travail, on aura 2 millions et demi d'intermédiaires auxquels on pourra s'adresser avec d'autant plus de confiance qu'ils participent à la fois des intérêts de ceux qui obéissent et des idées de ceux qui commandent.
Ces prud'hommes seraient divisés en deux parties : les uns resteraient dans l'industrie privée, les autres seraient employés aux établissements agricoles. Et, nous le répétons, cette différente mission serait le résultat du droit de l'élection directe attribuée à tous les travailleurs.
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Colonies agricoles
Supposons que les trois mesures précédentes soient adoptées :
Les 25 millions de prolétaires actuels ont des représentants, et le quart de l'étendue du domaine agricole de la France est leur propriété[2].
Dans chaque département, et d'abord là où les terres incultes sont en plus grand nombre, s'élèvent des colonies agricoles offrant du pain, de l'instruction, de la religion, du travail, à tous ceux qui en manquent, et Dieu sait si le nombre en est grand en France !
Ces institutions charitables, au milieu d'un monde égoïste livré à la féodalité de l'argent, doivent produire le même effet bienfaisant que ces monastères qui vinrent, au moyen âge, planter au milieu des forêts, des gens de guerre et des serfs, des germes de lumière, de paix, de civilisation.
L'association étant une pour toute la France, l'inégale répartition des terrains incultes, et même le petit nombre de ces terrains dans certains départements ne seraient point un obstacle. Les familles pauvres d'un département qui ne posséderait point dans le principe de colonie agricole[3] se rendraient dans l'établissement le plus voisin, le grand bienfait de la solidarité étant surtout de répartir également les secours, de soulager toutes les misères, sans être arrêté par cette considération qui aujourd'hui excuse toutes les inhumanités : Il n'est point de ma commune.
Les colonies agricoles auraient deux buts à remplir : le premier, de nourrir un grand nombre de familles pauvres, en leur faisant cultiver la terre, soigner les bestiaux, etc. ; le second, d'offrir un refuge momentané à cette masse flottante d'ouvriers auxquels la prospérité de l'industrie donne une activité fébrile, et que la stagnation des affaires ou l'établissement de nouvelles machines plonge dans la misére la plus profonde.
Tous les pauvres, tous les individus sans ouvrage, trouveraient dans ces lieux à utiliser leur force et leur intelligence au profit de toute la communauté.
Ainsi il y aurait dans ces colonies, au delà du nombre strictement nécessaire d'hommes, de femmes et d'enfants pour faire les ouvrages de ferme, un grand nombre d'ouvriers sans cesse employés, soit à défricher de nouvelles terres, soit à bâtir de nouveaux établissements pour les infirmes et les vieillards ; les avances faites à l'association, ou ses bénéfices ultérieurs, lui permettraient d'employer tous les ans des capitaux considérables à ces dépenses productives.
Lorsque l'industrie privée aura besoin de bras, elle viendra les demander à ces dépôts centraux qui, par le fait, maintiendront toujours les salaires à un taux rémunérateur ; car il est clair que l'ouvrier, certain de trouver dans les colonies agricoles une existence assurée, n'acceptera de travail dans l'industrie privée, qu'autant que celle-ci lui offrira des bénéfices au delà de ce strict nécessaire que lui fournira toujours l'association générale.
Pour stimuler ces échanges comme pour exciter l'émulation des travailleurs, on prélèvera sur les bénéfices de chaque établissement une somme destinée à créer pour chaque ouvrier une masse individuelle. Ce fonds constituera une véritable caisse d'épargne, qui délivrera à chaque ouvrier, au moment de son départ, en sus de sa solde, une action dont le montant sera réglé d'après ses jours de travail, son zèle et sa bonne conduite ; de sorte que l'ouvrier laborieux pourra, au moyen de sa masse individuelle, s'amasser, au bout de quelques années, une somme capable d'assurer son existence pour le reste de ses jours, même hors de la colonie.
Pour mieux définir notre système, nous aurons recours à une comparaison. Lorsqu'au milieu d'un pays coule un large fleuve, ce fleuve est une cause générale de prospérité ; mais quelquefois la trop grande abondance de ses eaux ou leur excessive rareté, amène ou l'inondation ou la sécheresse. Que fait-on pour remédier à ces deux fléaux ? On creuse, le Nil en fournit l'exemple, de vastes bassins où le fleuve déverse le surplus de ses eaux quand il en a trop, et en reprend au contraire quand il n'en a pas assez ; et de cette manière on assure aux flots cette égalité constante de niveau d'où naît l'abondance. Eh bien ! voilà ce que nous proposons pour la classe ouvrière, cet autre fleuve, qui peut être à la fois une source de ruine ou de fertilité, suivant la manière dont on tracera son cours. Nous demandons pour la masse flottante des travailleurs de grands refuges, où l'on s'applique à développer leurs forces comme leur esprit, refuges qui, lorsque l'activité générale du pays se ralentira, conserveront le surplus des forces non employées pour les rendre ensuite au fur et à mesure au mouvement général. Nous demandons en un mot de véritables déversoirs de la population, réservoirs utiles du travail, qui maintiennent toujours à la même hauteur cet autre niveau de la justice divine, qui veut que la sueur du pauvre reçoive sa juste rétribution.
Les prud'hommes, c'est-à-dire, les représentants des ouvriers, seront les régulateurs de cet échange continuel. Les prud'hommes de l'industrie privée, au fait de tous les besoins de leurs subordonnés, partageront avec les maires des communes le droit d'envoyer aux colonies agricoles ceux qu'ils ne pourront pas employer. Les prud'hommes des colonies, au fait de la capacité de chacun, chercheront à placer avantageusement dans l'industrie privée tous ceux dont celle-ci aurait besoin. On trouvera peut-être quelques inconvénients pratiques à cet échange ; mais quelle est l'institution qui n'en offre pas dans ses commencements ? Celle-ci aura l'immense avantage de multiplier l'instruction du peuple, de lui donner un travail salubre et de lui apprendre l'agriculture ; elle rendra générale cette habitude que l'industrie du sucre de betteraves et même l'industrie de la soie ont déjà introduite, de faire passer alternativement les ouvriers du travail des champs à celui des ateliers.
Les prud'hommes seront au nombre de un sur dix, comme dans l'industrie privée.
Au-dessus des prud'hommes, il y aura des directeurs chargés d'enseigner l'art de la culture des terres.
Ces directeurs seront élus par les ouvriers et les prud'hommes réunis. Pour qu'ils soient éligibles, on exigera d'eux des preuves de connaissances spéciales en agriculture. Enfin, au-dessus de ces directeurs, de ces prud'hommes, de ces ouvriers, il y aura un gouverneur par chaque colonie. Ce gouverneur sera nommé par les prud'hommes et les directeurs réunis.
L'administration se composera du gouverneur et d'un comité formé d'un tiers de directeurs et de deux tiers de prud'hommes.
Chaque année les comptes seront imprimés, communiqués à l'assemblée générale des travailleurs, et soumis au conseil général du département, qui devra les approuver et aura le droit de casser les prud'hommes ou directeurs qui auraient montré leur incapacité. Tous les ans les gouverneurs des colonies se rendront à Paris, et là, sous la présidence du ministre de l'intérieur, ils discuteront le meilleur emploi à faire des bénéfices dans l'intérêt de l'association générale.
Tout commencement est pénible ; ainsi nous n'avons pas trouvé les moyens de créer ces colonies agricoles économiquement, sans établir des espèces de camps ou les ouvriers soient baraqués comme nos troupes, pendant les premières périodes. Il va sans dire que dès que les recettes surpasseront les dépenses, on remplacera ces baraques par des maisons saines, bâties d'après un plan mûrement médité. On construira alors des bâtiments accessoires pour donner aux membres de la colonie et aux enfants l'instruction civile et religieuse. Enfin on formera de vastes hôpitaux pour les infirmes, pour ceux que l'âge aurait mis dans l'impossibilité de travailler.
Une discipline sévère régnera dans ces colonies ; la vie y sera salutaire, mais rude ; car leur but n'est pas de nourrir des fainéants, mais d'ennoblir l'homme par un travail sain et rémunérateur et par une éducation morale. Les ouvriers et les familles occupés dans ces colonies y seront entretenus le plus simplement possible. Le logement, la solde, la nourriture, l'habillement, seront réglés d'après le tarif de l'armée, car l'organisation militaire est la seule qui soit basée à la fois sur le bien-être de tous ses membres et sur la plus stricte économie.
Cependant ces établissements n'auraient rien de militaire, ils emprunteraient à l'armée son ordre admirable, et voilà tout.
L'armée est simplement une organisation, la classe ouvrière formerait une association. Ces deux corps auraient donc un principe et un but tout différents.
L'armée est une organisation qui, devant exécuter aveuglément et avec promptitude l'ordre du chef, doit avoir pour base une hiérarchie qui parte d'en haut.
La classe des travailleurs formant une association, dont les chefs n'auraient d'autres devoirs que de régulariser et exécuter la volonté générale, sa hiérarchie doit être le produit de l'élection. Ce que nous proposons n'a donc aucun rapport avec les colonies militaires.
Afin de rendre notre système plus palpable, nous allons présenter un aperçu des recettes et dépenses probables d'une colonie agricole. Ces calculs sont basés sur des chiffres officiels. Cependant tout le monde comprendra la difficulté d'établir un semblable budget. Il n'y a rien de moins exact que l'appréciation détaillée des revenus de la terre. Nous ne prétendons pas avoir tout prévu. La meilleure prévision, dit Montesquieu, est de songer qu'on ne peut tout prévoir. Mais si nos chiffres peuvent prêter à diverses interprétations, nous ne saurions admettre qu'il en soit ainsi du système en lui-même. Il est possible que malgré le soin que nous avons apporté dans nos évaluations, nous ayons omis quelques dépenses ou même quelques recettes, ou bien compté à un taux trop élevé les rendements de la terre ; mais ces omissions ne nuisent en rien à l'idée fondamentale que nous croyons juste, vraie, féconde en bons résultats : le simple raisonnement qui suit le prouvera.
Ordinairement les revenus du sol sont partagés en trois parties, sans compter celle du fisc. La première fait vivre les ouvriers qui travaillent la terre, la deuxième est l'apanage du fermier, la troisième enrichit le propriétaire.
Dans nos fermes-modèles, la classe ouvrière aura pour elle seule ces trois produits : elle sera à la fois travailleur, fermier, propriétaire ; ses bénéfices seront donc immenses, et cela d'autant plus que, dans une association bien établie, les dépenses sont toujours moindres que dans les exploitations particulières. La première partie fera vivre dans une modeste aisance un grand nombre de familles pauvres ; la seconde partie servira à établir les masses individuelles dont nous avons parlé ; la troisième partie donnera les moyens, non seulement de bâtir des maisons de bienfaisance, mais d'accroître sans cesse le capital de la société en achetant de nouvelles terres.
C'est là un des plus grands avantages de notre projet ; car, tout système qui ne renferme pas en lui un moyen d'accroissement continuel est défectueux. Il peut bien momentanément amener quelques bons résultats ; mais, lorsque l'effet qu'il devait produire est réalisé, le malaise qu'il a voulu détruire se renouvelle : c'est comme si on n'avait rien fait. La loi des pauvres, en Angleterre, les workhouses, en fournissent des exemples frappants.
Ici, au contraire, lorsque les colonies agricoles seront en plein rapport, elles auront toujours la facilité d'étendre leur domaine, de multiplier leurs établissements, afin d'y placer de nouveaux travailleurs. Le seul cas, qui viendra arrêter momentanément cet accroissement, sera celui ou l'industrie privée aura besoin de bras et pourra les employer plus avantageusement. Alors les terres cultivées ne seront pas abandonnées pour cela ; le nombre excédant d'ouvriers, dont nous avons parlé, rentrera dans le domaine public jusqu'à ce qu'une nouvelle stagnation les renvoie de nouveau à la colonie agricole.
Ainsi, tandis que d'un côté, par notre loi égalitaire, les propriétés se divisent de plus en plus, l'association ouvrière reconstruira la grande propriété et la grande culture.
Tandis que l'industrie attire sans cesse la population dans les villes, les colonies la rappelleront dans les campagnes.
Quand il n'y aura plus assez de terre à assez bas prix en France, l'association établira des succursales en Algérie, en Amérique même ; elle peut un jour envahir le monde ! car partout où il y aura un hectare à défricher et un pauvre à nourrir, elle sera là avec ses capitaux, son armée de travailleurs, son incessante activité.
Et qu'on ne nous accuse pas de rêver un bien impossible ; nous n'aurions qu'à rappeler l'exemple de la fameuse compagnie anglaise des Indes orientales. Qu'était-ce ? sinon une association comme celle que nous proposons, mais dont les résultats, quoique surprenants, ne furent pas aussi favorables à l'humanité, que celle que nous appelons de tous nos vœux.
Avant de pénétrer si loin dans l'avenir, calculons les recettes et les dépenses probables de ces établissements.
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Recettes et dépenses
D'après notre supposition, l'association ouvrière, aurait à défricher les deux tiers de 9 190 000 hectares de terre, aujourd'hui inculte, c'est-à-dire 6 127 000 hectares.
Pour savoir combien ces hectares rapporteraient s'ils étaient soumis à une culture habile, sans jachères, nous avons fait le calcul suivant :
Le nombre d'hectares des cultures dans la France entière est de : 19 314 741
Celui des prairies tant naturelles qu'artificielles : 5 774 745
Étendue en hectares. Total : 25 089 486
La valeur du produit brut de ces terrains est :
Pour les cultures : 3 479 583 005
Pour les prairies : 666 363 412
Produit total, francs : 4 145 946 417
Le produit moyen par hectare de terres ensemencées ou mises en prairies s'élève donc à 165 fr.
D'un autre côté, il y a en France 51 568 845 animaux domestiques de toute espèce, qui donnent un produit brut de 767 251 851 francs[4]. L'une dans l'autre, chaque tête de bétail rapporte donc 15 fr., et comme ces bestiaux sont nourris sur environ 26 millions d'hectares, cela fait environ deux têtes de bétail par hectare. En moyenne, on peut dire que chaque hectare produit 195 fr. dont 165 fr. pour le revenu de la terre et 30 fr. pour le revenu des bestiaux.
Nos 6 127 000 hectares mis en culture et en prairies rapporteront donc :
Pour le produit brut de la terre : 1 010 955 000
Et pour le produit des animaux : 183 810 000
Total en francs : 1 194 765 000
Retranchant de ce nombre ce que ces hectares produisent aujourd'hui d'après la statistique, c'est-à-dire les deux tiers de 82 664 046 francs, on a : 54 709 363
La richesse territoriale se sera accrue de : 1 140 055 637
Voyons maintenant quelle serait la dépense. Pour faciliter nos calculs, supposons que les terres à défricher soient également réparties par chaque division politique de la France. Nous aurons 6 127 000 hectares à diviser par 86, ce qui nous donnera par département 71 241 hectares. En fixant un terme de vingt ans au bout duquel toutes les terres devront être mises en culture, il y aura par an, par département, 3562 hectares à défricher.
Le nombre de bras nécessaires pour ce travail peut se fixer ainsi : un ouvrier défriche en terme moyen[5] trois hectares par an. Mais, comme il faut compter les malades, et qu'ensuite, dès la seconde année, ces ouvriers sont obligés de donner une partie de leurs soins à la culture des terres déjà défrichées, et d'aider les familles agricoles qui seront appelées annuellement en surcroît, nous ne supposerons qu'un travail de deux hectares par an. Il faudra donc 1781 ouvriers pour accomplir cette tache en vingt ans, et comme chaque année il y aura 3562 hectares annuellement défrichés, la colonie accueillera tous les ans 120 familles pour aider à la culture des terres défrichées[6] et pour soigner les bestiaux, puisque nous avons aussi compté d'après le relevé général de la France deux bestiaux par hectare. La colonie achèterait donc tous les ans, à partir de la fin de la première année, deux fois autant de bestiaux qu'elle aurait défriché d'hectares dans l'année précédente. Ainsi, pendant vingt ans, la colonie aurait des recettes et des dépenses qui suivraient une progression croissante.
Les recettes, sans compter les premières avances du gouvernement, se composent de l'augmentation périodique de 3562 hectares défrichés et de l'augmentation annelle de la valeur de ces hectares ; car en admettant que chaque hectare donne un produit de 195 fr., les terres ne rapporteront cette somme qu'au bout de trois ans de culture et quatre années de travail. C'est-à-dire que la première année après son défrichement, chaque hectare rapportera 65 fr., la seconde année 130 fr., et les années suivantes 195 fr.
Quant aux dépenses, à part les premiers frais d'établissement, il y aura chaque année des dépenses qui se renouvelleront sans cesse, telle que la solde de 1781 ouvriers et de 120 familles, l'intérêt des terrains appartenant aux communes ou aux particuliers, la dépense des ensemencements, des écuries, des frais d'administration, de 7124 nouveaux bestiaux à acheter ; de plus, il y aura chaque année un accroissement régulier qui consistera dans l'entretien de 120 nouvelles familles, plus la construction des baraques pour les loger.
Chaque ouvrier recevra la solde du soldat, chaque famille la solde de trois ouvriers. L'habillement doit être bien meilleur marché pour des ouvriers que pour des soldats ; nous le calculerons cependant au même taux, afin de ne rien changer aux prix établis.
Chaque homme coûtera donc par an, tout compris, 318 francs[7].
Les prud'hommes recevront la solde des sous-officiers, les directeurs recevront la solde d'officier, le gouverneur la solde de colonel.
Jusqu'à ce que la colonie ait donné des bénéfices, tous les ouvriers seront logés dans des baraques construites comme celles de nos camps militaires. Ces baraques, vastes et saines[8], contiennent ordinairement douze hommes. Nous ne voudrions y mettre qu'une escouade de dix hommes avec leur prud'homme lorsqu'ils ne seraient pas mariés. Dans le cas contraire, il y aurait une famille par baraque, et ces baraques seraient construites sur une plus petite échelle.
Dans plusieurs départements il y a des baraques semblables près des fabriques de sucre.
En faisant les calculs que nous avons mis à la fin de la brochure, on trouve qu'avec une avance de 311 millions, les recettes et dépenses des colonies seraient, au bout de vingt-trois ans, de :
Recettes annuelles : 1 194 694 800
Dépenses : 378 622 278
Le profit pour l'association serait de : 816 072 522 fr.
206 400 familles, 153 166 ouvriers de la classe pauvre seraient entretenus. La France serait enrichie de 12 millions de nouveaux bestiaux. Enfin le gouvernement prélèverait sur le revenu brut, d'après le taux actuel, près de 37 millions de francs.
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Résumé
Dans l'aperçu sommaire que nous avons présenté des bénéfices, nous sommes resté bien en deçà de la vérité, car l'exploitation du quart du domaine agricole, aujourd'hui stérile, non seulement augmenterait d'un quart la valeur du revenu brut de la France, mais cet accroissement de richesse donnerait à toutes les branches du travail national une activité immense, qu'il est plus facile de comprendre que d'expliquer dans tous ses détails. Non seulement ces colonies empêcheraient au bout de vingt ans plus d'un million d'êtres de languir dans la misère, non seulement elles feraient vivre foule d'industries annexes à l'agriculture, mais ce bénéfice annuel de 800 millions échangé dans le pays contre d'autres produits augmenterait dans le même rapport la consommation et le commerce intérieur. Ce bénéfice offrirait à tous les fruits du travail un débouché plus considérable que ne pourraient le faire les traités de commerce les plus avantageux, puisque cette valeur de 800 millions dépasse de 156 millions la valeur de toutes nos exportations hors de France, qui s'est élevée, en 1842, à 644 millions. (Voy. Documents de douanes, Commerce spécial, Résumé analytique, n° 6.)
Pour rendre ce raisonnement plus saisissant, et pour montrer toute l'importance du commerce intérieur, supposons que ces colonies agricoles fussent non enclavées dans le territoire, mais séparées du continent par un bras de mer et une ligne de douane, et que cependant elles fussent obligées à n'avoir de rapports commerciaux qu'avec la France ! Il est clair que si leur production agricole leur donnait un bénéfice de 800 millions, cette somme serait échangée contre des produits continentaux, soit manufacturés, soit du sol même, mais de différentes natures.
Nous croyons donc que l'accroissement de la consommation intérieure, favorisée par cet accroissement de richesse et d'aisance, remédierait plus que toute autre chose au malaise, dont se plaignent certaines industries, et surtout qu'il ferait cesser en partie les maux dont souffrent les cultivateur de la vigne, tout en rendant le pain et la viande meilleur marché.
En effet, il est présumable que, par la nature de leur sol, ces colonies produiraient des céréales et des bestiaux, mais pas de vin. Or, en augmentant par leur production la quantité de blé et de viande, elles diminueraient le prix de ces denrées de première nécessité, ce qui tendrait à en augmenter la consommation en permettant à la classe pauvre d'en manger : et, d'un autre côté, l'accroissement d'aisance augmenterait le nombre de ceux qui peuvent boire du vin, et par conséquent la consommation générale.
Il est facile d'expliquer par les chiffres officiels le malaise de nos viticoles. La France produit 36 783 223 hectolitres de vin sans compter les eaux-de-vie.
Elle en consomme : 23 578 248
Elle en exporte : 1 351 677
Total de la consommation intérieure et extérieure : 24 929 925
Retranchant cette somme de la production, il reste 11 853 298 hectolitres sans emploi.
Ces chiffres montrent et la cause du malaise et les moyens d'y remédier ; ils prouvent la supériorité du marché national sur l'exportation ; car si, par les moyens que nous avons indiqués, l'activité donnée au commerce intérieur augmentait seulement la consommation d'un dixième, ce qui n'est pas hors des probabilités, l'augmentation serait donc de 2 357 824 hectolitres, ce qui est près du double de toutes nos exportations.
D'un autre côté, si la politique de nos gouvernants parvenait, ce que nous sommes loin de prévoir, à augmenter nos exportations d'un cinquième, ce qui serait un résultat immense, cet accroissement ne serait que de 270 334 hectolitres.
Le travail qui crée l'aisance, et l'aisance qui consomme, voilà les véritables bases de la prospérité d'un pays. Le premier devoir d'un administrateur sage et habile est donc de s'efforcer, par l'amélioration de l'agriculture et du sort du plus grand nombre, d'augmenter la consommation intérieure, qui est loin d'être arrivée à son apogée ; car, statistiquement parlant, en France, chaque habitant consomme par an, en moyenne : de froment, méteil, seigle, 271 litres, ce qui fait 328 rations de pain par individu par an ; de viande, 20 kilogr. ; de vin, 70 litres ; de sucre, 3,40 kilogr.. Ce qui veut dire, humainement parlant, qu'il y a en France plusieurs millions d'individus qui ne mangent ni pain, ni viande, ni sucre, et qui ne boivent point de vin. Car tous les gens riches consomment bien au delà de cette moyenne, c'est-à-dire 365 rations de pain au lieu de 328, 180 kilogr. de viande au lieu de 20 kilogr., 365 litres de vin au lieu de 70, et 50 kilogr. de sucre au lieu de 3 et deux cinquièmes.
Nous ne produisons pas trop, mais nous ne consommons pas assez.
Au lieu d'aller chercher des consommateurs en Chine, qu'on augmente donc la richesse territoriale ; qu'on emploie tous les bras oisifs au profit de toutes les misères et de toutes les industries ; ou plutôt qu'on fasse l'un et l'autre si l'on peut, mais surtout qu'on n'oublie pas qu'un pays comme la France, qui a été si richement doté du ciel, renferme en lui-même tous les éléments de sa prospérité, et que c'est une honte pour notre civilisation de penser, qu'au XIXème siècle, le dixième au moins de la population est en haillons et meurt de faim en présence de millions de produits manufacturés qu'on ne peut vendre, et de millions de produits du sol qu'on ne peut consommer !
En résumé, le système que nous proposons est la résultante de toutes les idées, de tous les vœux émis par les économistes les plus compétents depuis un demi-siècle.
Dans le rapport au roi de M. Gouin, qui se trouve en tête de la statistique officielle agricole (page XXVIII), le ministre déclare qu'un des plus grands progrès à obtenir est le défrichement de ces terres qui ne rapportent que 8 francs par hectare. Notre projet réalise cette pensée.
Tous les hommes qui se sentent animés de l'amour de leurs semblables réclament pour qu'on rende enfin justice à la classe ouvrière, qui semble déshéritée de tous les biens que procure la civilisation ; notre projet lui donne tout ce qui relève la condition de l'homme, l'aisance, l'instruction, l'ordre, et à chacun la possibilité de s'élever par son mérite et son travail. Notre organisation ne tend à rien moins qu'à rendre, au bout de quelques années, la classe la plus pauvre aujourd'hui, l'association la plus riche de toute la France.
Aujourd'hui la rétribution du travail est abandonnée au hasard ou à la violence. C'est le maître qui opprime ou l'ouvrier qui se révolte. Par notre système les salaires sont fixés comme les choses humaines doivent être réglées, non par la force, mais par un juste équilibre entre les besoins de ceux qui travaillent et les nécessités de ceux qui font travailler.
Aujourd'hui tout afflue à Paris, le centre absorbe à lui seul toute l'activité du pays ; notre système, sans nuire au centre, reporte la vie vers les extrémités, en faisant agir quatre-vingt-six nouvelles individualités travaillant, sous la haute direction du gouvernement, dans un but continuel de perfectionnement.
Et que faut-il pour réaliser un semblable projet ? une année de solde de l'armée, quinze fois la somme qu'on a donnée à l'Amérique, une dépense égale à celle qu'on emploie aux fortifications de paris.
Et cette avance rapportera, au bout de vingt ans, à la France 1 milliard, à la classe ouvrière 800 millions, au fisc 37 millions !
Que le gouvernernent mette à exécution notre idée, en la modifiant de tout ce que l'expérience des hommes versés dans ces matières compliquées peut lui fournir de renseignements utiles, de lumières nouvelles ; qu'il prenne à cœur tous les grands intérêts nationaux, qu'il établisse le bien-être des masses sur des bases inébranlables, et il sera inébranlable lui-même. La pauvreté ne sera plus séditieuse, lorsque l'opulence ne sera plus oppressive, les oppositions disparaîtront et les prétentions surannées qu'on attribue à tort ou à raison à quelques hommes, s'évanouiront comme les folles brises qui rident la surface des eaux sous l'équateur, et s'évanouissent en présence du vent réel qui vient enfler les voiles et faire marcher le navire.
C'est une grande et sainte mission, bien digne d'exciter l'ambition des hommes, que celle qui consiste à apaiser les haines, à guérir les blessures, à calmer les souffrances de l'humanité en réunissant les citoyens d'un même pays dans un intérêt commun, et en accélérant un avenir que la civilisation doit amener tôt on tard.
Dans l'avant-dernier siècle, La Fontaine émettait cette sentence, trop souvent vraie et cependant si triste, si destructive de toute société, de tout ordre, de toute hiérarchie : "Je vous le dis en bon français, notre ennemi, c'est notre maître !"
Aujourd'hui, le but de tout gouvernement habile doit être de tendre par des efforts à ce qu'on puisse dire bientôt : "Le triomphe du christianisme a détruit l'esclavage ; le triomphe de la révolution française a détruit le servage ; le triomphe des idées démocratiques a détruit le paupérisme !"
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Le Prince Louis Bonaparte
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Voici ce que monsieur "la Honte de son Oncle" nous aurait "accordé" ?
- L'Égalité Patron/Salarié devant la loi (valeur du témoignage devant un tribunal) ;
- Les Conseils des Prud'hommes à tous les coins de rue ;
- Les Caisses d'Assurances Sociales (Sociétés de Secours Mutuel) ;
- Retraite des Fonctionnaires et agents de l'État ;
- Le Droit de Grève (Coalition) ;
- La Liberté Syndicale de fait (Chambres Syndicales).
Et j'en passe ! Des H.L.M. avant l'heure, des Restos du Cœur, un "corps d'aumônier dispensant gratuitement des prières" aux agonisants démunis ; etc.
Philippe SÉGUIN nous révèle tout cela - Témoignages à l'appui de Varlin et un autre Communard : J. Amigues.
Le "Napoléon le Grand" de Séguin s'émeut du "libéralisme tempéré" du dictateur "au désir sincère d'émanciper les ouvriers". Séguin se lamente aussi : "Dans l'isolement qui était le sien, Louis-Napoléon ne pouvait empêcher l'Internationale de Marx, qui se dirigeait vers le renversement de tous les trônes".
Séguin nous apprend encore que Marx était "antisémite".
Séguin a tant à nous apprendre...
Église Réaliste - décembre 2000
DÉCEMBRE 1851 (COUP D'ÉTAT DU 2). Les causes générales de cet acte célèbre sont suffisamment connues, et nous n'avons pas à les apprécier ici, non plus que l'événement final qui a changé les destinées de notre pays et pesé d'un si grand poids sur celles de l'Europe. "L'histoire, dit M. de La Guéronnière, a besoin de se recueillir longtemps avant de juger de tels événements. Ce n'est qu'en les voyant à distance qu'elle peut les voir dans leur vérité." Cette théorie est surtout ici d'application rigoureuse, parce qu'en effet il s'agit de faits qui sortent des règles ordinaires et qui ne peuvent être isolément appréciés. En outre, on comprendra qu'une grande réserve nous est commandée par la situation même. L'histoire prononcera. Quant à nous, simple annaliste, nous ne jugeons pas, nous racontons. Tout ce qu'on peut exiger de nous, c'est l'exactitude et la bonne foi. (…)
NAPOLÉON III (Charles-Louis-Napoléon BONAPARTE)
(…)
Envoyé à la forteresse de Ham pour y subir un emprisonnement perpétuel, presque au même moment où les cendres de Napoléon, ramenées de Sainte-Hélène, entraient triomphalement à Paris, Louis Bonaparte eut pour compagnon de captivité le docteur Conneau, depuis longtemps attaché à sa cause, et le général Montholon. Sa captivité, du reste, était loin d'être rigoureuse. Il pouvait recevoir de fréquentes visites, échangeait avec ses amis du dehors une correspondance très active et disposait d'un manège pour monter à cheval dans l'intérieur de la citadelle. Toujours désireux de se mettre sur un piédestal, il écrivait : "Je ne désire pas sortir des lieux où je suis ; car, ici, je suis à ma place ; avec le nom que je porte, il me faut l'ombre d'un cachot ou la lumière du pouvoir." Il était loin, comme on le voit, d'avoir renoncé à son rôle de prétendant. Pour faire tourner sa captivité au profit de son ambition, pour se créer des partisans dans le peuple et même parmi les républicains, il se montra essentiellement occupé du sort des classes populaires. Il publia dans des journaux avancés, particulièrement dans le Progrès du Pas-de-Calais, le Précurseur de l'Ouest, de nombreux articles, dans lesquels il aborde des problèmes variés d'histoire, de politique, d'économie politique, et où il se montre constamment préoccupé d'améliorations sociales. S'il est un prétendant, c'est un prétendant démocratique. "La République serait mon idéal ; mais j'ignore si la France est républicaine. Je vois dans son histoire les deux éléments monarchique et républicain exister, se développer simultanément. Si le pays m'appelle un jour, je lui obéirai. Je réunirai autour de mon nom plébéien tous ceux qui veulent la liberté et la gloire ; j'aiderai le peuple à rentrer dans ses droits, à trouver la formule gouvernementale des principes de la Révolution." Dans une lettre écrite, le 21 octobre 1843, au rédacteur du Journal du Loiret, il disait encore : "J'avais une haute ambition, mais je la pouvais avouer : l'ambition de réunir autour de mon nom populaire tous les partisans de la souveraineté du peuple, tous ceux qui voulaient la gloire et la liberté."
Ce fut à Ham qu'il écrivit (…) L'Extinction du paupérisme (1844, in-32), où il propose d'établir, aux frais de l'État, des colonies dans les parties les plus incultes de la France. Cet écrit lui rallia les suffrages de certains socialistes et lui valut les applaudissements de démocrates assez peu clairvoyants pour ne pas découvrir quel véritable but était poursuivi par le prétendant en émettant ces doctrines. "Lorsque, en 1844, dit M. Elie Sorin, l'écrivain de Ham publie sa brochure socialiste, intitulée : De l'extinction du paupérisme, le Journal du Loiret s'écrie : "Louis-Napoléon n'est plus à nos yeux un prétendant, mais un membre de notre parti, un soldat de notre drapeau." Mme George Sand prête le patronage de son nom et de son talent à la consécration de l'œuvre du prisonnier : "Le règne illustre de Napoléon n'est plus de ce monde, et l'héritier de son nom, penché sur les livres, médite, attendri, sur le sort des prolétaires... Parlez-nous souvent de délivrance et d'affranchissement, noble captif ! Le peuple est comme vous dans les fers ; le Napoléon d'aujourd'hui est celui qui personnifie les douleurs du peuple comme l'autre personnifiait ses gloires." Chateaubriand, Thiers, Béranger, Louis Blanc ne dédaignèrent pas d'échanger des lettres avec le prince démocrate qui écrivait des phrases émues comme celle-ci : "Il est naturel, dans le malheur, de songer à ceux qui souffrent... La classe ouvrière ne possède rien, il faut la rendre propriétaire." Quatre années passées dans les murs de Ham avaient donné le temps au prisonnier de se faire au dehors une sorte de popularité que n'avaient pu lui donner Strasbourg et Boulogne ; il avait acquis enfin des influences réelles : il comptait des amis dans les rangs du parti populaire."
(…)
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Histoire universelle, Albert Malet
L'EMPIRE ET LES CLASSES LABORIEUSES. L'originalité et l'honneur du second Empire, ce sont les efforts accomplis en vue d'améliorer les conditions d'existence des classes laborieuses. Le rôle de Napoléon III fut ici particulièrement actif : là seulement, et dans la politique étrangère jusqu'en 1860, il a pleinement agi de lui-même. Dans cette figure indécise, deux traits apparaissent seuls avec netteté : un sincère amour de l'humanité, et une générosité d'instinct, qui ont porté l'Empereur à vouloir soutenir ceux qui peinent et qui souffrent. De là, pour secourir les malades indigents, la multiplication des hôpitaux et des maisons de convalescence, une première organisation, par l'institution des médecins cantonaux, d'un service d'assistance médicale et de distribution gratuite de médicaments. De là les encouragements aux sociétés de secours mutuels ; la création sous la garantie de l'État d'une Caisse des retraites pour la vieillesse (1850), complétée par une Caisse d'assurances en cas d'accidents et en cas de décès (1868) ; la fondation de la Caisse du Prince Impérial, qui avançait de l'argent aux ouvriers pour l'achat de leurs outils.
La mesure capitale fut, en 1864, le vote de la loi sur le droit de coalition. La Révolution avait interdit sous des peines rigoureuses les coalitions, c'est-à-dire les ententes entre ouvriers en vue d'obtenir des patrons une augmentation des salaires ou des conditions de travail plus avantageuses ; la grève était un délit puni par le Code. À partir de 1864, la grève devint légale. Nulle mesure ne fut plus utile pour les ouvriers et n'eut pour eux de plus grandes conséquences ; c'est par l'exercice du droit de grève qu'ils ont conquis un meilleur sort.
LES GRANDS TRAVAUX. Des travaux d'utilité générale entrepris par toute la France furent encore une façon de venir en aide aux ouvriers. Les plus importants de ces travaux furent les constructions de chemins de fer et la transformation de Paris. Le réseau ferré, commencé en 1842, ne mesurait pas 3 400 kilomètres en 1851. Plus de 15 000 kilomètres furent construits avant 1870.
À Paris, sous l'administration du baron Haussmann, préfet de la Seine pendant seize ans (1853-1869), les vieux quartiers furent éventrés ; on y perça de vastes boulevards et de larges rues rectilignes, boulevards Saint-Germain, Saint-Michel, Sébastopol, Strasbourg, Magenta, Richard-Lenoir, Prince-Eugène - aujourd'hui boulevard Voltaire -, rue de Rivoli, rue Turbigo, rue La Fayette, etc., grandes voies de circulation qui assainirent la ville, mais aussi grandes voies stratégiques où les barricades devenaient impossibles, parce que l'artillerie y pouvait tirer comme en rase campagne. On creusa 800 000 mètres d'égouts ; on amena dans d'énormes réservoirs les eaux de deux rivières, la Vanne et la Dhuys. On transforma en parcs les bois de Boulogne et de Vincennes, les carrières des Buttes-Chaumont, etc. On acheva la jonction du Louvre aux Tuileries, et l'on eut ainsi le plus magnifique ensemble de palais qui soit en Europe. On construisit les Halles centrales, des marchés, des églises, Saint-Augustin, la Trinité, Sainte-Clotilde, des hôpitaux, Lariboisière, l'Hôtel-Dieu, des théâtres, des casernes, casernes de la Cité, du Château-d'Eau, etc., vraies citadelles, complétant le système de défense contre l'émeute, dont les boulevards étaient le premier élément. Enfin, en 1860, on doubla l'étendue de Paris en rasant l'ancien mur des Fermiers généraux, qu'on remplaça par d'énormes boulevards circulaires, et en annexant les petites villes Auteuil, Passy, Montmartre, La Villette, Belleville, Mont-rouge, Vaugirard, Grenelle, etc., comprises entre ces boulevards et l'enceinte bastionnée créée sous Louis-Philippe après l'alerte de 1840. Dans les départements, Lille, Lyon, Bordeaux, Marseille furent transformés comme Paris.
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[1] BUDGET DE 1843 :
Frais de justice criminelle ou correctionnelle : 4 149 400 fr.
Gendarmerie et sergents de ville : 19 703 782
Commissaires et agents : 1 032 000
Administration supérieure de la police de sûreté : 97 800
Maisons de détention, transports de condamnés : 6 280 000
Bagnes : 5 728 550
Gardes champètres payés par les communes : 9 000 000
Total : 45 991 532 fr.
[2] Nous avons supposé que l'association ouvrière ne ferait d'abord qu'affermer la terre, puis qu'elle payerait aux propriétaires actuels le faible revenu qu'ils tirent des terres incultes et des communaux ; mais au fur et à mesure elle les rachèterait afin d'être seule propriétaire.
[3] Nous disons dans le principe, parce que, dès que l'association serait en voie de prospérité, il serait de son intérêt d'établir des colonies agricoles dans chaque département, soit en défrichant les terres incultes, soit en achetant des terrains dont l'industrie privée ne tire pas un grand profit, mais qu'une association pourrait faire valoir à son avantage.
[4] Nous dirons plus tard pourquoi nous ne comprenons pas dans le produit brut des bestiaux la valeur de la viande consommée.
[5] D'après les renseignements qu'on nous a fournis, un homme défriche 2 hectares de bois par an, ou bien 4 hectares de bruyères. La moyenne est donc de 3 hectares, en supposant un nombre égal de bois ou de bruyères, ce qui est évidemment bien au delà de la réalité, puisque les terres incultes qui sont à défricher ne sont pas comprises dans le sol forestier. On pourrait donc prendre comme moyenne 4 hectares au lieu de 3.
[6] Un grand propriétaire, très-versé dans ce qui a rapport à l'agriculture, a eu la bonté de nous fournir le renseignenient suivant :
Pour cultiver une ferme de 150 hectares suivant l'ancien système, blé, avoine, jachères, il faut :
7 domestiques et une servante toute l'année.
6 batteurs employés pendant six mois.
4 parcours employés pendant trois mois.
20 moissonneurs occupés pendant six semaines.
Avec le nouveau système, où l'on remplace la jachère par des plantes sarclées, il faut un homme de plus par an.
Dans nos calculs, nous avons donc mis un nombre de bras bien suffisant.
[7] Dépense d'un soldat d'infanterie par an :
Solde à 30 centimes par jour : 109,50
Masses personnelles : 86,15
Valeur des rations : 64,6780
Habillement : 34,40
Dépense d'hôpital : 24,13
Francs : 318,8580
[8] Dimension des baraques.
Profondeur : 3,90 m
Longueur : 4,60 m
Hauteur aux pieds droit : 4,00 m
Hauteur sous les arbalétriers aux faîtes : 3,30 m
Les murs, en torchis et en clayonnage ont d'épaisseur : 0,10 m
Pour camper une division d'infanterie de 10 904 hommes, il faut 1160 baraques du modèle dont il s'agit. On peut évaluer à 150 000 fr. la dépense de construction, et à 12 000 fr. les dépenses nécessaires pour leur entretien pendant huit années qu'elles pourront durer. (Aide-mémoire du génie, par le capitaine Laisné, p. 516.)
[9] Les dix-sept tomes de l'Encyclopédie Larousse furent composés et publiés de 1866 à 1876. On peut juger du courage intellectuel du Sieur Larousse en comparant le ton des deux articles dont nous publions ici de courts extraits… Le premier, traitant du Coup d'État du 2 décembre 1851, date de 1870 (tome 6), et a donc été écrit alors que Napoléon III régnait toujours. Le second en revanche, longue biographie de Napoléon III, a été écrit en 1874 (tome 11)… et donc après la chute de l'Empire... Notre Larousse y fait preuve d'une grande hardiesse dans la critique !… (Note de l'Édition.)
Nous vous rappelons que nous vivons en pays occupé :
"Les murs ont des oreilles...".