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Laïcité Acquis Sociaux Syndicats Jaunes 1848
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Dieu et Marx

- Hors d'œuvre -

La Laïcité
Débusquée

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Église Réaliste - octobre 1997

Gravure de J.L. Charmet : carte du Paradis terrestre (XVIIIème siècle).

La région dans le nord de la Mésopotamie, dans laquelle les historiens ont situé le mont Ararat, sert de décor au Jardin d'Eden.

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Carte des provinces occidentales de l'Empire Perse, extraite de la Littérature syriaque de M. Duval.

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Sommaire

Programme : La Grande Question

Première partie : Le Gros Bobard

• Vieux cochons

• Seuil de tolérance

• Le cas "Josette"

• Edmund Burke

• Bulles Laïques

Deuxième Partie : Bouquet Laïc

• La vulgarité dominante

• 1946 (A. Vène)

• 1932 (Indochine)

• 1898 (Gustave Lebon)

• Démo-fachos

Conclusion : Le Léviathan Laïc

Documents & Annexes :

• Indochine/1932 : Pierre Varret : "Les Dieux qui meurent"

• Gustave Le Bon/1898 : "Psychologie du socialisme"

• Journal Le Progrès : "Juriste et religion, les précisions d'un philosophe"

• John Milton : "Areopagitica"

• Église Réaliste : "Deux programmes : Islam et Laïcité"

• Église Réaliste : "Le Grand Guignol"

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La grande question

La grande question : c'est ainsi que je qualifie le sujet qui m'occupe, celui de "Dieu et Marx".

Les pondeurs de thèses académiques n'ont pas à justifier le thème qu'ils disent choisir. Les faiseurs de livres commerciaux n'ont pas à avouer le parti qu'ils prennent dans le sujet dont ils traitent. Un marxiste annonce la couleur.

Je prétends que la question "Dieu et Marx" est non seulement fondée, légitime, mais qu'elle est la question fondamentale de l'époque générale à laquelle nous appartenons et de la période précise que nous vivons.

 

Pour aller droit au but voici ce que je me propose d'établir :

1- S'il était possible qu'il n'y ait plus de Marxistes, l'humanité périrait ! Ni plus ni moins.

2- Les Marxistes ne sont point du tout Athées. Et encore moins Laïcs. Ce sont même les meilleurs Amis de Dieu. Faudra s'y faire.

3- Concrètement, pratiquement, le marxisme, quoique évidemment matérialiste, et la religion, évidemment spiritualiste, sont unis à la vie à la mort.

4- Il y a aujourd'hui même le besoin brûlant de donner une présentation totalement neuve du Marxisme, qu'on ne trouve pas même dans Marx et Engels. Cela c'est la clef.

Telle est l'idée que j'ai derrière la tête en soulevant le problème de

"Dieu et Marx".

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Sybille

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Première Partie :
Le gros bobard

La laïcité :
"le droit de croire et de ne pas croire."

Vieux cochons

Mon sujet est "Dieu et Marx". Quel rapport entre ces deux choses ? Demandons à la Laïcité de nous mettre sur la voie.

Axiome : 1905

Nous sommes en démocratie laïque. Cela n'est absolument pas contradictoire avec notre appartenance à la civilisation "judéo-chrétienne". Le défroqué bouffe-curés Emile Combes, le premier, se plaisait à nous le rappeler. On ne nous explique pas les choses !

 

C'est sur notre sol que se livra la "guerre de 25 ans" qui opposa le Grand-Orient et les Congrégations : 1880-1905. Ce conflit épique est illustré, en ses deux bornes, par les noms de deux héros : Jules Ferry et Jean Jaurès. Il s'acheva par le triomphe de la Laïcité Tolérante.

D'aucuns commettent encore la grossière erreur de penser que cette rude bataille que menèrent nos pères eut pour enjeu la foi et l'incrédulité. Il serait quand même temps d'en être détrompé. C'est tout le contraire. Nous eûmes 25 ans de joute parlementaire entre "préopinants" dont le but était bien plutôt d'étouffer, à droite et à gauche, les flamèches renaissantes de mystique et d'athéisme qu'on avait laissé couver sous la cendre en 1848. C'est à ce prix que notre Laïcité fut conquise.

• Un exemple. Au plus fort de la bataille du Bloc laïc, vers le tournant du siècle, suivons quelle était la conduite de l'instituteur de la "communale", "esprit fort" s'il en est, et petit roi républicain dans sa classe. Il aligne sous le préau les apprentis conscrits de la Revanche, et les conduit au pas de l'oie jusqu'à la chapelle civique au poële à bois qu'on appelle la "Classe". Vous ne le voyez pas, mais durant le trajet, le maître affûte sa craie blanche dans la poche de sa blouse. C'est qu'il se prépare au premier acte éducatif dont il a la charge : inscrire solennellement au tableau noir, en rondes déliées, le millésime grégorien ; ce jour, ce mois, de l'an tant.. Disons que le Maître écrit : 9 décembre 1905. 1905 depuis quoi ? Depuis bébé Jésus ! 1905 "de l'Incarnation du Seigneur" (ab incarnatione Domini). Vous me direz : cela reste sous-entendu. Je veux bien ; c'est une particularité du laïc : il est porté à la sous-entente. Mais quand même ! L'Incarnation ! Où vont les sciences naturelles "positives" ? Autre chose : le non-dit du Nom de Notre Seigneur, n'est-ce-pas une dérive judaïque, une condamnable superstition envers l'évocation du Tétragramme I.N.R.I. ? Certes, on nous a écrit "1905". Une date pareille est propre à conjurer toute "métaphysique". Date inoubliable, fête de la Séparation, de l'émancipation de l'Eglise de la souillure de l'État. C'est cela qui compte, finalement. Alors nous eûmes enfin la Loi de Séparation, donnée en exemple à l'univers, loi que réclamaient en vain 60 ans en arrière les pieux Montalembert et Lacordaire (1845).

• Autre exemple, pris dans la "Revue des Armées", mine d'informations laïco-démocratiques, en 1994. Nous lisons : "L'aumônerie militaire - ou diocèse aux armées - est une institution méconnue. C'est la plus jeune église de France. Elle n'est apparue sous sa forme actuelle qu'en 1905 (tiens !), avec la Loi qui marque la Séparation de l'Eglise et de l'État. La loi de 1905 définit la neutralité de l'État en matière religieuse, garantit la liberté de tous les cultes, et crée (!) des aumôneries dans les hôpitaux, l'enseignement public, les prisons et les armées.

On dénombre aujourd'hui trois aumôneries reconnues : catholique, protestante et israëlite. Les aumôniers militaires sont nommés par le ministre de la Défense, sur proposition du chef d'État-major. Leur engagement qui dure deux ans peut être renouvelé. Dans chaque région militaire, un aumônier principal est responsable. À la tête de l'aumônerie catholique se trouve l'évêque aux armées, placé auprès de l'État-major. Il est assisté de quatre adjoints : terre, air, marine et gendarmerie. L'aumônier militaire a statut d'officier, il porte comme insigne une croix pectorale. Depuis 1945, les aumôniers militaires accompagnent les troupes sur tous les territoires en conflit : guerre du Golfe, Rwanda, Bosnie.

Le moment fort de la vie du Diocèse aux Armées se situe au mois de mai à Lourdes, lors du pélerinage militaire international. Plus de 20.000 militaires s'y retrouvent. Actuellement à la tête du Diocèse aux armées, se trouve Monseigneur Michel Dubost, ancien élève de l'Institut d'Etudes Politiques. Il nous confie : "Mon père est militaire. C'est le pape qui m'a demandé d'accepter le poste. Mais j'avais aussi le souci des jeunes. L'armée est un des seuls lieux qui reste en France une interface (!) réussie entre adultes et jeunes. L'armée donne des reponsabilités aux jeunes".

 

Dois-je, pour mon compte, commenter plus avant cette "interface réussie", en Laïcité, entre Cléricaux et Libre-Penseurs ? Tout ce beau monde, si je puis dire, pour reprendre une formule prisée par la Grande Muette, me paraît identiquement "sans état d'âme".

Notice technique : Le Porc

Le porc, vulgairement nommé cochon, est nommé porcus par les naturalistes. C'est, nous dit-on, un mammifère artiodactyle pachyderme, de la famille des suidés. On en connaît 17 espèces dans le seul ancien monde.

Passons sur certains de ses caractères, comme le fait de posséder deux doigts terminant un sabot, ou d'être revêtu d'une peau très épaisse, bien que cela ne soit pas sans intérêt.

Un point dont nous verrons la grande importance par la suite, c'est tout bonnement que nous avons affaire à un mammifère, donc à un animal à reproduction sexuelle. De plus, le porc est connu comme bête à la lubricité très prononcée : le reproducteur mâle s'adonne intensément au coït jusqu'à l'âge de 7/8 ans, époque où on le castre pour ensuite l'engraisser.

Le porc mâle est nommé Verrat, et son instinct laïc le porte normalement vers la pratique cléricale. La femelle, dite Truie, penche au contraire vers le courant libre-penseur de la laïcité. Mais il n'est pas de truie sans verrat, et réciproquement, ce qui maintient unie la cellule laïque fondamentale, en dépit des conflits confessionnels qui se livrent autour de l'auge de la Tolérance.

Un second point doit retenir notre attention philosophique : le porc, ménage au complet et sa portée de pourceaux y comprise, est notoirement glouton et très malpropre. Et comme rien ne le régale plus que fourrer son groin dans les détritus, de se gaver d'ordures, et que par ailleurs le porc est presque entièrement comestible par l'homme, ce dernier doit prendre garde aux maladies contagieuses et incurables (dans l'état présent de la science) qu'il peut contracter, s'il consent à s'alimenter au moyen de cette viande dangeureuse, souvent infectée : j'ai nommé la peste porcine, et la ladrerie qui est une redoutable lèpre. Celui à qui la faim fait perdre toute prudence doit se souvenir qu'il court à la mort s'il ne prend pas la précaution de manger le porc bien cuit.

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Le Diocèse aux armées

L'aumônerie militaire

L'évêque aux armées, Monseigneur Michel Dubost.

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Seuil de tolérance

Credo laïc : nous qui avons le bonheur de vivre en démocratie, spirituellement sous les ailes de la laïcité, n'oublions pas que tout nous est permis : le droit de croire, tout comme celui de ne pas croire.

Qui dit mieux ? Il faut avouer que le malheureux qui se trouve éprouver quelque gêne spirituelle sous le régime de la laïcité est par avance foudroyé par le credo officiel. Sans même qu'il ait à se soucier des menottes électroniques que lui a préparé le Damoclès siégeant à la préfecture de Police, il commence à se ronger les sangs : pourquoi donc suis-je insatisfait ? Suis-je anormal ? Il faut reconnaitre que le Message laïc vous fiche un sacré sentiment de culpabilité et une très désagréable sensation de solitude !

Il y a finalement deux catégories-types d'individus que la laïcité place dans l'inconfort mental : l'athée et le mystique. Examinons cela. Mais bouche-cousue ! Faisons simplement causer le gros cochon de laïc. Et contentons-nous de bien surveiller chacune de ses paroles.

Athéisme

Est-il dit, dans le credo laïc, que les athées se trouvent sous anathème ? Ce serait faire injure à la laïcité, qui inclut dans son principe, de façon très essentielle, la Tolérance. Faut-il le répéter : tout est permis. Est-ce clair ? Gros Cochon nous l'asserte formellement :

• On a tout à fait le droit d'être athée chez nous. (Une pause) Mais...

Attention ! alerte intellectuelle. Il y a un "mais". C'est dans les "mais" que tout se joue chez les artistes de l'embrouille. Sir Layman - frère lai en français - poursuit son grognement :

• Mais les athées du genre marxiste ne professent pas le "vrai" athéisme.

Ah ! ça se complique. Vigilance renforcée. Couvre-feu mental ! J'ai bien prévenu : frère Grognon va nous entortiller. Motus absolu. Rien d'autre à faire que de tirer tous les vers du groin de Gros Cochon. Il continue sur sa lancée :

• Le vrai athéisme, c'est l'athéisme modéré. En laïcité, ce qui prime toute option philosophique ou religieuse, c'est la Tolérance, dois-je le rappeler ? Où irait-on si on livrait la laïcité aux ennemis de la tolérance, et la tolérance aux ennemis de la laïcité ? C'est pourquoi l'athéisme outré est très néfaste. Nous maintenons cependant (aïe, il a vu que je tiquais quand il a dit "mais" ; Cochon ruse à présent avec du "cependant" !) ... nous maintenons cependant qu'il y a chez nous la liberté de ne pas croire. Ceci est un acquis laïc sur lequel on ne reviendra pas. Je dirais même que l'athée laïc va "plus loin" que l'athée fruste, disons non-policé, qu'est l'athée de type marxiste. La laïcité a ses exigences. C'est en quelque sorte une ascèse. C'est ainsi que l'athée modéré, qui est aussi supérieurement athée, que l'on trouve en laïcité, a appris à élever son incroyance jusqu'au sacrifice, jusqu'à ne pas y croire. Voilà l'athée conséquent tel que nous l'entendons chez nous !

 

Triomphe de l'orateur. Il est vrai qu'une telle verve en bouche un coin. À ce moment, l'athée grossier et brutal du marxisme est pratiquement aux abois. L'hallali intellectuel n'est pas loin de sonner. Sans attendre que l'adversaire ait décrété l'état d'urgence mental, Gros Cochon sort son cor de chasse et claironne :

Admettez donc que l'athéisme de type marxiste est Intolérant. C'est clair qu'avec ces gens-là, on est en présence d'un athéisme à caractère "intégriste" ? Nos chercheurs les plus éminents, de l'Institut transnational d'Intégration Laïque ont même établi que cet athéisme primaire n'est rien d'autre, tenez-vous bien, qu'une forme de mystique aiguë ! Cela peut surprendre le public non averti, mais il en est bien ainsi. Réfléchissons deux secondes. Ne tiennent-ils pas un langage typique d'illuminés, ces athées qui parlent "d'Idéal" à réaliser ; de Vérité-Liberté-Justice ? Qu'est ce que cela veut dire, leur histoire de "paradis communiste" ? Quelle différence y a-t-il entre cette élucubration soi-disant moderne, et les vieilleries de la Parousie et du Millénium (retour du Christ et son règne terrestre de 1000 ans) ? Aucune ! Pas étonnant que Marx soit juif ! Quelle différence entre les théocrates Calvin et Robespierre et la religion d'État de la vulgate marxiste, le culte de la personnalité chez les communistes ? Qu'on ne compte pas sur la laïcité pour laisser une métaphysique athée détruire les bienfaits du bon sens rationnel de la modernité ! Nous ne nous laisserons pas renvoyer à la superstition moyenâgeuse sous une autre forme. On se souvient trop des effets du fanatisme médiéval : les guerres de religion, les croisades, l'inquisition ! Ah ! plus jamais ça ! Nous les tenons à l'œil, ces réactionnaires de marxistes athées, qui s'efforcent de faire de la politique une religion ! Comprenez-vous, enfin, pourquoi en laïcité tout est permis... pour traquer le mauvais athéisme ?

L'affaire est dans le sac. Et nous avons compris ce que signifie vraiment le droit laïc de ne PAS croire...

Mystique

L'affaire semble s'annoncer mal pour le bord opposé à l'athéisme, pour la mystique. Si l'athéisme "modéré", "conséquent" jusqu'à l'état suicidaire, fait l'objet de la protection très spéciale de l'Ordre Laïc, est-ce que le grand ennemi de la tolérance républicaine et démocratique est la Mystique ?

Ce serait faire injure au système gros-cochon que de lui attribuer un tel sectarisme. Cela peut être lassant, mais nous nous y attendons : Gros Cochon va étourdir le pauvre mystique de la même antienne de maître-chanteur dont il a usé envers l'athée. On connait le refrain : Primo, en laïcité tout est permis, la mystique y compris, "bien entendu" ; Secundo, la théorie du "mais" ou du "pourvu que" se met en action : il lui faut une vraie mystique, à la fois archi-modérée et archi-exigeante ; Tertio, le mystique ordinaire, que tout le monde connait, n'est rien d'autre qu'un athée sacrilège. Et le tour est joué. Tel est tout l'art de la contorsion cérébrale, pratiqué par le doge Mitterrand. Reprenons :

• Il y a une grande tradition de vraie mystique, modérée, en France. Elle fait partie de notre héritage, et on doit lui reconnaitre sa place. Voyez les splendides cimetières de la foi concentrés sur notre territoire, ces lieux de culte que nous possédons, qui suscitent l'envie de l'étranger. Tous "monuments classés", qui sont pour nous un légitime gisement de devises, et que des norias de touristes japonais ne se lassent pas de venir paparazzier. La République n'a pas à cacher qu'elle se réjouit positivement d'avoir, en la personne du nonce apostolique, son premier conseiller en rabattage d'aoûtiens dévots. Il ne fait en cela que répandre la parole de l'infaillible Pie X (1903-1914) : "Si le surnaturel vit partout dans le monde, il vit surtout en France".

Voulez-vous vous initier à la mystique vraie ? Nous avons un article classique, qui porte la griffe de Lisieux. Notre chère Thérèse de l'Enfant-Jésus fut donnée à la France à une heure difficile, selon la coutume de Dieu, qui porte une attention spéciale à la fille aînée de l'Eglise. C'était autour de 1890, sous Sadi Carnot, républicain sans tâche, petit-fils de Conventionnel, distingué par son intégrité, inhumé pour cela au Panthéon depuis lors. La République souffrait alors de quelques bavures : fusillades des grévistes de Fourmies, "lois scélérates", pots de vin du Panama empochés par Clémenceau. Mais aussi grande époque du combat laïc, marquée par le Ralliement pontifical à la République. Thérèse vivait ces heures inoubliables. Que d'horribles migraines, que de douloureux accès de catalepsie elle endura, notre sainte, avant d'offrir au monde sa spiritualité vraie de "l'enfance spirituelle" ! Sa modération mystique fut en tout irréprochable et exemplaire. Ce qu'elle veut, ce sont de "très petites choses offertes au Bon Dieu", des "actes de vertu" d'une modestie émouvante. Tenez : ne pas s'énerver quand nos souliers ne sont pas remplis de bonbons à Noël ; savoir prendre sur soi si l'on est blâmé pour avoir laissé tomber un vase ; ne pas céder à l'agacement si l'on entend le cliquetis d'un rosaire. Comprenez-vous mieux quel abîme sépare la vraie mystique laïque de la mystique intolérante des ayatollahs ?

• Achevant cette tirade, Gros Cochon pousse un soupir, ses petits yeux ronds scintillants d'une componction toute modérée. Lentement, l'image de la bienheureuse en toc dégorge des hémisphères cérébelleux de l'animal. Et le voilà parti sur le chapitre de l'exigence sévère de la vraie mystique. Avis aux heureux ressortissants de Pourceauland : en terre laïque, la mystique trouve le milieu sans précédent et indépassable où elle peut enfin poser le pied sur le dernier barreau de l'Echelle de Jacob, autrement qu'en songe. L'argumentation est expéditive. Qu'est-ce que la mystique, en son essence ? C'est le renoncement au monde, n'est-ce pas ? Comment porter à sa limite la vertu du renoncement ? C'est dans la recherche exclusive de la "rencontre" de la Déité, laquelle parfois consent à "épouser" dès ici-bas l'âme de son choix.

- D'abord, donc, il faut que le mystique se décide à "mourir au monde", fasse le vœu d'apolitisme prescrit indentiquement à l'A.F.L.-C.I.O. et à la C.G.T.

- Ensuite, il faut se pénétrer de l'idée que l'union mystique avec le Grand Être est une "expérience" toute personnelle, incommunicable, qui relève de l'élection divine ; et donc essentiellement rebelle à tout prosélytisme.

La mystique rigoureusement conséquente de la laïcité opère par suite en deux temps : d'abord, voiler sa foi en l'enfouissant dans le sanctuaire inviolable de la conscience. Ceci n'est pas seulement motivé par la terreur de violer "la conscience de l'Autre" dont doit être pénétré tout saint en herbe ; c'est encore plus le fait que la foi doit se retrancher absolument de tout ce qui pourrait laisser le souvenir de ce monde périssable. Ensuite, en ce lieu qui est vraiment le seul digne d'elle, la foi affronte vaillamment les outrages qui frappent nécessairement toute âme engagée sur le sentier de son auto-purification, en ne cessant d'observer la loi sainte du silence. Au terme de ces épreuves, l'âme du reclus perce enfin de son dard les brumes qui enveloppent la Déité ; celle-ci ramasse sa nature trine, bondit sur l'âme désinfectée qui s'offre en proie, et la dévore dans un état de grande paix.

À ce point de son exposé théologique, le docteur laïc s'empresse de précéder mon objection : pourquoi Thérèse la grande ne fit-elle pas montre d'une telle discrétion abnégantiste ? Le grognard rétorque, impassible : notre nature infirme ne permet que rarement à la mystique de coïncider avec la voie de perfection que je viens de vous décrire. Thérèse elle-même... J'arrête aussitôt le bon prélat laïc, ne pouvant supporter que soit ternie si peu que ce soit la mémoire de la sainte.

• Chapitre trois : la mystique vulgaire anéantie. La gueule de Gros Cochon se fait maintenant vengeresse. Les faux mystiques de la race des Lammenais et Sayyed Qotb n'ont qu'à bien se tenir ! Où irait-on, si on laissait ravager la vigne du Seigneur en laissant de tels prêcheurs répandre leurs "doctrines monstrueuses", et circuler leurs livres "petits en dimension, mais immenses en perversion", qui "lancent de toutes parts les torches de la sédition et de la révolte, et étendent partout la destruction de l'ordre public, le mépris des magistrats" ? (Singulari Nos-1834). Où irait-on si on laissait s'afficher une mystique indécente prétendant que le Ciel doit se mériter sur la Terre, en arguant captieusement que l'humanité doit se rassembler en une seule famille des fils d'Adam, et que la seule habitation convenable pour ce nouvel Adam doit être une nature redéployée comme un grand jardin ? Détournement infâme du sens de l'Ecriture, dans le sens d'un cosmopolitisme contraire au droit naturel ! Vision délirante dictée par un orgueil d'origine manifestement diabolique ("superbe satanique").

Gros Cochon m'avertit qu'en haut lieu, autour de la Présidence laïque, l'on est vacciné contre ces ruses du diable. Alors Gros Cochon s'emporte, me découvre qu'il eut pour ancêtre un vrai pécari des Ardennes. La hure dressée, il crie : pensez-vous que nous avons oublié la leçon des Anabaptistes enragés de 1534 ? Leur Nouvelle Jérusalem de Münster (Westphalie). Rappelez-vous donc leur Prophète, Jean Bockelsohn, qui prétendait vivre "dans le royaume de Dieu, car il n'est de Roi que celui d'en-haut" ! Joli royaume ! Celui, en vérité, du retour à la vie des bêtes brutes, royaume de "bacchanales, vil épicurisme et boucherie humaine" ! Oui, le secret de la mystique grossière, prélaïque, il nous fut étalé au grand jour dans cet anabaptisme déchaîné par Luther. Ce secret, le voici : sous couvert de religion, ce que visent les faux mystiques, c'est de s'emparer, par l'incendie, l'assassinat et le pillage, du pouvoir et de la richesse. Une telle mystique nous rappelle exactement les invasions des Huns et des Vandales ; c'est tout simplement la mystique des Communards impies de 1871, avec leurs pétroleuses et leurs tueurs d'otages du sacerdoce. La fausse mystique, pour finir, se résout en un athéisme aigu, ni plus ni moins, c'est l'entreprise délibérément profanatrice qui consiste à utiliser la religion à des fins politiques !

 

Une seconde fois, Gros Cochon savoure son triomphe. Il déclame : Vous comprendrez pourquoi, en laïcité, tout est permis... pour faire une chasse sans merci aux mystiques fauteurs du matérialisme communiste. Tolérance n'est pas laxisme ; et laïcité n'est pas licence. Nos bons curés laïcs tiennent à l'œil ces énergumènes ; dès qu'ils en signalent un spécimen en confession auriculaire, à l'un de nos limiers de la surveillance du territoire, nos gorets de l'ombre se mettent en branle. La consigne est, en cas de besoin, d'expédier le faux mystique "ad patres", vers la seule et unique Jérusalem canonique, celle qui se trouve aux cieux.

La puce à l'oreille

Gros Cochon a terminé son discours. Je trouve plus prudent de conserver mon mutisme. Mais l'eau qui dort n'en mouille pas moins ! Repliés dans notre cogito, nous autres laïcisés, on se raconte quand même des choses. Comment faire autrement ?

• Premier mouvement : les discours gros cochon m'agacent. Il y a allergie ; on a dû le sentir. Pour une part, il est vrai, cela doit venir de mon tempérament bouillant. On me dit que c'est typique de mon "signe" (je signale que je suis "Zodiaque"). Mais il y a autre chose, la simple intuition, que je crois partager avec toute âme simplette. Et l'intuition, on l'oublie trop, joue un grand rôle dans la sagesse. Je pense que l'on mise trop de nos jours sur le froid entendement.

Mon petit doigt me dit donc que les couplets des pontifes laïcs, sur le bon sens, la modération, la modernité, ont tout du bavardage louche qui gêne d'entrée. C'est trop manifestement insipide, soporifique, du récité mécanique ; c'est trop plein de faux-semblants, de contorsions ; cela sent trop le m'as-tu-vu qui veut en imposer, le maître-chanteur. Bref, camelote extra. Je vous le dis, en vérité : le dogme laïc du droit offert à tous de croire et de ne pas croire, ça pue le gros bobard malpropre et vicelard. Avaler cela, pour moi, c'est comme s'il me fallait aller me vêtir, moitié en friperie des chiffonniers d'Emaüs, moitié en déguisements de théâtre d'un costumier. Je n'aurais pas la sensation d'avoir de vrais habits. Si on pouvait, j'aimerais encore mieux aller tout nu ! À ce propos, n'y aurait-il pas une piste, jusqu'à présent inexplorée par les ethnologues ? Je m'explique. On pourrait émettre l'hypothèse que, ceux qu'on dit sauvages, tels les indiens d'Amazonie et autres Patagons quasi-nudistes, étaient à une époque reculée, des onusiens tout comme nous. Mais que, suite à une insurrection anti-laïque victorieuse ils se sont résolus à ne plus supporter que le string. C'est à voir...

Quoi qu'il en soit, je demande à mon public de ne pas me faire grief de ce qui pourrait paraître une condamnation péremptoire et sans appel de la Laïcité. Prenons-le provisoirement pour une simple question de style. Je n'en suis qu'à la préface ! L'enquête n'est qu'amorcée. Mais je donnerais ma main à couper qu'on tient un gros poisson. Nous autres marxistes, pêcheurs de démons amphibies, donnons du mou à notre ligne, l'heure n'est pas encore venue de ferrer le mauvais ange laïc.

 

• Qu'est donc réellement, selon l'entendement, cette anguille vénéneuse nommée Laïcité ? Nous n'avons pour le moment que des interrogations ; mais elles sont d'importance !

- Sont-ce des spiritualistes naturalistes, des humanistes matérialistes ? Ou bien des sceptiques, des éclectiques ? Doit-on imaginer un hybride de croyants attardés et d'athées honteux ? C'est ce qu'il faut voir = C.Q.F.V.

- Comment se fait-il que les laïcs fourrent mystiques et athées dans le même sac ? À ma connaissance, durant 25 siècles de civilisation, on n'a jamais vu de société athée ; il n'y a donc pas "parité", comme dirait l'Aquinate. Où veut-on en venir ? L'athée serait-il un cynique anarchiste, et le mystique un occultiste fasciste ? C.Q.F.V.

- En attendant, Marx et Lammenais dégustent de la même manière de la part des champions de la tolérance. De même Mao et Mohammed Baqer al-Sadr. Ces messieurs nous disent donc eux-mêmes que mon thème "Dieu et Marx" est heureusement sélectionné. Mais est-ce que l'amalgame laïque rend compte complètement du rapport ? C.Q.F.V.

 

Quel trinôme passionnant, quand même, que : Dieu-Marx-Laïcité. Il y a du plaisir en perspective...

Post Scriptum

Qu'on veuille bien me passer une dernière intuition.

Je me représente la philosophie, qui n'est autre selon moi que la "science de Dieu" en dernière analyse, comme la jeune et belle princesse de "la Belle au bois Dormant" de Perrault.

Dans ma vision, damoiselle Métaphysique, suite à "l'accident" de Juin 1848 qui déclencha la contre-révolution générale en Occident, tomba dans un coma dramatique qui dure depuis 150 ans.

Depuis lors, l'humanité entière s'est trouvée prise spirituellement avec la princesse, dans une forêt impénétrable et muette, pétrifiée dans la glace brutale et les ténèbres épaisses de la Laïcité.

Cependant, depuis le premier jour, le prince charmant Karl Marx, et son fidèle écuyer Friedrich Engels, épargnés par le cataclysme, se démènent infatigablement à travers les bois ensorcelés, pour se frayer un chemin jusqu'au palais de la Belle.

Le parti de Marx s'approche du but, aux heures que nous vivons. Il a en main la précieuse baguette dotée du pouvoir de rompre le mauvais charme qui trouble l'âme et engourdit le corps du peuple mondial.

Le prince est épris de la Belle. C'est sûr, ils vont très bientôt s'enlacer. Mais comment va se dérouler leur idylle ? À quoi ressemblera leur descendance ?

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Patagon

Laïcité et Sexologie :
le cas "Josette"

La "laïcité", philosophiquement, ça ne m'excite pas des masses. Avec elle, je reste même furieusement sur ma faim spirituelle. Pourtant, il est dit que c'est le summum du raisonnable, de la tolérance. Qu'est-ce qui se passe donc en moi ?

 

- Suis-je frigide ? me dit ma sœur, harcelée par la meute des mecs hypervirils, à commencer par son Jules.

- Ça n'a pas l'air, ma sœur, réponds-je. D'abord, qu'est-ce que tu appelles frigide. Et même si ! c'est pas mortel ! Faudrait pas en faire un plat !

- Rigole pas, qu'elle me répond à son tour. C'est grave. Mon mec n'arrête pas de me répéter : "y'a rien de meilleur que le sexe, faut pas s'en priver ; si tu voulais, on pourrait faire des tas de choses. Pourquoi tu rechignes à chaque fois. T'es coincée, ou quoi ?" ... Dis-moi, frangin, qu'est-ce que je peux dire contre ça ; c'est sans réplique. Et pourtant, dès qu'il me ressort ce truc, je me sens encore plus frigide ! Faut que j'aille voir un psy. J'ai même bien peur de finir en neuro avec cette histoire. Tu sais, ma copine Josette ? Elle est passée par tout ça. Je ne peux pas juger sur un cas, mais pour elle ça a pas été la joie. J'ai peur. Excuse-moi, aujourd'hui j'ai besoin de causer. Je te raconte.

Dès que Josette ouvrit la porte de son psy, il a commencé à lui écorcher tant et plus son conscient. Et il l'a pas lâchée tant qu'elle n'a pas atteint le stade schizo. Alors, elle a fini par craquer, lui avouant qu'elle se réveillait la nuit en hurlant, parce qu'elle avait un autre Moi qui la pourchassait en ricanant : t'es fichue, avorton, t'auras jamais de phallus ! À ce moment, bizarrement, son psy a abandonné un instant son air grave habituel et lui dit en souriant : tout va bien ! Nous avons fait un grand pas. Maintenant, va falloir, avec mon aide, vous atteler à la grande tâche : le curetage de votre inconscient, sur lequel, enfin, vous avez mis le doigt. Ce fut le calvaire. Le surmoi de Josette était très coriace, il s'acharnait terriblement. Faut le savoir : l'inconscient, c'est du chiendent. Celui de Josette repoussait dix fois plus vite qu'elle ne pouvait l'arracher.

Finalement Josette, hagarde et couverte de poils mâles qui poussaient tout blancsmais toujours privée de verge s'est retrouvée en neuro. Pauvre Josette ! Charybde et Scylla, on peut dire qu'elle, elle a connu. C'était à croire, maintenant, que tout Rhône-Poulenc et l'Institut Mérieux ne travaillaient que pour elle. C'étaient comme des trains de médics qui arrivaient pour lui bourrer l'œsophage. Josette en devint comme une poivrotte, elle ne pouvait plus faire deux pas sans se tenir au mur. À un moment, Josette crut que l'infirmière, sans le faire exprès, lui avait fait déglutir les cachets avec l'emballage alu et que, par-dessus le marché, la croix verte d'une enseigne de pharmacie lui avait été enfilée entre la panse et le thorax. Le total semblait coincé à l'entrée du duodenum, et lui tailladait sans répit l'estomac. En tous cas, elle crachait bel et bien du sang. À ce moment-là, je suis tombée enceinte de mon deuxième. On s'est perdues de vue. Je me demande ce qu'elle est devenue, la Josette. Je suis bien inquiète.

Mais il faut maintenant que je pense à moi. Faut pas que je déraille moi aussi. Et faut que je décide quelque chose. ça peut plus attendre. Peut-être bien que je devrais tout de suite bifurquer chez Moon. Je les ai vu à la télé, les moon, sous le soleil, au milieu des moutons. Là-bas, ils ont l'air tranquilles. Je n'y ai pas vu de psys laïcs, ces maniaques de la culpabilisation didactique. Je n'y ai pas vu non plus d'apothiquaires laïcs, ces obsédés de l'hibernation chimique. Bien sûr, ils ont l'air un peu évaporés, les moon. Mais tranquilles. D'ailleurs, j'ai l'air de quoi, moi, quand je me regarde en-dedans ? Et qu'est-ce que j'ai à perdre ? Pourquoi j'irais pas me fourrer dans leur ghetto tranquille ? Au moins, évaporés ou pas, il ont l'air de se tenir chaud ensemble. Et on voit bien que ça les soulage vraiment, de dire sans le dire que c'est les autres qui vont pas bien. Qu'est-ce que je risque d'essayer ? Ah, je partirais tout de suite, si fallait pas lâcher mon Cesare - c'est mon Jules - et surtout les deux petiots Lombroso[1]. Qu'est ce qu'ils deviendront sans moi ? Qu'est-ce que je dois faire, frérot ? Dis-moi.

- Je sais pas trop, petite sœur. C'est pas facile à décider. Sincèrement, je te vois pas aller vraiment mal. Et je mettrais ma main à couper que tu es tout à fait normalement chaude. Vrai aussi qu'il faut pas écouter les boniments des gros porcs pornos. Fais quand même gaffe au gourou, si tu vas chez les moon.

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Edmund Burke (1727/1797)

"Ils utilisent la religion à des fins politiques..."

• Notre grande culture laïque qui ouvre sur le IIIème millénaire figurera dans les annales de la barbarie comme fulminant l'anathème suivant : ils utilisent la religion à des fins politiques ! Ce ne sont pas seulement les vilains "islamistes" qui sont visés, mais tout individu soupçonné de réticence à modeler sa cervelle sur celle d'un C.R.S. Tout cela, gentiment, au nom des Droits de l'Homme, du respect de l'Autre, et billevesées du même genre.

• À ce propos, il est plaisant de faire connaître au grand public le précédent que fut l'envolée du sieur Edmund Burke, en 1790 contre les preneurs de la Bastille de Paris. Le brûlot de l'ami Burke, lancé de Londres se distingue à plusieurs titres :

- Burke, idole de Winston Churchill, n'a rien à voir à l'époque avec les vieux réactionnaires attardés français, du type abbé Barruel ou Joseph de Maistre, à l'âme enveloppée des brumes du moyen-âge, toujours à se chamailler sur les dynasties légitimes issues de Mérovée (an 450), et qui butent dans le cul-de-sac de Louis XVII. Que non pas ! Burke est un "moderne", enfant de la Réforme. Mieux même, c'est un Whig et franc-maçon, pur homme de gauche, glorifié chez les Anglais comme "apôtre de la liberté américaine" (1776), outre son titre de "Cicéron anglais".

- On comprend que l'intelligentsia actuelle accorde toute son attention aux "œuvres" de notre Edmond, fait traduire et répandre ses textes de référence, de la plus brûlante actualité, fouille tous les recoins de cette pensée en avance sur son temps, l'habille de gloses inépuisables, etc.

- En vérité, la canaille laïque manque de prudence : paniquée par les vestiges de l'esprit sans-culotte impossible à extirper tout à fait, et agitant fiévreusement le Drapeau de Burke, elle permet aux esprits avertis de découvrir toute une équipe de joyeux drilles britanniques qui surent souffleter comme il faut St Edmond. Tels furent Tom Paine, Joseph Priestley et William Godwin, dont nous finirons bien par posséder les écrits, dans notre camp populaire. Noter que ces vaillants et vrais penseurs étaient tous spiritualistes avoués, quakers, déistes, etc.

- Il faut savoir que Burke a en fait tous les caractères qui permettent de le désigner comme le "grand-père du fascisme" : intellectuellement "moderne" dans sa démarche mentale, et issu de la "gauche démocratique". Curieusement, il se trouve que c'est un autre citoyen de sa Majesté britannique qui doit recevoir la palme comme "père" du fascisme, 50 ans plus tard : Thomas Carlyle en 1845. À partir de là, Albion de ne se montrer pas chiche en grands penseurs hitléristes : à commencer par le Premier de Victoria, son "ami", Disraëli (1875) ; puis Houston-Stewart Chamberlain (Genèse du XXème siècle : 1899), jusqu'au plus récent rejet de Burke : Sir Oswald Mosley, leader de la "British Union of Fascists" des années trente, et fondateur à Venise, en 1962, du "Parti National Européen". On le voit, malgré son génie, Adolph le germain et son éminence grise philosophique, Alfred Rosenberg, ne sont après tout que d'habiles plagiaires.

• Ceci dit, en 1790, avec ses "Réflexions sur la révolution de France", Burke part en guerre contre les "Dissidents" anglais qui osent applaudir à la Constitution adoptée par l'Assemblée Nationale française. Et voici un extrait de sa prose :

"Le matin du 4 novembre 1789, le ministre (pasteur) non-conformiste, le docteur Richard Price (non-anglican, Quaker membre de "l'Association pour la Commémoration de la Révolution" anglaise de 1688, et des "Associations Philosophiques d'Amérique", de Philadelphie et Boston), prononça au temple un sermon.

Un tel prêche n'avait pas été entendu ou toléré depuis 1648 (la grande révolution Puritaine qui fit perdre la tête au roi Charles Ier). Alors, un prédécesseur de Price, le pasteur Hughes Peters - bientôt 1er chapelain de Cromwell - chantait la gloire des religionnaires Spirituels, qu'il appelait à se dresser, "les louanges du dieu Fort à la bouche, et avec des épées à deux tranchants dans leur main, afin de lier les Rois avec des chaînes et les Puissants avec des fers aux pieds".

Même s'il se trouvait quelque chose de modéré dans un sermon politique, encore est-il que la politique et la chaire religieuse ne vont pas ensemble. On ne doit rien entendre à l'église que la voix apaisante de la charité chrétienne. N'est-ce pas à l'Eglise que les querelles et la haine du genre humain devraient connaître une journée de trêve ?"

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Bulles Laïques

Je ne suis pas de ceux qui disent : tous les chemins partent de Rome. Le grand fleuve laïc dans lequel nous baignons prend sa source à Paris, surgit de terre en 1845, aux lieux-dits A.Comte et P.J. Proudhon. Ici, on ne trouve ni encensoir ni eau-bénite, ni entrepôt d'hosties. Mais, pour bien comprendre mon sujet, le détour par le mont Vaticanus vaut le voyage.

Prémisses de la Laïcité

1834 - Grégoire XVI : "Singulari nos" :

Le pontife dénonce Félicité de Lamennais, auteur la même année du "Livre du Peuple". Rome proclame qu'il faut écraser le sulpicien déclaré apostat, pour ses "paroles captieuses", qui ont "l'audace de s'appuyer sur les Ecritures". Et notre martyre de la foi se voit signalé "urbi et orbi" comme membre de la "conspiration affreuse contre l'Eglise et l'État".

1846 - Pie IX : "Qui Pluribus" :

Se trouve dénoncée "L'exécrable doctrine dite du communisme, totalement contraire au droit naturel lui-même, qui ne pourrait s'établir sans renverser de fond en comble la société".

1849 - Pie IX : "Nostis et Nobiscum" :

"Nous avertissons les fidèles confiés à nos soins contre ceux qui conspirent en faveur des systèmes pervers du Socialisme et du Communisme, osant penser qu'il est donné aux hommes d'établir de nouvelles sociétés."

Commentaire :

Primo, en 1850, Marx n'est pas encore né aux yeux de la société officielle. Secundo, le socialisme et le communisme déclarés monstrueux et épouvantables sont alors essentiellement spiritualistes, Pierre Leroux et Blanqui confondus. D'où l'indignation que provoque Lamennais osant se référer aux Ecritures. Tertio, le Saint Père se trouve pris en flagrant délit d'"utiliser la religion à des fins politiques" quand il fulmine au nom du "droit naturel". Quarto, le reproche de vouloir changer la société de la part du curé de choc Pie IX le pose tout à fait en père fondateur de notre Laïcité idolâtrique de l'État de Droit.. du plus fort. Le pape fait une belle figure de chrétien ! Le christianisme n'a-t-il pas renversé de fond en comble la société hellénique à l'agonie ? Et n'oublions pas qu'il est de mode depuis 150 ans d'accuser Jean-Jacques (Rousseau) de "volontarisme" social, ce dont nos intellectuels rassis sont évidemment définitivement revenus. Dans le même sens il est bon d'observer que nos éminents sociologues, dont la créativité est notoire, réprimandent vertement Karl Marx, pour avoir hérité du même travers que Jean-Jacques, en l'accusant de "constructivisme". L'enrichissement philologique n'a vraiment pas de limites ! Dans la même veine, la Revue des Armées nous apprend que nos tueurs professionnels "améliorent leur efficacité dans le domaine de la létalité". Qu'est-ce que la "létalité" ? Un dictionnaire étymologique tout à fait académique me répond : "Letum = trépas ; terme noble et poétique, par opposition à mors, terme ordinaire pour désigner la mort". Quelle délicatesse dans la tuerie !

Epanouissement laïc

Je ne donnerai qu'une seule illustration papaline : Pie XI, pontife de Mussolini.

Mars 1936 : "Divini Redemptoris".

C'est la célèbre encyclique contre le "communisme athée". En mars 36, Hitler est solidement installé, et les "fronts populaires" grondent. Le pape, après avoir discrètement rappelé que "le libéralisme a frayé la voie au communisme" (coup de griffe à Luther et Rousseau en passant), décrète à la face de l'univers : "Le communisme bolchevik, matérialiste et athée" est l'abomination suprême. Il s'agit d'un "combat engagé par la puissance des ténèbres contre l'idée même de Divinité". "Le communisme est intrinsèquement pervers".

Or, tenez-vous bien, on nous confie par ailleurs que le Croisé du Vatican déclara officieusement au cardinal Liénard, évêque de Lille, à propos des "Sans-Dieu" moscovites, ceci : "Ces gens-là ont tout de même un idéal, ils en sont épris, ils savent au besoin souffrir et même exposer leur vie pour le défendre. C'est une force" ("Contre les Sans-Dieu" - 02/1936). Ça vous laisse pantois ! Pie XI abusait-il du vin de messe ? Etait-il mû par le machiavelisme florentin de ses ancêtres ? En tout cas, on nous ressert toujours la même antienne : un marxiste est "idéaliste", une sorte de spiritualiste, de croyant.

 

À nous de débrouiller cet écheveau de l'athée-croyant. C'est mon sujet.

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Deuxième Partie :
Bouquet laïc

Le poison cléricalo - libre-penseur

La vulgarité dominante

Le défi que je lance est le suivant : dans la mesure où "les idées mènent le monde", la Grande Question à laquelle il nous faut aujourd'hui impérativement répondre, c'est la question Dieu-et-Marx.

Cela signifie qu'il faut à présent poser cette question d'une manière très différente de celle qui a eu cours durant les 150 années écoulées, depuis la parution du Manifeste de Marx et Engels (1847). Réciproquement, cela signifie qu'à partir de là va s'ouvrir une carrière toute nouvelle au marxisme, armé d'une puissance insoupçonnée.

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L'un dans l'autre, il apparaît que la question Dieu et Marx n'a cessé jusqu'à présent d'être posée comme suit, dans chacun des camps des amis et des ennemis de Marx :

1- Ceux qui s'affichent amis de Marx sont les Candides. Il y a deux thèmes :

• soit : "la religion est l'opium du peuple" ;

• soit quelque chose du genre : "Jésus fut le premier communiste".

Paradoxalement, la première école était celle des amis mystiques de Marx, et la seconde celle de ses amis athées !

Je n'en dirai pas plus, provisoirement, de ces candides amis du grand Charles.

2- Les ennemis, ouverts ou dissimulés, de Marx sont les Vulgaires. Il y a deux thèses :

• soit la version : "Matérialiste athée, le marxisme est intrinsèquement pervers", au nom de l'Ordre positiviste d'Auguste Comte. Ici, l'on s'appuie sur une science Physique, ou science de la Nature, dégénérée, pour prêcher un biologisme social répugnant, à caractère en quelque sorte "astrologique". Cette engeance constitue l'école des laïcs Cléricaux, tous à s'époumonner contre notre prophète et à le traîner jusqu'aux gémonies. C'est aussi le parti proprement "politique" des Vulgaires.

• soit la version très onctueuse : "le marxisme est un humanisme". L'on ne pérore, évidemment, sur ce thème que jusqu'à un certain point ! Le message s'appuie sur une science Morale, ou science de l'Humanité, dégénérée, au nom de la Justice mutuelliste de P.J. Proudhon. En matière de science sociale, on nous sert un naturalisme juridique, en quelque sorte à caractère "alchimique". Le thème du marxisme humaniste est développé en adoptant la mentalité d'esclaves résignés, vis-à-vis desquels les pontifes proudhoniens entendent remplir la fonction d'authentiques proxénètes, motivés par de toutes autres considérations que spirituelles ! L'"humanisme" exhibé se réduit à ceci : on ne doit pas désespérer de perpétuer le règne de la barbarie dominante, au moyen d'"améliorations" opportunes et judicieuses de l'obscurantisme laïc. Telle est l'école des laïcs dits Libre-Penseurs, qui coïncide avec le parti proprement "syndical" des Vulgaires.

Ce sont les deux bandes de Vulgaires, cléricaux et libre-penseurs, qui forment la horde Laïque complète, idéologiquement dominante depuis 150 ans. Les deux partenaires de ce faux-ménage spirituel sont d'accord sur un point essentiel : il faut organiser et renforcer inlassablement un Cordon Sanitaire autour de toute espèce possible d'amis de Marx. Car c'est de là que renaît sans cesse la Métaphysique honnie, source de tous les fanatismes et de toutes les violences depuis Rousseau, Luther, Grégoire le Grand, St. Paul, Socrate, et au-delà ! Dès 1845, nous avons juré de mettre le holà, de bannir la subversion spirituelle qui déferle depuis 25 siècles ; de décréter l'état de somnanbulisme mental irréversible et perpétuel ; et proclamer intangible la nouvelle ère de la Laïcité.

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Je prétends que lever le lièvre de la Laïcité est la solide propédeutique qui ouvre la voie royale, pour résoudre la grande Question Dieu et Marx.

La Laïcité dominante constitue le grand frein spirituel à l'émancipation sociale. Cette idéologie de pacotille ne consiste qu'en une pure et simple négation obscurantiste de la métaphysique, c'est-à-dire de la philosophie. Cette œuvre de pure aliénation mentale a pour cela besoin de se couvrir du voile de la "raison commune", de la "science positive", de l'humanisme "modéré". Cette négation systématique et intégrale de l'esprit civilisé est d'autant plus froidement forcenée qu'elle s'avance masquée.

Il s'avère aujourd'hui que depuis 150 ans, le combat fut finalement inégal entre les ennemis Vulgaires de Marx et ses amis Candides. Le vice se maintint triomphant de la vertu, malgré les bonnes raclées qu'eurent quand même à supporter les concubins cléricaux - libre-penseurs. Mais pourquoi les malfaiteurs intellectuels de la Laïcité se montrèrent-ils beaucoup plus unis, dans les périodes critiques, que les "idéalistes" amis de Marx ? Il nous faut aujourd'hui régler cette question théorique, et se trouver armés spirituellement pour attaquer désormais de front le monstre gémellaire laïc.

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À ceux dont l'appétit spirituel trouve amer le pain de la Laïcité, je propose un florilège assez complet de cet obscurantisme intégral. On se convaincra mieux ainsi de la duperie gigantesque qu'est la "liberté de conscience et d'expression" dont se pare l'ordre laïc. En vérité, ceci ne peut impressionner que les cervelles les plus préhistoriques égarées dans le système onusien.

Dire que depuis 150 ans, sur le fond, on ne fait que nous ressasser les mêmes grossièretés anti-métaphysiques ! Comment peut-on encore supporter ce brouet comtiste-proudhonien, aussi pesant et insipide qu'il est hautain et hypocrite ?..

On ne le supporte pas vraiment. La trivialité des Alain et R. Aron, de "La paille et le grain" (Mitterrand) et de "Démocratie française" (G. D'Estaing), ne se produit que comme une singerie rituelle. De ce fait, le public dédaigne notoirement ces charlatans intellectuels. Alors, on lui déverse à profusion de la "pensée" pimentée : des "nouveaux philosophes" sortent de terre tous les six mois ! Un échelon social en-dessous, de "l'anormal" nietzschéo-freudien est proposé. Ensuite, du "scandaleux" est fourni à jet continu : Sade et Landru mêlés. Pour la jeunesse avide, il y a encore du Nostradamus ou Cagliostro à prix cassés. Enfin, pour les "radicaux" de l'aliénation mentale, on a du Raspoutine et de la Bande à Bonnot en-veux-tu-en-voilà. Ah ! le "pluralisme" laïc, ne m'en parlez pas !

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A. Vène : "K. Marx" - 1946

1946 :

Nous sommes en pleine démagogie hystérique : l'occupation Démocrate du territoire, qui succède à l'occupation Fasciste. La croisade "anti-marxiste", elle, se poursuit sans désemparer. Peu importe qu'il n'y ait alors pas un seul marxiste en Occident, puisque l'habitude a été prise d'utiliser le mot communiste comme une abréviation désignant toute personne marquée encore par l'esprit civilisé, qui reste indéfectiblement la mentalité spontanée des masses. Or, c'est cette masse populaire que l'on craint au moment de la délicate passation de pouvoir entre un occupant et un autre !

Voilà donc un énième "K. Marx" concocté par un obscur gribouilleur dénommé A.Vène, ouvrage dont la diffusion ne souffre pas, bien sûr, des "restrictions".

Il faut savoir que M. Vène appartient au clan laïco-démocratique de droite, celui de la laïcité politique, qui professe le cléricalisme moderne, à la sauce A. Comte. Pour notre objet, cela ne fait guère de différence avec la bouillie répandue par le clan laïc "adverse", celui des proudhoniens libre-penseurs et syndicaux.

 

J'en viens à ce dont M. Vène nous instruit :

Marx Juif :

Eh, oui ! Dans le délire même de la victoire remportée sur le nazisme "anti-sémite", on ne néglige pas de commencer par là, même si on prend soin d'ajouter que l'origine "raciale" de Marx n'explique pas tout ! Je cite :

"L'aspect théologique des œuvres de Marx a été attribué à son ascendance rabbinique. De fait, Marx descendait par sa grand-mère paternelle, de rabbins célèbres de la Renaissance. De son vivant, il arriva à Marx de rencontrer quelques allusions à son hérédité talmudique, et il manifestait aussitôt son irritation".

"Par sa véhémence et son amour des anticipations, Marx se rattache sans doute possible à la lignée des anciens prophètes d'Israël. La chaleur de la passion était nécessaire à Marx pour mettre en mouvement son esprit".

Marx est un "révolutionnaire extrême", partisan de la "thèse catastrophique". Dès 1841, il a "le parti-pris de destruction de la société capitaliste". Ce n'est qu'en 1850 qu'il "commence son travail de documentation" afin de justifier son idée fixe.

"L'œuvre de Marx est une machine de guerre, ce n'est pas la froide et impassible restitution de la nature des choses. La méthode de Marx était seulement dominée par l'instinct révolutionnaire ; elle manquait par suite de la sérénité qui doit caractériser le philosophe et le savant".

"Mais il semble que les critiques ont fait fausse route en attribuant à une cause unique (!!), l'atavisme, l'obscurité du langage et les complications de la pensée de Marx".

 

Moralité : les nazis faisaient de l'anti-communisme grossier !

Marx Allemand :

La démocratie va plus loin ! Hitler n'a pas pu tenir compte d'une seconde tare qui frappe Marx : il est allemand. Un détail lui a échappé : l'habillage de sa haine judaïque, la forme qu'il lui donne, Marx doit cela "à la lecture de Hegel", pur aryen s'il en est.

M. Vène attire son attention sur le fait que Hegel était "un ancien séminariste luthérien". ça veut tout dire ! Or, Hegel "prend le contrepied des habitudes scientifiques et s'insurge contre les règles habituelles de la Logique". C'est tout à fait ce qui convenait au nouvel Ezechiel, Karl Marx.

"Au contact de Hegel, Marx a acquis une prodigieuse habileté au maniement des mots arides. Il s'est initié aux détours subtils, aux sinuosités des arguments théologiques. Il a contracté une habitude dangeureuse, le mépris du principe de non-contradiction ; mépris fâcheux puisque ce principe est à la base même des mathématiques, grâce auxquelles on a pu bâtir des ponts solides et construire des machines efficaces".

"Marx, bien loin de chercher à atténuer l'hégelianisme, en accentue le côté paradoxal, il l'exagère".

La méthode de Marx, c'est : "l'esprit de système, une construction déduite de principes abstraits, une méthode a priori. Matérialiste et anti-intellectualiste, Marx est demeuré un idéologue et un philosophe a priori".

La scholastique civilisée :

Jusqu'à présent, on pourrait penser que M. Vène n'est qu'un pitre malveillant qui manque de la "sérénité" propre au savant. Attendez ! Voici que va se découvrir le pot aux roses. Et c'est la clef même de l'obscurantisme laïc qui va nous être livrée. Car M. Vène a un solide "esprit de système" que l'on ne découvre pas au premier abord ! C'est pourquoi il me faut quelque peu cisailler le texte de l'auteur pour y mettre l'ordre convenable. Ce type d'individus, en effet, est expert dans l'art d'user des plus scandaleux amalgames, de vous abasourdir par des enfilades de références. Et Vène, reconnaissons-le, est un as dans le genre escroc intellectuel. N'allez pourtant pas me faire dire que notre auteur ourdit un savant complot. La vérité est beaucoup plus simple : chez le laïc, le vice tient lieu d'intelligence, de sorte qu'il lui suffit de laisser aller sa nature d'embrouilleur, pour entortiller "la nature des choses".

Le poison laïc nous est inoculé en deux injections successives :

1- Avant toute chose, l'enfant d'Auguste Comte se veut "moderne". La tradition veut donc qu'on commence par brandir l'épouvantail de "la nuit du moyen-âge". C'est un vieux thème éculé des Humanistes du 15ème siècle, mais l'adepte du comtisme n'est pas tourmenté par les scrupules. Il nous faut donc ingurgiter cette vieille ratatouille réchauffée : "Dés 1861, six ans avant la publication du Livre I du Capital de Marx, Paul Janet en a expliqué d'avance (!) l'aspect étrange, en commentant Hegel. Janet rappelait que l'Allemagne de Hegel, seule de tous les grands pays, ne s'était pas affranchie de la Scholastique. Janet nous démontre que la philosophie allemande (de 1775 à 1825) n'est qu'une revanche de la scholastique contre la philosophie moderne". Bref, il ne faut pas se laisser fasciner par le fait que Kant, Fichte et Hegel surviennent à l'apogée de l'époque moderne : ce ne sont que des rejetons dénaturés et non viables des ténèbres médiévales. En particulier, Hegel nous ramène aux 12ème et 13ème siècles, aux toqués nommés Pierre Lombard et Thomas d'Aquin ! Janet, d'ailleurs, bavait dans la foulée sur d'autres esprits supérieurs du moyen-âge : Duns Scot et G. d'Ockham.

2- Deuxième temps, décisif, du développement "mathématique" de notre petit maître de la pensée laïque. Nous allons voir la lèpre scholastique, diagnostiquée en 1150, s'étendre en avant et en arrière sur les 25 siècles de la civilisation. C'est ainsi que toute la mentalité civilisée, d'Hésiode à Auguste Comte, nous sera découverte comme frappée de l'affection congénitale dénommée "métaphysique". Les positivistes ont trouvé là une nouvelle version du péché originel. De plus, pour éviter le "mépris du principe de non-contradiction", on nous précisera que Marx, en tant que prophète-métaphysicien appartient à la civilisation contre-nature, au point que le spiritualisme civilisé adhérait "par avance" au matérialisme marxiste. On voit que la "logique habituelle" n'a pas fini de nous construire des ponts ! Nous avons cette fois dans le crâne le dogme laïc complet, visiblement sans "parti-pris" aucun ! Pour confirmer cela, il nous faut rapidement entrer dans les "complications de la pensée" de M. Vène.

Nous avons vu que l'on glissait déjà insidieusement de la scholastique à Hegel, et de Hegel à la "philosophie allemande" en général. Cela ne suffit évidemment pas.

D'une seule envolée, toujours en s'appuyant sur Janet, Vène comble les lacunes du dogme qui subsistaient. Citation : "La métaphysique d'Aristote, subtilisée par la Scholastique, et perpétuée jusqu'à Kant, voilà la vraie origine de cette forme hégélienne extraordinaire qui nous révolte et nous confond". Voici donc l'hellénisme de l'Antiquité et le Déisme des Temps Modernes ficelés à la Scholastique du moyen-âge latin. Certes, le but est atteint de marquer d'infâmie tout le spiritualisme civilisé. Mais Aristote était-il allemand ? Kant était-il juif ? St Augustin et Thomas d'Aquin étaient-ils des marxistes athées ? Toute la science positiviste est bien près de nous "confondre et révolter" ! Mais restons "froids et impassibles"...

La philosophie moderne :

Nous savons que la philosophie teutone prenait sa revanche contre la "philosophie moderne". D'où sort-elle cette philosophie moderne à la sauce Janet, Vène et consorts ? Toute philosophie étant assassinée, d'Aristote à Kant, on pourrait croire que notre comtiste va se trouver en difficulté. Que non pas !

C'est tout simple. Comme devant, on va opérer en deux temps :

1- À toute allure, et sans s'embarrasser de précisions, on nous fait défiler quelques grands noms effectivement modernes, histoire de brouiller les cartes : Bacon 1561-1626 ; Descartes 1596-1650 ; Condillac 1715-1780. Le pontife laïc, comme tout grand seigneur, doit pouvoir produire un lignage, des quartiers de noblesse. Il se dit qu'un blason volé à des croyants empiristes et sensualistes, rend tout risque moins grand. Allons-y donc avec Descartes, comme précieux grigri pour déclarer tabou la personne d'Auguste Comte.

2- Descartes, amoureux du "scholastique" St Anselme, c'est de la poudre aux yeux. La grande affaire de la "philosophie moderne", c'est de nous amener à "l'esprit positif", exempt du "dualisme" et de l'"inconséquence" cartésiens. Alors nous sont déployés les noms et titres des grands hommes du véritable esprit "moderne" :

• D'abord, les Précurseurs. Petite bande d'émasculés cérébraux, de la race des "émigrés de l'intérieur" durant la Révolution française, sous-marins qui font surface après 1815 : Royer-Collard (1763-1845) ; Victor Cousin (1792-1847) ; Jouffroy (1796-1842). Avec des philosophes de cet acabit, la philosophie moderne peut bomber le torse !

• Ensuite : le Maître : Auguste Comte (1798-1857). Platon, Cicéron, St Augustin, St Anselme, Descartes et Lénine n'ont qu'à bien se tenir !

• Enfin, la séquelle des Disciples. Ici, la quantité pallie à la qualité. Nous avons Littré (1801-1881) ; Stuart Mill (1806-1873) ; Claude Bernard (1813-1878) ; Jules Simon (1814-1896) ; Paul Janet (1823-1899) ; Eugène Dühring (1833-1921). Ici, Vène s'arrête ; il était trop jeune pour allonger la liste jusqu'au couple Badinter...

 

Que peut-il rester de Hegel, après Royer-Collard et Eugène Dühring ! Mais il reste une écharde dans la peau de la "philosophie moderne" comtiste : que dire de l'hégélien "exagéré" Charles Marx ?

Marx papiste :

Monsieur Vène pourrait se dispenser de se pencher sur le cas Marx, puisque "Nul ne diffère plus de Marx que Comte et Littré". Cependant, il y consent, par pur scrupule déontologique de philosophe moderne.

Avec Marx, retour à la case départ : la nuit du moyen-âge, dans sa période la plus sans lune, au temps de Grégoire VII, l'obscur berger Hildebrand (anti-allemand !) devenu dictateur impérieux sous des dehors de Tartuffe, "Saint-Satan" !

L'homélie positiviste commence :

"Marx, bien qu'adversaire de la religion, conserva, avec des subtils procédés de discussion des théologiens, le vocabulaire du moyen-âge. Il nous conduit, comme il conduisit Engels (aryen soudoyé par le rabbin), vers les purs continuateurs des habitudes du moyen-âge".

"Fort heureusement pour Marx, ses disciples athées connaissaient trop peu la théologie du moyen-âge pour découvrir ses sources. La terminologie surannée de Marx est apparue au contraire comme une magnifique nouveauté ; son obscurité a augmenté le respect des disciples et les a écartés d'un examen détaillé des dogmes du maître. Aussi sûrement que la Bible du moyen-âge, Das Kapital (allemand !) était protégé des regards indiscrets par son aspect ésotérique et mystérieux."

"Marx souffrit d'abord de l'éloignement du lecteur, qui retardait la publication tant attendue des critiques de presse. Marx et Engels ont eu beaucoup de mal à découvrir un traducteur pour le Livre I du Capital, dans les milieux rationalistes français (lisez : la laïcité obscurantiste ! On est sous le dictateur Napoléon III, et son cousin Plonplon, dit le "prince rouge" (!), avec lesquels Comte et Proudhon fraient à l'aise). S'ils avaient orienté leurs recherches vers les séminaires catholiques et les habitués de la théologie médiévale, ils l'eussent rencontrés plus facilement."

"Puis Marx se résigna à l'éloignement du public (le "public", pour les pontifes laïcs, c'est la demi-douzaine d'académiciens prostitués à la camerilla dominante !). Il arriva même à Marx de souligner franchement les difficultés du texte sacré. Voulait-il mettre les fidèles en état de grâce ? Voulait-il les dissuader d'un travail d'exégèse qui aurait pu les conduire au doute ?"...

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Ouf ! Nous en avons fini avec les jacasseries de M. Vène, lumière de la "Nouvelle France" de 1946.

J'insiste sur le fait que ce monsieur n'était pas un citoyen de l'État du Vatican. Ce n'était pas non plus un sous-fifre de la Gestapo, évadé des camps de concentration américains. C'était un "bon français", tout à fait dans la ligne du Conseil National de la Résistance et des "accords du Perreux" d'avril 43, un orthodoxe complet de "l'esprit des Alliés" de Brossolette et Jean Moulin ! Le bon français, vous dis-je, bien cocardier "Union Française", bien radical opportuniste à la Ledru-Rollin/Gambetta, pieusement attaché à la République, aux Droits de l'Homme et, bien évidemment à la Laïcité. Un bon français, vous répétè-je ! Le type même de celui qui lève le poing avec Blum en 36, qui ploie le genou devant le Maréchal en 40, et qui claque des talons devant De Gaulle en 45. Un bon gars, quoi...

C'est quand même un morceau de choix que nous donne le sieur Vène, non ? On me dira : ce genre de prose est daté ; ça sent l'effet facile "anti-boche" de la Libération. Je ne nie pas. Je ne nie pas non plus que nos vicieux de laïcs ont plus d'un tour dans leur sac, et qu'ils peuvent nous prendre de court. Tenez : on nous a joué la carte féministe de l'anti-Marx dans la dernière période, avec la révélation impensable de l'enfant naturel qu'il a fait à sa bonne. On a aussi appris que le prophète de malheur passait son temps à faire des coups de Bourse et à mener la bamboula au champagne. Malgré tout, j'apaise les inquiétudes du public : le gang laïc est assez pauvre en ressources. Finalement, c'est toujours la même mauvaise pièce de boulevard qu'ils nous jouent, avec une nouvelle mise en scène.

D'un autre côté, nous ne devons pas nous priver des réelles leçons que nous suggère la petite excursion dans le temps que je vous ai proposée.

• Du point de vue culturel, l'indigence caractéristique des plumitifs à gage de la Laïcité a son bon côté. Ces gaillards, grosso modo, nous rendent service : ils nous épinglent les nullités philosophiques à fuir, et nous signalent les bons auteurs à fréquenter. C'est tout gain pour notre instruction.

• Socialement, quelle frayeur étalée, devant le souvenir et les restes de la mentalité croyante de la civilisation ! Cela mérite d'être creusé.

• Théoriquement : que signifie réellement ce stigmate religieux qu'on s'obstine à trouver sur le corps de notre parti ? Qu'y a-t-il à méditer avec profit dans cette histoire de "scotisme" scholastique dont serait marquée la "méthode" de Marx, et du contenu "prophétique" qu'on attribue péjorativement à son message ?

• "Dieu et Marx", c'est le bon filon. Il faut s'y tenir.

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Je termine en confiant au public un secret. Il faut se donner beaucoup de mal pour parvenir à dépister l'obscurantisme laïc. Aux gens pressés, j'indique un critère quasiment infaillible pour échapper aux traquenards des malandrins de l'esprit que sont les pontifes de la laïcité, et pour être convenablement préparés à clouer le bec de ces intrus de la pensée. C'est simple comme bonjour : toujours garder en tête que ces gens-là jugent les autres par rapport à eux-mêmes. Ceci, du même coup, nous garantit que ces arrière-cousins de Néron et Alexandre VI se ramasseront inévitablement, tout comme leurs ancêtres ; et même en bien plus brutal, étant bien plus extrêmes dans le pharisianisme et par suite bien plus lamentables.

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Indochine - 1932

Je remonte d'une République, de la IVème à la IIIème, de 1946 à 1932. "Il faut savoir aller à contre-courant", disait Lénine.

En 1932, un certain Varet sortit une "somme" sur l'Annam (le Sud-Vietnam). Etude grand-public, mais pas de la petite bière. Préfacée par le Gouvernement Général d'Indochine. Et grands dithyrambes à l'adresse des grands seigneurs laïcs du radicalisme-IIIème République : Albert Sarraut, Paul Doumer et compagnie. Sarraut : Gouverneur d'Indochine en 1912, Ministre des Colonies en 1921, Délégué de la France à la Conférence de Washington en 1921-22. Paul Doumer : Ministre des Finances en 1895 et 1921. Gouverneur Général d'Indochine et président de la Chambre des députés entretemps. C'est dire que le pavé de Varet expose dans les grandes largeurs la doctrine laïque telle que doit l'adapter le 2ème empire colonial du monde. C'est du sérieux.

Un bref examen de l'obscurantisme laïc, ultra-officiel, sous l'angle de la "mission civilisatrice" de la France et de son action envers ses "protégés d'outre-mer", cela est plus qu'indispensable. D'abord, dans le passé, les partis "des travailleurs", "révolutionnaires", "marxistes" patentés, sont en vérité trop systématiquement retombés dans l'ornière puante de "la plus grande France" (Thorez et Cie). On finissait toujours par associer sans la moindre gêne, une politique agressivement libre-penseuse en métropole, et violemment cléricale dans "l'empire". Ensuite, les vieux génocides coloniaux sont de nos jours allègrement "commémorés" de la manière la plus insolente, défilés de la Légion Etrangère (de 1841, rappelons-le) aux Champs-Elysées à l'appui. Enfin, et c'est ce qui finalement importe, aujourd'hui les vieilles razzias coloniales, lancées avec le mot d'ordre : "missionnaires-cannonières", semblent bien artisanales, et absolument surclassées par les méthodes nouvelles du néocolonialisme, qui a pour slogan : "mission humanitaire-nos fantoches militaires".

Je dis donc : Varet, tu nous intéresses diablement ! Présente nous comme il faut la Laïcité à usage colonial ; d'abord son Credo, puis ses Prêches.

Crédo :

Le symbole de la Laïcité, n'en doutons pas, fut promulgué par un concile de Comtopolis quelconque, resté officieux. Le sieur Varet, qui a obtenu l'imprimatur du Gauleiter d'Indochine, nous restitue heureusement ce symbole dans sa forme la plus pure :

1- "L'humanité ne s'incline plus que devant les enseignements de la raison".

2- "Qui dit croyance, dit absence de raisonnement".

3- "Reste l'éternel besoin que nous avons de croire".

Rien de spécifiquement colonial encore. Cela fait l'objet de canons subsidiaires du concile de Comtopolis. Le crédo général doit quand même nous arrêter un moment, vu son caractère de limpidité vaseuse exemplaire. Ceci dit, nous garderons bien au chaud ce morceau de choix entre nos deux hémisphères, parce qu'il y aura énormément à en dire. Il serait dommage de ne pas lui consacrer une méditation toute spéciale. Ils n'ont que ça à dire, faut s'en souvenir.

En bref, pour l'instant :

La raison. Le Varet s'incline solennellement devant ses enseignements. Pourquoi pas ! Du moment qu'il ne révère pas la raison elle-même, ce qui le met à l'abri de la "métaphysique". Le Dictionnaire inoubliable de l'Union Rationaliste de 1964, qui prend la peine de nous expliquer ce qu'est une "Verrue", mais ne connait pas Socrate, nous dit ceci de la Raison : "Littré (une autorité s'il en est en laïcité) donne 21 (vingt et un !) sens du mot raison". Il y a de quoi, on le voit, se prosterner ! Et l'on poursuit : "la raison humaine résulte du développement des facultés que possèdent déjà les animaux les plus évolués". Nous voilà fixés en gros sur les enseignements de la raison. Précision d'importance : rien à voir avec "la raison désincarnée des métaphysiciens". Ce sont des hommes "pratiques", nos laïcs ! Ils subordonnent la vérité aux "considérations d'opportunité", le raisonnable à "la souplesse pragmatique". Tout cela pour nous envelopper leur idée selon laquelle la raison laïque n'est que la pure et simple mentalité de parasites : soit de parasites spéculateurs qui cherchent à "faire des coups", soit de parasites monopoleurs qui disent "je te tiens". Telle est la "raison" revue et corrigée par la bande à Varet : la fin justifie les moyens ; après nous le déluge.

La croyance. C'est malheureusement une tare de la raison humaine. Ce qui, cette fois, nous place en-dessous des animaux les plus évolués. Varet se met dans le lot : "nous" avons besoin de croire, dit-il. Pour le côté sous-animal, nous le croyons sans difficulté (Je n'ai en vue que l'animal méchant, mal-pensant, et ses escadrons de l'air, terre, mer : Vautour, Hyène, Requin) ; mais croire qu'il croit, on ne s'y laissera pas prendre ! Il veut dire seulement : la multitude loqueteuse ne comprendra jamais vraiment la pure raison laïque ; elle s'obstinera toujours à "croire" d'une manière ou d'une autre. Sachons gérer cela, avec toute la "souplesse pragmatique" exigée.

Passons à la technique proprement coloniale de l'obscurantisme laïque.

Prêche :

• Pour avoir un bon sermon,

d'abord, on chauffe la salle, bourrée à craquer de héros de la coloniale, en débitant l'auto-congratulation rituelle. Modestement, Varet se retranche derrière Albert Sarraut. C'est la référence absolue en matière de "pacification" virile des yeux bridés et des nez épatés, coolies mongols et porteurs nègres, pour qui nous fûmes le Messie attendu. Citation, donc du "magistral discours", à jamais célèbre d'Albert, en avril 1919 : "Ce qu'il y a d'admirable dans l'action de la France en Indochine, c'est que de l'ancienne masse amorphe, elle a fait des individus. Notre politique indigène a littéralement fait naître ici le droit de l'homme". Fermez le ban ! Champagne de Panâme à volonté !

• Ensuite, les choses sérieuses.

À la colonie, ce qui est très inquiétant, c'est que l'éternel besoin que nous avons de croire est capté par le communisme. Et la litanie commence : "Socialisme et communisme sont des croyances. Lénine est le Dieu des communistes. Le Capital est leur Ancien Testament. Le socialisme n'est pas autre chose qu'un Evangile. Le Parti est une Congrégation monastique". Bon ; cela, on savait.

Précision. "Les Sorcières chevauchant un balai", "Torquemada et les bûchers de l'Inquisition", la "Grande Peur" de 89, les "Septembriseurs" de 1792, "Robespierre avec sa guillotine, et Lénine avec sa Terreur Rouge", c'est tout de la même farine. Voilà un aveu qui nous réjouit : le Droit de l'Homme que Sarrault dit avoir apporté aux indigènes, c'est du bolchevisme exécré. Un exemple supplémentaire de la "logique" laïque, devant laquelle l'humanité s'incline !

Quoi qu'il en soit, le Mal de 1789 infecte la colonie. Le Résident Supérieur au Tonkin, Paul Robin, confirme : "Une sorte de folie mystique, une pauvreté foncière d'esprit, peuvent seules expliquer l'adhésion à la religion collectiviste". Il est suggéré au passage que la métropole n'est pas à l'abri de la contagion, puisque la racine du mal réside, nous dit-on, dans "l'obtuse cervelle des foules". "Les foules ont toujours adopté d'enthousiasme les idées les plus grossières et les plus contraires à la simple logique". Revoilà la "raison" laïque, simple sans être grossière.

Retour à la colonie : "les baïonnettes et les balles seules arrêtent" ces fanatiques sanguinaires. ça coule de source. Contre des fous, que faire ? On ne va pas en rester aux petits bûchers ridicules du grand Inquisiteur Torquemada (1480-1498) des âges obscurs du chauffage au bois. Le progrès avance, les merveilles de la science nous ont élevé au règne de l'acier. Bientôt, avec la maîtrise de la fée éléctricité, nous aurons la "gégène" - Algérie française. Et avec la possession de l'Or Noir, nous aurons même le Napalm made in USA... Lyrique !

• À ce moment, l'ami Varet fait une pause, et il revient à la raison laïque : la vérité, c'est ce qui marche ; la raison du plus fort est la meilleure. Nous menons le bon combat. Ceci fait l'objet d'un développement savant qu'on ne craint pas voir heurter la "simple logique".

Voici : "Paradoxalement, c'est l'individualisme (apporté en cadeau à la colonie par la France) qui a provoqué l'éclosion du communisme en Asie. En Russie, il a chassé les derniers vestiges du communisme agraire (le Mir). Il n'a fait que hâter l'avènement de la propriété individuelle". Vous comprenez ? Le communisme travaille pour nous. C'est, à ce niveau, la raison enseignée par M. Coué. On irait presque jusqu'à subventionner Lénine ! Pourtant, la "souplesse pragmatique" de la laïcité coloniale trouve que cette solution serait trop "grossière". Ecoutons : "Le communisme est la forme initiale des sociétés. Au 20ème siècle, il fait figure d'excroissance maligne". Voilà pourquoi il faut modérer son action de promoteur de la propriété individuelle, en usant à gogo des baïonnettes et des balles. "Le communisme est une négation absolue des lois économiques et politiques des sociétés modernes ; ce qui le voue à une mort certaine. Son règne sera éphémère, mais son passage, comme celui d'Attila, laissera bien des ruines derrière lui". Attila, roi des Huns, se vantait d'empêcher l'herbe de repousser, partout où son cheval avait posé les pieds. Vous suivez ? Certains trouveront le laïus tarabiscoté. Point ! C'est la logique nouvelle, "pratique", du sous-chimpanzé qui a conscience de l'être. Le vrai, on l'a dans les recettes efficaces, le "commode". Dans la circonstance, ce qui est commode, c'est d'assourdir le public de manière enflée, à tort et à travers, pour en finir par une seule information à prendre ou à laisser : la colonie ? "J'y suis, j'y reste !"

• Chapitre final : l'action idéologique. On se souvient : le laïc ne s'incline que devant la raison ; mais (!) est tenaillé par l'éternel besoin de croire. On refait les mêmes nœuds avec le communisme : le communisme est une religion ; "mais"... "on devient communiste parce qu'on n'a plus la foi". Elle est terrible la raison laïque !

D'où le "programme" culturel colonial. Notre Varet ethno-sociologue est pénétré de la Psychologie des Foules, le best-seller de Gustave Lebon de 1895 à qui il fait l'honneur d'exerguer son ouvrage. Développement : À la colonie, notre "œuvre si généreuse entraîne sa servitude". Outre-mer, des réformes "purement laïques" attaquent les dieux locaux. "L'anticléricalisme pur introduirait en Annam nos stériles querelles" métropolitaines. Du côté rendement colonial, il faut considérer que "le missionnaire et le fonctionnaire se rejoignent. Leur point de départ est différent, ils arrivent au même but. Le pape et la IIIème République tuent les divinités de l'Annam : le premier pour la gloire de son Dieu, la seconde pour le triomphe de l'individu. L'enseignement des Pères constitue un puissant dérivatif aux exhortations malsaines du communisme. Il peut combler un vide dans l'esprit de beaucoup de nos protégés".

 

N'est-ce pas que la Laïcité doit marcher sur deux jambes : libre-pensée et cléricalisme ? Je me tue à le dire...

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Gustave Lebon - 1898

Je recule à nouveau d'un cran la manette de la machine à remonter le temps laïc. Nous voici transportés de 1932 à 1898, plantés devant le monument qu'est La Psychologie du Socialisme de Gustave Lebon.

C'est déjà la troisième République ; mais attention, ça diffère. Vers 1900, on ne plaisantait pas avec la Puissance française. Le vaincu de 70, ce n'était pas rien à côté du Vainqueur de 14...

Gare ! Maintenant nous débouchons sur un "très gros bonnet" de la Laïcité. Une Autorité nettement moins vieillote que le maître A. Comte, dont nous nous rapprochons inexorablement.

Lebon, dis-je, est une immense référence. Longévité personnelle hors norme : 1841-1931, ce qui appuie son extrême prolixité. En ce moment même, les ouailles de Mgr Lefèvre rééditent "tout" Lebon. De malheureux islamistes inavertis se sont même laissés aller à louer Lebon pour sa thèse sur la "civilisation des Arabes".

En fait, nous sommes en présence du pur détraqué intellectuel à la mode, façonné "autorité" par les autorités. Le modèle des charlatans qui ruminent la haine du peuple, seigneurs de l'Université et des Académies depuis 5 générations (1850). Autour de notre Gustave étaient d'autres "lumières" laïques : les Renan, Sorel, Huxley, Spencer, et j'en passe. Aujourd'hui, c'est la clientèle choyée des "fondations" de l'aristocratie financière, et des "services spéciaux" de la pègre ministérielle, qui prend la relève.

Toute la famille Lebon remplit consciencieusement la fonction assignée : jouer les fiers-à-bras de l'intellect, afficher la prétention philosophique. Un seul thème imposé : la mort régit la vie ; Comte a donné le mot d'ordre. De nos jours le thème est scientifiquement sophistiqué. C'est : "l'entropie", l'a dit ! Parce qu'il faut quand même toujours faire "jeune", "dernier cri" ; ça fait aussi partie du jeu. Ainsi, notre Lebon est une sorte d'ancien "nouveau philosophe" !

Je passe au check-up.

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Doctrine Laïque

Le mec démo-facho :

• "C'est l'héritage de la race, les influences ataviques, les pensées héréditaires, les sentiments ancestraux, le legs inconscient des croyances apporté en naissant, qui sont le mobile déterminant des actes de l'homme". Democratix dixit !

• "Tout ce qui est rationnel, intellectuel, est acquis, surajouté, superficiel. Cela est sans utilité pour agir, ne sert qu'à commenter, à discourir".

• "Aujourd'hui, les idées proprement dites, les concepts scientifiques semblent l'emporter sur les pulsions héritées. C'est une illusion. C'est seulement que des croisements raciaux ont annulé le patrimoine héréditaire. Alors, on se trouve en présence d'un déraciné, d'un apatride, d'un bâtard. Or, ce qu'une telle table rase affective produit, c'est un métis sans moralité ni caractère, un homme à la merci de toutes les impulsions déréglées". Re-dixit ! 1898. France. République démocratique et laïque…

Le grégaire démo-facho :

"Les civilisations sont toujours l'effet de croyances". Déchiffrage :

"Civilisations" :

• Civilisation au singulier : le mec démo-facho, face au socialisme, revendique lui aussi de raisonner collectif. Gros sans-gêne, évidemment autorisé puisque "la vérité c'est ce qui paie" !

• Civilisations au pluriel : contrer l'Internationale bolchévique, vile résurgence du Genre Humain "métaphysique", cosmopolite et mondialiste, de la civilisation efféminée, de l'humilité dégradante christiano-bouddhiste.

• Variante de la civilisation plurielle : grégarisme d'État des démocraties, nanties d'un empire colonial ; grégarisme National (Volkish) des fascistes, "nations prolétaires" dépourvues d'empire.

Destin grégaire :

"C'est le sûr instinct accumulé qui fait l'âme national". Âme folklore.

"Les religions, qui semblent les plus révolutionnaires - le christianisme, l'islam, le bouddhisme - qui paraissent avoir initié une refonte de l'homme, ne sont au contraire que le fruit dernier de croyances immémoriales".

 

Lebon nous dote donc d'une critique cinglante de l'aliénation religieuse qui fait pièce à celle de Marx. Marx disait que la raison religieuse s'illusionnait elle-même, aveugle à ses racines historico-économiques. Lebon balaie ce piètre matérialisme. Ce n'est pas la raison civilisée qui se dupait dans l'esprit religieux, mais l'instinct de la bête humaine de tout temps. D'ailleurs, la vieille foi n'avait d'yeux que pour l'avenir, possédée par la fascination eschatologique ; la mystique communiste n'en diffère en rien, avec son idée du "grand soir". Nous autres, laïcs, nous savons que tout tient dans l'archéologie, dans le joug du passé, qui fixe son Destin à l'âme grégaire.

Analyse de Castes

Selon le démo-facho Lebon, la structure sociale des "civilisations" grégaires se résoud en trois groupes : la Foule, les Meneurs et les Chefs naturels.

La Foule :

C'est le gros souci. Un tracas à n'en plus finir.

"La foule est gouvernée par l'influence atavique". Comme tout le monde ; sauf désordres consécutifs au métissage… et Chefs exemptés !

"Le simplisme des foules", c'est ce que l'ordre laïc ne doit jamais perdre de vue.

Ce à quoi il faut parer, c'est l'éventualité confirmée par l'expérience, de la foule qui se mue en "monstre déchaîné", en une "multitude ivre".

Mais en s'y préparant comme il convient, il ne faut pas craindre. Les masses sont des enfants révoltés, leurs colères sont toujours un feu de paille. "Leur indéracinable esprit conservateur" se fait jour rapidement. Ce qui veut dire : la foule est foncièrement réactionnaire, contre-révolutionnaire. On l'a bien vu en 14-18, quand on l'a galvanisée avec l'Union Sacrée.

Les Meneurs :

"Les mouvements dits populaires ne sont que ceux de quelques meneurs".

"La société doit se défendre, non pas des foules, mais des meneurs".

Depuis 1845, c'est la doctrine officielle, gouvernementale et diplomatique : l'Ordre établi va bien ; il n'a jamais été meilleur. Si quelqu'un parle de problèmes en démo-fascie, c'est qu'il est de mêche ou influencé par les "sociétés secrètes". D'antan, la civilisation métaphysicienne était continuellement secouée par des problèmes politiques. À présent, en démocratie laïque, dans la civilisation positive, "organique", on n'a plus que des problèmes de "droit commun". Ce sont des bandits à alibi politique que nous avons à combattre.

"Ne perdons plus de temps en discussions. Défendons-nous contre l'ennemi qui nous menace du dedans".

Nous autres marxistes, nous savons à quoi nous en tenir. On ne pourra pas dire qu'on ne nous a pas prévenus...

Les Chefs naturels :

Arrivent en fanfare les "chefs naturels de la société". C'est la caste dominante démo-facho.

"Les civilisations périrent quand leurs défenseurs naturels renoncèrent à la lutte".

"Pour se défendre des meneurs, il n'y a qu'à vouloir".

Coué reparait. Tour de piste et révérence. (Emile Coué - 1857/1926 - pharmacien)

Programme Science-po/E.N.A. :

• "En réalité, les foules ne sont pas bien difficiles à diriger".

"Ce n'est pas l'intérêt qui mène les multitudes".

"Il leur faut une croyance à défendre, pour laquelle elles ne se passionnent qu'après s'être passionnées pour ses apôtres".

"Pour conduire les foules, il faut agir sur leurs sentiments, et ne jamais faire appel à la raison, qu'elles ne possèdent pas".

L'art de diriger les foules repose sur "l'affirmation, la répétition, la contagion, le prestige".

• "On doit faire beaucoup pour les foules, mais éviter d'agir par elles".

"Rien n'est plus funeste pour un État que de subir sans cesse la volonté irréfléchie et mobile des foules".

"Les foules considèrent avec mépris ceux qui les flattent, et élèvent le niveau de leurs exigences en conséquence".

• "Le corps social est un organisme fort délicat, auquel il faut très peu toucher". Donc :

- "D'abord renoncer définitivement à nos perpétuels projets de réformes, à l'idée qu'on est condamné à changer sans cesse les institutions" ;

- "Ensuite, cesser de fonctionnariser, d'étatiser".

• Les énarques ont des cheveux à se faire ! Tout tient dans un Führer charismatique et une grande Haine à inculquer aux masses ; "mais" il ne faut "rien faire par les foules". Ce n'est pas l'intérêt qui mène les multitudes ; "mais" craignons qu'elles élèvent le niveau de leurs exigences et faisons beaucoup pour elles, contre leur gré !...

Heureusement que la "psychologie sociale" a encore évolué depuis 1898...

Socialisme

• "L'homme ne refait pas les sociétés à son gré". Le pape l'a dit 65 ans auparavant.

Le socialisme serait un "immense cataclysme" (Lebon cite Proudhon). Ce serait "le plus grand désastre" (Lebon cite Spencer).

• "Malheureusement, la maladie morale de notre temps, c'est le défaut de volonté". Patatra ! Il n'y a plus "qu'à vouloir".

"L'expérience du socialisme, à coup sûr, devra être faite, puisque cela seul guérira le peuple de ses chimères".

• Tout ce qu'on peut se proposer, c'est de tout faire pour "retarder l'heure de son triomphe" ; et puis de s'arranger pour que l'expérience "s'accomplisse à l'étranger, ailleurs que chez nous".

Je croyais que c'était un jeu d'enfant de diriger les foules !

Pauvre France

• "Le défaut de volonté est presque incurable chez les Latins".

"La ruine des peuples fut causée, non par le manque d'intelligence, mais par l'abaissement du caractère". Déjà vu. (La Volonté, le Caractère, ce sont les grandes facultés de l'âme, depuis Schopenhauer et le Romantisme morbide de 1815).

• "Mais peut-on détourner le cours du Destin ? Peut-on compter sur le véritable miracle que cela supposerait : transformer l'âme nationale ?". Voici monsieur Destin qui débarque, le dieu des races humanoïdes. Lui seul peut corriger l'atavisme par une mutation génétique. Lebon en est revenu des vieux "miracles" spiritualistes !

• "Pensons tout bas que tout est déjà perdu, mais agissons comme si nous pensions le contraire" !!!

• Pauvres Latins. En 1848, il y avait des petits Lebons qui proposaient qu'on fasse appel aux "Cosaques" plutôt que d'être asservis par les Rouges des faubourgs parisiens. À présent - 50 ans déjà - Lebon insinue qu'il nous faudra peut-être donner la France et son Empire aux Germains. Entre deux maux...

 

Le grand doctrinaire de la démocratie laïque fin de siècle, Gustave Lebon en personne a sonné l'alarme. Quant à lui, il a prouvé son atavisme intact, sa Volonté est fraîche et joyeuse. Sera-t-il entendu ? C'est le seul problème. Dans l'affirmative, "Tout va très bien madame la marquise !". On a la pêche, dans le cercle Lebon. De vrais baroudeurs à la Bigeard de Dien-Bien-Phu : on avait gagné ; c'est les "politiques" qui nous ont trahis !

Lebon, c'est pas du tout le défaitisme d'un triste disciple de Schopenhauer : Philipp Mainländer. Ce p'tit gars avait pas l'étoffe. Je vous raconte. Mainländer publie en 1879 une profonde méditation consacrée à la "question sociale" : Philosophie de la Délivrance. Voilà ce que propose cette chiffe-molle : il faut décevoir ceux qui sont dépourvus en leur donnant ce qu'ils désirent. Alors ils se rendront compte par eux-mêmes de l'inanité de la vie, et tout se terminera enfin. Mainländer ne s'est dépouillé de rien, pour donner l'exemple. Il fit plus : un beau matin il se suicida. On ne l'a pas médaillé, comme Bigeard, ou Schwartzkopf... Moi, je trouve que c'est pas juste.

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Gustave Lebon - 1841-1931

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Mise en garde : Démo-fachos

Je sais que ma rétrospective portant sur les laïcards dominants depuis 150 ans, surtout en arrivant au braillard Gustave Lebon, me fera soupçonner de partialité. Certains penseront, malgré les précisions apportées au fil du récit, que je n'ai traité que du pré-nazisme.

Une dernière mise en garde s'impose.

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En premier lieu, il est tout à fait vrai qu'Hitler a très peu inventé. Je cite simplement Mein Kampf (1925-1926) :

• 1789 : "Une révolution de sous-hommes".

• Le peuple :

"La masse, de même que la femme, est peu touchée par des raisonnements abstraits. Elle éprouve une indéfinissable aspiration sentimentale, et se soumet au fort, tandis qu'elle domine le faible".

"La faculté d'assimilation de la masse n'est que très restreinte ; son entendement est petit, son manque de mémoire est grand".

• "La foi est plus difficile à ébranler que la science. Pour qui veut gagner la masse, l'objectivité est de la faiblesse, la volonté une force".

"De tout temps, la force qui a mis en mouvement les révolutions a résidé moins dans la proclamation d'une idée scientifique que dans un fanatisme et une hystérie qui s'emparaient follement des foules".

• "Toute propagande efficace doit donc se limiter à quelques points forts peu nombreux, et les faire valoir à coup de formules stéréotypées aussi longtemps qu'il le faudra, pour que le dernier des auditeurs soit à même de saisir l'idée".

Que dire de cela ? Bien que du copié, pour l'essentiel, c'est finalement plus modéré et mieux organisé que du Lebon - IIIème République démocratique - 1900.

Et puis, vue la présente atmosphère de Yom Kippour (Grand Pardon), nous devrions faire monter sur les tréteaux toute la tribu des Lebon français.

Enfin, dans le style facho, la mesure vraiment salutaire serait de remonter plus haut que 1898. En France encore, ça nous mènerait au vrai premier Hitler : Napoléon III et son comparse S.S. Persigny (1849). Cette équipe avait été à son tour bien éduquée par le duo Cobden-Peel en 1845 en Angleterre. Le gentil Cobden, connu comme "révolutionnaire pacifique", il faut le connaître ! Son "Association anti-protectionniste" (Anti-Corn Law League), il est bon de l'étudier ! Comme grosse démagogie scientifique, ultra-musclée, qui s'installe sur la défaite des Chartistes de 1840, armée à l'appui, on ne fait pas mieux. "Irrésistible ascension" typiquement fasciste. Et on y allait, à promettre la "Grosse Miche" de brioche pour tous les prolos !

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En second lieu, je dis et je maintiens qu'il faut parler d'obscurantisme démo-facho quand on traite de la Laïcité dominante.

Gustave Lebon, en 1898, est l'homme de la grande République Radicale, Radicale-socialiste et Socialiste de la fin de siècle. De ce Paris où siège l'Alliance Israélite Universelle (fondée en 1860) en même temps que la Ligue des Droits de l'Homme (fondée précisément en... 1898). Lebon nage en pleine guimauve Zola-Péguy-Clémenceau-Jaurès.

Ce qui nous masque, avant toute chose, la saloperie de la laïcité "démocratique", c'est qu'elle est le fait d'une "Grande Puissance" coloniale, que c'est un fascisme de parasites repus. C'est qu'on ne veut pas voir le comportement global de la dite démocratie dans tout son "empire". Mais il n'y a pas pire aveugle que celui qui ne veut pas voir !

La situation globale au sens le plus large, c'est le fait que le fascisme, repoussoir idéal de la "démocratie" barbare, ne tombe pas du ciel, mais d'une situation géopolitique mondiale, de telle manière que c'est la "belle" démocratie et pas autre chose qui l'enfante.

En ce qui concerne les causes immédiates de la "mauvaise" barbarie, de la barbarie version fasciste, il y a aussi à dire. Nul part et jamais il n'y eut avènement fasciste sans un mitraillage préalable du mouvement populaire, perpétré par les "bons" démocrates barbares, qui déblaie le terrain. Les agents du gros-œuvre, qui font les vierges effarouchées, les "indignés" et les Ponce-Pilate, vis-à-vis du fascisme, se nomment, suivant la conjoncture : républicains, libéraux, socialistes, communistes... En 1848, il y eut Cavaignac, grand républicain couvert de sang jusqu'au coude, avant que n'arrive Napoléon III. En 1933, Hitler devint chancelier après que la bande "socialiste" de Ebert ait enfoncé ses bottes dans le sang populaire jusqu'aux genoux. Et ainsi de suite.

Encore un point. La démocratie barbare n'est pas qu'un fascisme de repus, et alors camouflé aux yeux de ceux qui font l'autruche. C'est aussi un fascisme déclaré en temps de guerre. Je rappelle une fois de plus l'Union Sacrée de 14/18, la der-des-der. Alors, on ne se cache pas : il faut marcher "la baïonnette dans le dos", sinon, "au peloton" ! Or il a été relevé que le "Père Joffre" de la Grande Guerre servit de modèle à la campagne de Mitterrand sur le thème de "la force tranquille"... On a aussi relevé que la "mobilisation des consciences" en 14/18 "annonce l'esprit national-socialiste en Angleterre". On a enfin signalé que durant l'épopée des "poilus", "les maîtres de l'intoxication furent les... américains" (Marc Ferro : La Grande Guerre). C'est dans ces années glorieuses qu'on apprit à "gonfler l'arrière" tout autant que les tranchées, avec les "bobards" et le "bourrage de crâne".

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En résumé : le grand bourrage de crâne, depuis 50 ans, c'est celui de la Démocratie "ennemie" du fascisme ! Non seulement "les deux font la paire", mais il y a quantité de "passages" d'un côté à l'autre. Les empêchements viennent, soit du simple hasard, soit parce qu'on ne peut pas être des deux côtés à la fois ! Exemple : le grand homme Victor Hugo. Cette grosse girouette boursouflée, capable de déverser de la diarrhée "poétique" au kilomètre, quel est-il ? Les histoires de "l'homme qui aime le peuple", du "proscrit", ce sont des canulards de mauvais goût ! C'est Victor qui a fabriqué à plus de 50% la carrière de Napoléon, avec ses trivialités sur Napoléon-le-Grand. Il comptait bien, pour cela, au jour de la victoire de son poulain, être élevé au rang suprême, cumuler les postes de Confesseur privé et de Ministre de la Propagande et de l'Information du Prince-Président. Le rhéteur fut éconduit. De dépit, par vengeance, il composa Les Châtiments qui n'ont fait parloter que dans les salons, tandis que monsieur Hugo Pair de France s'amusait à interroger les "tables parlantes" et prostituait ses servantes. ça compensait bien les fonctions manquées du Père Jésuite Letellier, confesseur de Louis XIV et entremetteur de la Pompadour, et celle du harangueur Goebbels...

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Conclusion

ça y est, nous avons à peu près fait le tour du gros bobard laïc, quittes à rencontrer plus tard le Maître Comte en compagnie de son complice et concurrent Proudhon.

Un grand pas est fait, j'estime, dans l'étude de la Grande Question Dieu-et-Marx qui m'obsède.

On me dira : de Marx, on n'a pas encore beaucoup entendu causer ! Qui va lentement va sûrement, n'est-ce-pas ?

On ne peut reconnaitre à Marx ce qui lui appartient, sans restituer d'abord et intégralement ce qu'à Dieu revient.

Mon public impatient doit se rendre compte que même en ce qui concerne Dieu, le sujet n'a pas encore vraiment été abordé, ou seulement indirectement, dans la seule mesure où notre obligation primordiale consistant à vouer la Laïcité à l'exécration, nous y a contraint.

Le spectacle ne fait que commencer : ne quittez pas la salle !

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Il est débusqué, le Léviathan laïque
Travesti en colombe Tolérante !

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"Personne n'est assez téméraire pour l'exciter,
Rien qu'à le voir, on tombe à la renverse.
Qui a ouvert les battants de sa gueule ?"

(Job-40)

"Qui écrasera les têtes du Léviathan,
Et jettera sa viande pourrie aux chacals ?"

(Psaume 74)

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Il est débusqué, le Léviathan laïque
Travesti en colombe Tolérante !

Documents
&
annexes

Les Dieux qui meurent

PIERRE VARET - 1932

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AU PAYS D'ANNAM

Il n'est rien d'aussi destructif que la poussière des dieux morts.

(G. Lebon)

Recul apparent des religions : Socialisme et communisme sont des croyances.

Beaucoup prétendent que les croyances ne jouent qu'un rôle accessoire. Notre siècle, disent-ils, est à l'avant-garde d'une période nouvelle où l'esprit humain affranchi des antiques préjugés s'avance, radieux, vers la liberté. L'humanité ne tolère plus le joug des croyances stupides ; elle ne s'incline que devant les enseignements de la raison.

Les religions semblent en effet en voie de recul mais l'esprit humain se tourne vers de nouvelles doctrines, filles de l'éternel besoin que nous avons de croire en la possibilité d'une vie meilleure. Le socialisme n'est pas autre chose qu'un évangile[2]. Il fait miroiter devant les yeux avides des pauvres et des déshérités l'espoir d'un paradis où les hommes seront égaux et jouiront des mêmes droits. Il place le bienheureux séjour des élus à la surface de notre globe, l'homme religieux le situe dans un monde supraterrestre. Tous les deux sont des croyants au même titre. Ils acceptent les pires souffrances pour la défense de leur foi.

Une expérience, qui dure encore, témoigne de la puissance irrésistible des croyances. Cent cinquante millions de Russes subissent le joug d'une poignée de militants. Ils ont leur dieu, Karl Marx réincarné en Lénine. Le Capital représente leur Ancien Testament ; le nouveau est constitué par les œuvres d'Ilitch. Le parti communiste est bâti sur le modèle d'un ordre religieux dont l'idéologie dogmatique et la règle sévère exigent une obéissance absolue et un dévouement sans limites. Si l'on considère, dit M. Lucien Bourgeois, dans la Revue de France, le bolchevisme sous un aspect théocratique on comprend pourquoi "il a survécu à tant d'avatars et à tant d'atrocités. Il emprisonne, torture, assassine, non pas au nom d'une puissance temporelle ou de la société, mais au nom d'une justice qu'il croit supérieure et infaillible. Sur un plan pareil, la vie humaine perd toute valeur puisque le but suprême n'est pas le bonheur ou la conservation de l'individu, mais uniquement le triomphe de cette justice sociale d'essence quasi-divine. On comprend enfin le manque de tolérance complet à l'égard d'autres façons d'agir et de penser, et l'aversion farouche pour toutes les religions établies".

Certains ont voulu voir dans les maîtres du Kremlin des bandits de droit commun. Ils ne garderaient le pouvoir que par des méthodes terroristes, en noyant dans des flots de sang toute velléité de résistance. L'explication est trop simpliste et la réponse apparaît immédiatement. Les tortionnaires de l'Inquisition étaient-ils plus cléments ou les meurtriers de la Saint-Barthélemy moins sanguinaires ?

Communistes ou membres de l'Inquisition, chez les uns et les autres, se rencontrent des criminels qui tuent par plaisir ou par crainte et des illuminés qui croient avec ferveur qu'une divine providence leur a dévolu une mission sacrée. Torquemada et Lénine présentent, pour le psychologue, les mêmes caractères, ils ne voulaient que le bonheur de leurs semblables.

Il serait aisé de démontrer que Robespierre, Marat, Saint-Just et tant d'autres pourvoyeurs de la guillotine agissaient dans le même but. L'échafaud prenait la valeur d'un symbole ; ses marches rougies représentaient les premiers échelons de la montée de l'humanité vers le progrès.

La raison n'intervient pas dans le domaine des croyances.

Qu'on n'invoque pas tout ce qui parait insensé dans la révolution russe, tout ce qui heurte nos sentiments, nos conceptions familiales et sociales pour dénier aux doctrines communistes la signification religieuse qu'elles revêtent. Qu'on ne vienne pas dire qu'elles sont trop absurdes pour être admises par des hommes intelligents. Ce ne sont là que vains arguments de rhétorique dans un domaine où la logique rationnelle ne pénètre pas. Qui dit croyance, dit absence de raisonnement, en pareille matière, il n'y a rien d'impossible, rien d'absurde.

Les plus grands esprits n'ont jamais pu se débarrasser des croyances permanentes qui dominent une époque et lui impriment sa véritable signification. Au Moyen Age et même pendant la Renaissance, nul n'aurait osé mettre en doute les pratiques de la magie, les scènes du sabbat, les relations des sorciers avec le diable et la nécessité de les brûler. Sous Louis XIV encore, la magie et la sorcellerie étaient très florissantes. Mme de Montespan s'y adonnait, La Brinvilliers, la Voisin, la Vigoureux acquirent une célébrité historique pour leurs tractations avec les puissances occultes. Le bûcher vint fort heureusement y mettre fin.

De nos jours des savants notoires croient au spiritisme et à l'évocation des ombres. Le médium capable de "matérialiser" et de faire parler ou écrire les morts ne rappelle-t-il pas le sorcier de jadis qui, enduit d'onguents maléfiques, chevauchant un manche à balai, traversait les espaces sidéraux pour aller retrouver le diable en personne. Traduits en justice, la plupart des sorciers reconnaissaient leur commerce satanique. Ils avaient vu le diable comme nos spirites modernes rencontrent les ombres. Quelle différence entre l'instrument hippique du sorcier et la table tournante du spirite, dont les pieds se soulèvent et s'abaissent alternativement suivant la volonté des esprits.

Puissance limitée du communisme.

Quant au communisme, qu'est-il ? Une écume tandis que l'individualisme déferle en vagues de fond dont l'irrésistible assaut soulève les masses et les maintient frémissantes.

Ce mot, sans doute, est rarement prononcé. Celui de communisme par contre est dans toutes les bouches. On se dit communiste, on ne s'intitule pas individualiste. La raison en est simple. L'individualisme représente un état beaucoup plus qu'une doctrine. Il symbolise une civilisation, celle de l'Occident au même titre que le patriarcat évoque le monde gréco-romain. Les deux mots n'ont jamais figuré sur un étendard, ils ne seraient pas compris par l'obtuse cervelle des foules qui évoluent dans un milieu individualiste ou patriarcal, à la manière dont M. Jourdain faisait de la prose, sans le savoir.

Elles s'enrôlent par contre éperdument, follement, dans les bataillons communistes avec une fougue telle que les baïonnettes et les balles seules les arrêtent, parce que le communisme est une religion. Il s'adresse au cœur et non à la raison. Il relève de la croyance et non de la connaissance. Ses adeptes aspirent au martyrologe. M. le Résident Supérieur au Tonkin s'adressant à la Chambre des Représentants du Peuple, disait : "Une sorte de folie mystique, une pauvreté foncière d'esprit, une croyance puérile peuvent seules expliquer vraiment l'adhésion consentie à la religion collectiviste".

Puisqu'il s'agit d'une religion, de l'avis même de M. Robin, ses adeptes n'obéissent plus aux commandements de la raison. L'intelligence n'intervient pas pour éclairer les esprits sur l'impossibilité de réaliser l'application de la nouvelle croyance.

Ce qui est vrai d'hommes instruits l'est encore plus des foules. Les idées les plus grossières, les plus contraires à la simple logique ont toujours été adoptées d'enthousiasme par elles. Les foules asiatiques, a-t-on dit, comptent parmi les plus crédules mais les foules européennes sont-elles plus intelligentes ? Les grandes journées révolutionnaires ont été provoquées par un petit nombre d'hommes qui surent exploiter les légendes les plus absurdes. Les "Septembriseurs" croyaient accomplir une besogne de salubrité publique. Ils égorgeaient par devoir et ils en éprouvaient une légitime fierté. Tout le monde sait avec quelle rapidité se répandirent à travers toute la France les bruits sinistres qui suivirent la prise de la Bastille et amenèrent l'éclosion de cet incompréhensible mouvement de panique auquel l'histoire a donné le nom de "Grande Peur".

Il est donc bien inutile d'accuser l'excessive crédulité sino-annemite et son ignorance pour expliquer les désordres dont nous sommes les témoins. Au demeurant, le développement du communisme s'explique et se justifie. Les tenants de cette religion s'adressent à des peuples dont les antiques croyances sont en butte à de perpétuelles attaques qui les minent sournoisement et provoquent leur effondrement.

Aujourd'hui les corps se relèvent ; il est avec le ciel des accommodements. Des hommes qui travaillaient toute une vie au sein de leur famille, satisfaits de savoir qu'à leur mort, ils deviendraient dieux, commencent à connaître l'inquiétude de l'au-delà. L'apothéose qui leur était réservée leur faisait oublier les années de misère où la récolte disparaissait sous l'eau envahissante du fleuve débordé ou sous les coups dévastateurs du typhon déchaîné. Il faut maintenant travailler durement, péniblement, sans espoir d'une vie meilleure. Pourquoi ne pas suivre les communistes ? Que peut-il advenir de plus mal ?

Et ainsi, petit à petit, dans les esprits en désarroi, l'idéal communiste submerge les vieilles idées auxquelles on ne croit plus guère. On devient communiste parce qu'on n'a plus la foi.

Sans doute la pensée ne peut-elle se dégager aisément des liens dans lesquels elle est enfermée par l'habitude, mais les règles de la vieille politique, les lois sacrées de l'antique morale brisant leurs entraves sous la poussée continue des ferments sociaux, fruits de l'Occident. Si paradoxal que cela soit, c'est l'individualisme qui a provoqué l'éclosion du communisme en Extrême-Orient.

Est-il à craindre que la doctrine collectiviste conquière droit de cité au pays de Confucius ? C'est une hypothèse invraisemblable, le communisme est la forme initiale des sociétés, il parait difficile qu'il en soit également la fin. Au vingtième siècle il fait figure d'une excroissance maligne venue se greffer sur l'individualisme. Négation absolue des lois économiques et politiques qui ont donné naissance aux sociétés modernes, il est voué à une mort presque certaine. En Russie, sa terre de prédilection, il a chassé du pays les derniers vestiges du collectivisme agraire. Le domaine du Mir est devenu la propriété d'une multitude de paysans et le communisme n'a fait que hâter l'avènement de la propriété individuelle. Il est donc peu probable qu'il obtienne de réels succès en Extrême-Orient. Son règne sera éphémère mais son passage pourra, comme celui d'Attila, laisser bien des ruines derrière lui. Le chef des Huns se vantait d'empêcher l'herbe de repousser partout où son cheval avait mis les pieds.

Naissance de l'individu en Annam.

M. Sarraut, dans un discours qui restera à jamais célèbre a dressé une magistrale synthèse de cet aspect du problème soulevé par la rencontre de l'Occident et de l'Orient : "Notre politique indigène, a-t-il déclaré le 27 avril 1919 à la pagode de Sinhu, dédiée à Confucius, a affirmé, elle a littéralement fait naître ici le droit de l'homme, le droit de la personne humaine".

"Je vous demande, continue l'orateur, de réfléchir gravement à cette Idée, à cette observation profonde : Avant notre arrivée en Indochine, on peut dire que le peuple annamite en dépit des lois bienveillantes conçues pour lui par de sages monarques, était comme une sorte de masse amorphe, obscure, confuse, où la personne individuelle disparaissait dans le groupe, était noyée dans la communauté où le relief de l'individu s'effaçait devant la collectivité.

Eh bien ! Ce qu'il y a eu d'admirable dans l'action de la France en ce pays, c'est que précisément, grâce à sa civilisation, à sa volonté de justice, à sa persévérance généreuse, la valeur et les droits de l'individu ont fini par prendre un relief précis...

De l'ancienne poussière humaine, l'action de la France a fait des hommes... ; le principe fondamental est du moins fermement posé : les indigènes, ici, sont des hommes, comme les autres, comme nous, Européens".

L'auteur de Grandeur et Servitude coloniales est allé jusqu'au fond du problème colonial. Sa perspicacité ne l'a pas trompé.

Le revers de la médaille.

Mais l'œuvre, si généreuse soit-elle, entraîne sa propre servitude. Donner à l'individu conscience de sa valeur sociale, c'est tuer le régime patriarcal et les dieux sur lesquels il s'appuie. C'est transformer un être qui se prosterne devant l'autel des ancêtres en un nouvel individu qui repousse l'autorité du patriarche et ne reconnaît que celle de l'État et de ses lois.

La structure de la société annamite donne à des réformes purement laïques l'aspect d'une série d'attaques contre ses dieux. Certes, nous ne voulons pas cela mais le fait est patent, indiscutable. Et c'est pour cette raison qu'il a été tant parlé de la religion chrétienne : le missionnaire et le fonctionnaire se rejoignent. Leur point de départ est différent, ils arrivent cependant tous deux au même but.

Le représentant de la papauté et l'envoyé de la IIIème République tuent les divinités de l'Annam, le premier pour la gloire de son Dieu, le second pour le triomphe de l'individu. Et tous les deux hâtent la disparition du patriarcat car "l'histoire nous montre que les peuples ne survivent pas longtemps à la disparition de leurs dieux. Les civilisations nées sous leur influence meurent également avec eux. Il n'est rien d'aussi destructif que la poussière des dieux morts.

Le mouvement des idées dans la Métropole, et les lois votées par le Parlement, lui faisaient une obligation de laïciser son enseignement : à l'heure actuelle, cette laïcisation est complète ; aucune école confessionnelle n'est subventionnée en Indochine par les budgets publics, aucune bourse d'étude n'est entretenue auprès des établissements congréganistes. Par contre, le nombre des écoles laïques a été considérablement augmenté et le nombre des élèves dans ces écoles a plus que triplé".

Dans le même sens, M. Paul Doumer se félicite que "le régime de la séparation du pouvoir civil et des religions fonctionne en Indochine sans difficultés et sans heurts".

Cette profession de foi n'est peut-être pas à sa place dans un pays où l'instruction a toujours été libre et s'accordait avec la liberté de conscience la plus absolue ? L'anticléricalisme, c'est l'introduction en Annam de nos stériles querelles de doctrine dont la Métropole a tant souffert. C'est un pas de plus dans l'œuvre de désagrégation de la cité jaune où tout est religion.

La morale laïque est un non-sens pour un Annamite et l'enseignement religieux des Pères constitue un puissant dérivatif aux exhortations malsaines du communisme. Il peut combler le vide que la disparition des antiques croyances provoque dans l'esprit de tant de nos protégés.

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Note : Indochine (pour mémoire) :

• 1874 : La République versaillaise conquiert le Delta du Tonkin et impose son protectorat au pays.

• 1884 : Jules Ferry, le grand "Laïc" et Educateur, dit "le Tonkinois", décrète l'invasion totale de l'Indochine.

• 1946/1954 : Guerre d'Indochine. Déclenchée dès l'arrivée au pouvoir de Léon Blum, socialiste et idole du Front populaire. Pertes de la guerre :

- Français volontaires - dont anciens "résistants" communistes : 20 700.

- Enrôlés forcés de la guerre : "autochtones" indochinois, "d'États associés" d'Asie, "Africains" noirs et arabes : 60 000.

- Patriotes du Viet-Minh : 500 000 ; Civils Indochinois : de 800 000 à 2 millions.

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Psychologie du socialisme

Par

GUSTAVE LE BON - 1898

Le socialisme comme croyance.

Les grandes civilisations ont toujours été l'efflorescence logique d'un petit nombre de croyances, et la décadence de ces civilisations est toujours survenue à l'heure où les croyances communes se sont dissociées.

L'homme ne change pas comme il veut les sentiments et les croyances qui le mènent. Derrière les vaines agitations des individus se retrouvent toujours les influences ataviques. Ce sont elles qui donnent aux foules ce conservatisme étroit que dissimulent leurs révoltes d'un instant. Ce que les hommes supportent le plus difficilement, ce qu'ils ne supportent même jamais pendant bien longtemps, c'est un changement de leurs habitudes et de leurs pensées héréditaires.

Ce sont précisément ces influences ancestrales qui protègent encore les civilisations déjà bien vieilles dont nous sommes les détenteurs et que tant de causes de destruction menacent aujourd'hui.

En dehors des nécessités extérieures et variables auxquelles il est soumis, l'homme est surtout guidé dans la vie par deux catégories de concepts : les concepts ancestraux ou concepts de sentiments, et les concepts acquis ou concepts intellectuels.

Les concepts ancestraux sont l'héritage de la race, le legs des ancêtres éloignés ou immédiats, legs inconscient apporté en naissant, et qui détermine les principaux mobiles de la conduite.

Les concepts acquis ou concepts intellectuels sont ceux que l'homme acquiert sous l'influence des milieux et de l'éducation. Ils servent à raisonner, à expliquer, à discourir, mais bien rarement à se conduire.

Si les concepts acquis réussissent parfois à combattre les concepts ancestraux, c'est que les premiers ont été annulés par des hérédités contraires, ainsi que cela arrive par exemple, dans le croisement entre sujets de races différentes. L'individu devient alors une sorte de table rase. Il a perdu ses concepts ancestraux; ce n'est plus qu'un métis sans moralité ni caractère, à la merci de toutes les impulsions.

Des religions qui semblent originales quand on ne considère qu'une phase avancée de leur évolution, telles que le bouddhisme, le christianisme et l'islamisme, sont en réalité de simples efflorescentes de croyances antérieures.

Ce que le succès du socialisme réserve aux peuples chez lesquels il triomphera.

En attendant l'heure de son triomphe, qui précédera de bien peu celle de sa chute, le socialisme est destiné à grandir encore, et aucun argument tiré de la raison ne saurait prévaloir contre lui.

Ce ne seront pas pourtant les avertissements qui auront manqué aux adeptes du nouveau dogme, non plus qu'à leurs faibles adversaires.

Nous ne remonterons pas plus haut que Proudhon[3]. À l'époque où il vivait, le socialisme était bien moins menaçant qu'aujourd'hui. Il a écrit sur son avenir une page souvent citée dont l'exactitude se vérifiera peut-être bientôt :

 

La révolution sociale ne pourrait aboutir, écrivait Proudhon, qu'à un immense cataclysme, dont l'effet immédiat serait de stériliser la terre, d'enfermer la société dans une camisole de force ; et s'il était possible qu'un pareil état de choses se prolongeât seulement quelques semaines, de faire périr par une famine inopinée trois ou quatre millions d'hommes. Quand le Gouvernement sera sans ressources ; quand le pays sera sans production et sans commerce ; quand Paris affamé, bloqué par les départements, ne payant plus, n'expédiant plus, restera sans arrivages ; quand les ouvriers, démoralisés par la politique des clubs et le chômage des ateliers, chercheront à vivre n'importe comment ; quand l'État requerra l'argenterie et les bijoux des citoyens pour les envoyer à la Monnaie, quand les perquisitions domiciliaires seront l'unique mode de recouvrement des contributions ; quand la première gerbe aura été pillée, la première maison forcée, la première église profanée, la première torche allumée, quand le premier sang aura été répandu, quand la première tête sera tombée, quand l'abomination de la désolation sera par toute la France, alors vous saurez ce que c'est qu'une révolution sociale. Une multitude déchaînée, armée, ivre de vengeance et de fureur, des piques, des haches, des sabres nus, des couperets et des marteaux ; la cité morne et silencieuse ; la police au foyer des familles, les opinions suspectées, les paroles écoutées, les larmes observées, les soupirs comptés, le silence épié, l'espionnage et les dénonciations ; les réquisitions inexorables, les emprunts forcés et progressifs, le papier-monnaie déprécié ; la guerre à l'étranger sur la frontière, les proconsulats impitoyables, le comité de salut public, un comité suprême au cœur d'airain, voilà les fruits de la révolution dite démocratique et sociale. Je répudie de toutes mes forces le socialisme, impuissant, immoral, propre seulement à faire des dupes[4].

Le grand philosophe anglais Herbert Spencer[5] n'est pas moins sombre. Le triomphe du socialisme, dit-il, "serait le plus grand désastre que le monde ait jamais éprouvé et la fin en serait le despotisme militaire".

 

L'expérience du socialisme devant être faite quelque part, puisque cette expérience seule guérira les peuples de leurs chimères, tout notre effort doit tendre à ce qu'elle s'accomplisse à l'étranger plutôt que chez nous. C'est la tâche des écrivains, quelque minime que leur influence puisse être, de reculer la funeste réalisation dans leur patrie. Ils doivent combattre le socialisme et retarder l'heure de son triomphe, de façon à ce que ce triomphe puisse se produire ailleurs.

Ce n'est pas avec des arguments capables d'influencer des savants et des philosophes qu'il faut tenter l'œuvre de défense nécessaire. Ceux que n'aveuglent pas le désir d'une popularité bruyante ou cette illusion, dont furent victimes tous les démagogues, qu'ils pourront dompter à leur gré le monstre déchaîné, ceux-là savent fort bien que l'homme ne refait pas les sociétés à son gré, que nous devons subir des lois naturelles dont nous ne sommes pas maîtres.

Ce n'est pas, je le répète, avec de tels arguments qu'on agit sur les foules. Ces arguments, tirés de l'observation et enchaînés par la raison, ne sauraient les convaincre. Elles se soucient fort peu des raisonnements et des livres ! Ce n'est pas non plus en les flattant avec la plus humiliante servilité, comme on le fait aujourd'hui, qu'on arrive à les séduire. Elles considèrent avec un juste mépris ceux qui les flattent et élèvent le niveau de leurs exigences à mesure que les flatteries deviennent plus excessives. Pour conduire les foules, il faut agir sur leurs sentiments, et ne jamais faire appel à la raison, qu'elles ne possèdent pas.

Sont-elles donc si difficiles à diriger, ces foules ?

Rappelons-nous que l'histoire nous montre que les mouvements populaires ne sont en réalité que les mouvements de quelques meneurs, rappelons-nous le simplisme des foules, leurs indéracinables instincts conservateurs, et enfin le mécanisme de ces éléments de persuasion que nous avons essayé de mettre en évidence dans un précédent ouvrage : l'affirmation, la répétition, la contagion et le prestige. Rappelons-nous encore que malgré toutes les apparences, ce n'est pas l'intérêt, si puissant sur l'individu isolé, qui mène les multitudes. Il leur faut un idéal à poursuivre, une croyance à défendre. Mais elles ne se passionneront pour l'idéal ou la croyance, qu'après s'être passionnées pour ses apôtres. Eux seuls, par leur prestige, font naître dans l'âme populaire les sentiments d'admiration et de sympathie qui sont les bases les plus solides de la foi.

Pour se défendre, non pas d'elles mais de leurs meneurs, il n'y a qu'à le vouloir. Malheureusement la véritable maladie morale de notre temps, celle qui paraît presque incurable chez les Latins, c'est le défaut de volonté.

L'indication de ce que nous devons faire importe moins d'ailleurs que celle de ce que nous devons ne pas faire. Un corps social est un organisme fort délicat auquel il faut trés peu toucher. Rien n'est plus funeste pour un État que de subir sans cesse la volonté irréfléchie et mobile des foules. Si l'on doit faire beaucoup pour elles, il faut agir très peu par elles. Ce serait déjà un immense progrès de renoncer à nos perpétuels projets de réforme, à l'idée que nous devons changer sans cesse nos constitutions, nos institutions et nos lois. Avant tout nous devrions limiter, et non toujours étendre, l'intervention de l'État.

Mais encore une fois, que sert-il d'émettre de tels vœux ? Espérer leur réalisation, n'est-ce pas souhaiter que nous puissions changer notre âme et détourner le cours du destin ? La plus immédiatement nécessaire des réformes, la seule peut-être vraiment utile, serait celle de notre éducation. C'est malheureusement aussi la plus difficile à accomplir, celle dont la réalisation impliquerait justement ce miracle véritable : la transformation de notre âme nationale.

Comment l'espérer ? Et, d'autre part, comment se résigner à se taire, quand on prévoit les dangers de l'heure prochaine, et quand, théoriquement, il paraît facile de les éviter ?

Si nous laissons l'indifférence pour les choses et la haine pour les personnes, les rivalités et les discussions stériles, nous envahir de plus en plus, si nous continuons à toujours réclamer l'intervention de l'État dans nos moindres affaires, le bloc social déjà fort ébranlé sera définitivement dissocié. Il faudra céder alors la place à des peuples plus vigoureux, et disparaître définitivement de la scène du monde.

Ainsi périrent plusieurs civilisations lorsque leurs défenseurs naturels renoncèrent à la lutte et à l'effort. Ce ne fut jamais l'abaissement de l'intelligence qui causa la ruine des peuples, mais celui de leur caractère.

Ainsi finirent Athènes et Rome. Ainsi finit également Byzance.

Ne perdons plus notre temps en récriminations et en discussions vaines. Sachons nous défendre contre les ennemis qui nous menacent au dedans, en attendant que nous ayons à lutter contre ceux qui nous guettent au dehors.

Et quand même nous penserions tout bas que de tels conseils sont aussi vains que les vœux formés auprès d'un malade dont le destin a marqué les jours, agissons comme si nous ne le pensions pas.

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Juriste et religion :
les précisions d'un philosophe

Le Progrès, Lundi 1er Décembre 1997 :

À la suite de la "Tribune Libre" du 24 novembre, que nous avait proposée Christian Cadiot sur le thème "Le juriste peut-il définir la religion ?", Max Bouderlique, docteur en philosophie apporte les précisions suivantes :

Pour éviter les confusions, le mot "secte", au sens implicite généralement admis maintenant, devrait être remplacé par "groupe sectaire totalitaire".

Le "Petit Robert", vous donne pour "sectaire" la définition : "caractérise des groupes au fanatisme exalté, aux opinions étroites et rigides, pratiquant l'intolérance".

Le même dictionnaire nous dit pour "totalitaire" : "système n'admettant aucune opposition, dans lequel le pouvoir dirige souverainement et même tend à confisquer la totalité des activités de la société qu'il domine".

On voit clairement que de tels groupes sont fondés sur des croyances, fermées en forme de certitudes absolues, ce qui interdit toute recherche et tout échange avec d'autres sources de pensée ou d'opinion. Le fanatisme et l'intolérance sont condamnés par les Droits de l'Homme, de même que le totalitarisme qui dénie la Liberté, l'élitisme (des possesseurs exclusifs de "vérité") qui interdit l'Égalité, le rejet de l'opposant, du différent, qui s'oppose à la Fraternité.

À partir de cette définition, les légistes pourraient trouver dans les lois existantes largement de quoi combattre de semblables associations antisociales et criminelles.

En ce qui concerne la "religion", rappelons l'origine latine du mot : "religare" qui signifie "(se) relier (à un au-delà de soi-même)". Une religion est donc une recherche de transcendance (transcender : aller au delà, à travers). Elle est fondée, non pas sur des croyances comme certitudes acquises, mais sur la recherche de sens de "croyances", qui sont de fait simplement des indications de directions de recherche.

Une "religion" est fondée sur une foi. Or ce terme associe fidélité, confiance, et sincérité (ce qui fait foi). Ceci implique un devoir constant de mise en question de soi-même, de ses propres conceptions de "croyances", comme de celles que l'on nous offre.

C'est donc l'inverse de la démarche d'une "secte" (dont je rappelle que l'étymologie signifie "couper", ce qui est à l'opposé de "relier").

La "secte" possède toute la "Vérité" et veut l'imposer par tous les moyens ; la "religion" offre de marcher vers la vérité dont elle prétend détenir une direction d'orientation. Le fait que toutes les religions puissent avoir des dérives sectaires ou totalitaires, condamnables, n'enlève rien à ces principes.

Le législateur se déclare incompétent pour légiférer sur les "religions". Par contre, il se réserve d'intervenir sur les "cultes", dans la mesure où ceux-ci qui sont des pratiques pour s'adresser à Dieu peuvent enfreindre les lois ou mettre en danger l'ordre public.

De grâce, ne mélangeons pas tout pour déclarer ensuite doctement qu'on ne peut rien faire pour préserver la démocratie et le civisme.

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John Milton : Aréopagitica

Areopagitica fut publié en 1644 à la suite du rétablissement par le Parlement de l'autorisation préalable à la publication des livres (pratique qui existait avant la Guerre civile, la censure s'exerçant alors dans un sens conforme à la politique des Stuarts, mais qui était tombée en désuétude au début de la Guerre civile, par absence d'autorité compétente). Milton accuse donc le nouveau gouvernement de recourir aux mêmes méthodes que l'ancien.

"La censure écrivait Milton, n'est pas seulement un outrage à la dignité humaine ; c'est une invention complètement inutile, qui n'atteint pas son but, et ne peut pas même s'exécuter. Elle veut, dit-elle, préserver les esprits et les cœurs du contact de l'immoralité ; mais elle ignore que l'esprit du mal nous en inspire le dégoût, ou bien souvent nous fournit des armes contre lui ; que de la fatale pomme se sont élancés en même temps, comme deux jumeaux, le Bien et le Mal ; qu'ils croissent ensemble, unis par de subtils rapports, difficiles à distinguer, et que nous n'arrivons pas à l'un, si nous ne connaissons pas l'autre. Celui-là seul qui sait envisager d'un œil fixe le vice avec ses pièges et avec ses fausses jouissances, et cependant le repousser et préférer la vertu, celui-là seul est le vrai chrétien. Il ne faut pas louer une vertu cloîtrée et paresseuse, sans exercice et sans vigueur, qui n'ose contempler au grand jour son adversaire, ou qu'on voit défaillir au milieu de sa course tandis que la palme immortelle doit être conquise à travers la sueur et la poussière. Vous voulez arrêter le vice ? Mais prenez garde, en lui fermant une porte, de lui laisser mille autres ouvertures, et rappelez-vous la rare imagination de ce galant homme qui, fermant à clé son parc, croyait emprisonner les corneilles... Et quand vous réussirez à fermer à l'esprit toutes ces ouvertures, que deviendrait-il ainsi séquestré ? La vérité, dans l'Écriture est comparée à une fontaine qui coule ; ses eaux sont-elles arrêtées, ces erreurs et ces préjugés qui tout à l'heure la troublaient un instant, puis disparaissaient, s'amassent alors en un bourbeux étang, qui l'arrête et la corrompt... Non, non, nobles et bourgeois ! Il ne faut pas emprisonner les esprits ; les temps sont venus d'écrire et de parler librement sur toutes les matières du bien public. Dussent les vents de toutes les doctrines souffler à la fois sur la terre, la vérité est en campagne laissez-la lutter avec l'erreur ! Qui a jamais vu que, dans un combat libre et à ciel ouvert, la vérité fut vaincue ?

Je ne prétends pas, milords et messieurs, que l'Église et le gouvernement n'aient intérêt à surveiller les livres aussi bien que les hommes, afin, s'ils sont coupables, d'exercer sur eux la même justice que sur des malfaiteurs ; car un livre n'est point une chose absolument inanimée. Il est doué d'une vie active comme l'âme qui le produit ; il conserve même cette prérogative de l'intelligence vivante qui lui a donné le jour. [Bien plus, les livres préservent comme en un flacon la plus pure quintessence de l'intellect vivant qui les a fait naître.] Je regarde donc les livres, comme des êtres aussi vivants et aussi féconds que les dents du serpent de la fable[6] ; et j'avouerai que, semés dans le monde, le hasard peut faire qu'ils y produisent des hommes armés. Mais je soutiens que l'existence d'un bon livre ne doit pas plus être compromise que celle d'un bon citoyen ; l'une est aussi respectable que l'autre ; et l'on doit également, craindre d'y attenter. Tuer un homme, c'est détruire une créature raisonnable, [l'image divine] ; mais étouffer un bon livre, c'est tuer la raison elle-même, [c'est tuer l'image de Dieu, pour ainsi dire son regard]. Quantité d'hommes [n'ont qu'une vie purement végétative et], pèsent inutilement sur la terre ; mais un livre est l'essence pure et précieuse d'un esprit supérieur ; c'est une sorte de préparation que le génie donne à son âme, afin qu'elle puisse lui survivre. La perte de la vie, quoiqu'irréparable, peut quelquefois n'être pas un grand mal ; mais il est possible qu'une vérité qu'on aura rejetée, ne se représente plus dans la suite des temps [revolutions of ages] et que sa perte entraîne le malheur des nations."

Les excès des évêques donnèrent faveur à la religion de leurs victimes. Les puritains, on l'a vu, rejetaient l'épiscopat comme une institution inconnue aux premiers temps du christianisme ; ils voulaient, dans l'Église, entre les pasteurs, une égalité absolue. Les persécutions de l'épiscopat appelèrent sur eux l'attention et bientôt l'intérêt : leurs doctrines mieux connues se répandirent, et les principes démocratiques qu'ils prétendaient seulement appliquer au gouvernement des consciences, chaque jour commentés et discutés par des esprits passionnés, parurent bientôt applicables à un autre ordre d'idées que les matières religieuses. Grâce à cette faveur que la tyrannie de Laud étendait ainsi à tous les dissidents, quelques sectes, obscures jusque-là, commencèrent à percer et à trouver un crédit que leurs doctrines n'avaient pas encore obtenu. Parmi ces sectes se distinguait déjà celle qui devait être si célèbre sous le nom d'indépendants. Plus logiques que tous les autres protestants, ils allaient au bout de leurs doctrines, et proclamaient le droit absolu de toute réunion de fidèles de régler son culte et sa croyance. Ce fut sur eux surtout que s'acharna la persécution : forcés de se cacher, de vivre souvent dans la solitude, errants, traqués comme des bêtes fauves, tous contractaient au sein de cette vie d'épreuves cette ténacité de conviction et cette âpreté de caractère qui devait plus tard les signaler sur un éclatant théâtre à la sympathie des âmes énergiques. À des croyances dont la pureté était incontestable et qui leur ralliaient déjà plus d'un noble cœur, beaucoup d'entre eux joignaient à une exaltation mystique, nourrie des images de la Bible et des rêveries de la solitude, un enthousiasme contagieux pour les imaginations vives. Là se formait d'avance l'ardent foyer du parti républicain. Les indépendants avaient pour eux la recommandation du martyre : ils eurent aussi celle de la poésie et de l'éloquence ; le plus grand génie de l'Angleterre leur appartenait : c'était John Milton.

Le Parlement. Depuis l'éloignement du roi, il s'était divisé, et la lutte s'était engagée entre les deux partis qui se partageaient la Chambre, les presbytériens, devenus le parti modéré en politique comme en religion, et les indépendants ardents et intrépides sectaires, résolus à affranchir l'État comme l'Église de toute tyrannie. "Tout fidèle est Prêtre, disaient-ils, d'abord pour sa famille, puis pour tous ceux qui écouteront sa parole et la croiront inspirée de Dieu". En politique, ils commençaient à entrevoir à la lutte engagée une solution, devant laquelle reculaient les presbytériens.

Les indépendants avaient pour eux la netteté du but à atteindre et la fermeté de conviction qui fait les victorieux : ils avaient pour eux aussi le talent. Le plus éloquent des publicistes du temps et qui devait en être aussi le plus grand poète. Milton, nous l'avons vu, appartenait à ce parti ; pauvre, presque inconnu, vivant des leçons de littérature qu'il donnait à quelques fines gens, Milton s'était jeté dans la mêlée, entraîné non par l'ambition, mais par la conviction profonde d'une noble tâche à accomplir. Il poursuivait de ses éloquents pamphlets l'intolérance religieuse des presbytériens qui avaient succédé au gouvernement des évêques, également attaqué par lui. Son génie novateur s'attaquait à tout : à l'enseignement des universités encore enfermé dans les habitudes étroites et les subtilités du moyen âge ; à l'indissolubilité du mariage, reste de superstition romaine suivant lui, et devant laquelle il proposait hardiment l'institution du divorce ; enfin, aux nouvelles entraves que le Parlement, dominé par les presbytériens, imposait à la presse. Ce fut là surtout sa gloire, comme publiciste : le premier peut-être en Europe, il eut le courage de proclamer le droit de tout homme, de dire ce qu'il croit juste, utile et vrai ; il eut le mérite de faire justice, il y a deux cents ans, des misérables sophismes dont on poursuit encore la libre expression de la pensée humaine.

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Deux programmes :
Islam et Laïcité

Église Réaliste - 18.12.1994.

Il doit arriver un moment où les islamologues de l'Occident décadent se donnent des airs compréhensifs, et s'annoncent soudain prêts à négocier avec ceux qu'ils nommaient jusque-là les "tueurs fous Allah". La devise des tyrans est en effet : on ne respecte que les forts. Or, les musulmans sont un milliard sur la terre, et le Coran bat tous les records d'édition !

Au départ, l'intellectuel occidental dégénéré, ce dealer en drogue laïque, tonitruait : "Ils utilisent la religion à des fins politiques !" Maintenant que l'affrontement crucial se dessine, l'orientaliste occidental tourne casaque, il finasse et s'écrie : "Mais les ISLAMISTES n'ont pas de programme !" La manœuvre est grossière : il agit de détecter des musulmans "modérés", c'est-à-dire de semer la division au sein de la résistance.

C'est toujours la même insolence de dépravés forcenés, mais couverte cette fois de la ruse du démon. Un peu de pudeur, messieurs de l'Occident en faillite depuis 150 ans ! Depuis la journée mémorable de 24 février 1848, où est apparu le drapeau rouge de la République Sociale Universelle, la féodalité financière dont vous vous faites les larbins s'est muée en bête féroce, enfonçant toujours plus le monde dans la Nouvelle Barbarie (Jahiliya). En effet, c'est simultanément que le régime du sabreur "républicain" Cavaignac brisait Blanqui à Paris et écrasait Abdel Kader à Alger.

Allons donc ! Messieurs les apôtres de la modernité : est-ce que le mot "programme" garde même une signification quelconque dans votre bouche ? Fourbes, eunuques de l'esprit, sachez une bonne fois que nous avons appris à vous connaître !

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À quoi donc ressemble ce que vous qualifiez de "programme", messieurs les laïcs impudents néo-barbares ?

Dans votre idée, ce qui importe par-dessus tout, c'est qu'on ne puisse aborder le fond des choses, le véritable problème, qui est le suivant : la crise civilisée finale, qui s'envenime jour après jour. Tout à l'inverse, selon vos vœux, il nous faudrait bénir cette crise, comme le summum de la tolérance, de la modernité, du libéralisme, de la démocratie, comme le règne achevé du progrès et des droits de l'homme ; ceci dit pour reprendre votre verbiage creux et démagogique. Malheureusement, messieurs, ce refrain nous laisse froids désormais ; à vrai dire il nous fatigue même extrêmement. Car nous sommes payés pour connaître le revers de la médaille ! Nous connaissons les faits révoltants qui se cachent derrière les mots hypocrites et doucereux. La réalité, parlons-en, c'est la fuite en avant vers un ordre décadent parfait : Une sorte de mariage monstrueux de la jungle et de la caserne, d'Al Capone et de Mac Carthy, un camp de concentration planétaire qui serait égayé de bordels. Voila ce qu'il en est, quand on nettoie votre Ordre Mondial de son maquillage poisseux, qui porte la marque "O.N.U", monde libre, État de droit et le reste...

Faut-il donner un exemple de votre programme, concernant les assises du monde ? Selon votre catéchisme, nous subissons "malheureusement" le choc de la crise, avec son cortège de chômage et de détresse. D'où nous vient donc cette crise, que vous nous présentez, comme allant de soi, sous la forme d'une calamité naturelle ? Elle vient, évidemment, de votre politique d'aigrefins despotiques ! Et nous sommes assurés de jouer gagnants en pariant que vous pousserez encore plus fort votre refrain fataliste à mesure que l'on s'avancera dans la guerre des blocs que vous nous préparez. En attendant, vu cette sagesse à la Ponce-Pilate, dont vous imposez la mode en haut lieu, devons-nous nous étonner que 95 % des laïcs - adeptes de la bondieuserie "chrétienne" et fanatiques de la "science" réunis - professent la religion astrologique à titre privé ? D'ailleurs, vous vous montrez clairement très réjouis que les plus mordus du thème astral s'abandonnent au délire de la réincarnation ! Ah, elle est reluisante votre laïcité !

Ensuite, la décadence civilisée étant posée comme indiscutée et indiscutable, vous voudriez que nous prenions en considération la ribambelle lassante de vos "documents" et "prévisions", vos "propositions" et "orientations" ! Que pourrions-nous donc tirer de ce rabâchage de banalités inodores et sans saveur, que recopient sans fin vos "experts", de ce genre de bouillie toute consacrée à empêcher que ça change !

En vérité, nous sommes vaccinés à jamais contre vos gadgets "programmatiques". En y regardant de près, il n'est guère compliqué d'y voir clair dans ce fatras prétentieux. Sous vos ordres, il nous serait simplement permis de "choisir" à quelle sauce nous préférons être mangés à tous les niveaux :

• Comment mieux nous autocensurer spirituellement, philosophiquement, dans la "laïcité" imposée : soit façon cléricale, soit façon "libre-pensée" policière ;

• Comment mieux nous gaver de "culture" dégénérée qui prône, et une "instruction" interdite d'intelligence, et une "science" nécessairement amorale ;

• Comment renforcer la politique en vigueur, celle du scrutin plébiscitaire dans le cadre de l'État-C.R.S. : soit avec des injections subtiles de "proportionnelle", soit avec des "doses" étudiées de référendum ;

• Comment aggraver l'économie parasitaire existante, intensifier le vampirisme de la propriété irresponsable : soit en gonflant la dette publique, soit en chargeant les impôts ;

• Inutile d'évoquer la perspective morbide que vous offrez en matière d'art sadique pour proxénètes et tueurs à gages, et en matière de mystique de sorciers occultistes.

Bravo ! messieurs les islamologues "modernistes", pour votre culot qui consiste à réclamer d'autrui un programme sérieux... Ne comptez surtout pas que nous soyons résignés à nous perdre avec vous, à périr sans broncher dans votre antre du nihilisme spirituel, du cynisme moral, du bureaucratisme politique, et du parasitisme économique !

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De l'autre côté de la barrière de la Nouvelle Barbarie occidentale, le programme de la résistance existe en effet ; c'est celui des ISLAMISTES en l'occurrence.

À la base, ce programme tient en quatre mots : ON NE MARCHE PLUS ! Ce n'est pas grand chose, apparemment, mais c'est effectivement génial, l'illumination libératrice. Les musulmans révolutionnaires disent : on en est revenu de vos propositions-diversions, aussi ridicules que méprisables. Définitivement. Nous ne sommes plus du tout concernés par votre bla‑bla sur les mille et une manières d'"améliorer" la décadence civilisée, dans le sens de la descente aux enfers. Allez-y sans nous, et, s'il le faut, contre nous. "HIJRA !", NOUS ENTRONS EN DISSIDENCE. Ce qui nous accapare désormais totalement, c'est la découverte de notre responsabilité sacrée, celle de tenir tête à la barbarie dominante, l'enrayer et la briser. De cela, vous devriez au fond nous louer, s'il vous restait l'ombre d'une conscience sociale.

Mais non ! Au contraire, les politologues de l'Occident en perdition, ignares et malveillants mêlés, ne peuvent en aucun cas tolérer ce langage. Pour eux, c'est le crime suprême : cesser de jouer le jeu, vendre la mèche, se moquer résolument du mensonge et embrasser ardemment la vérité. D'où fureur et hystérie de nos charlatans académiques, "géopoliticiens" radoteurs, qui trônent à New York, à Genève ou à Bruxelles.

Raisonnons deux secondes, cependant. Est-ce que la dissidence islamique a quoi que ce soit qui puisse surprendre ? Pas le moins du monde ; c'est tout bonnement un prêté pour un rendu. Les maîtres et puissances du Système en place, malgré leur devise "après nous le déluge", n'étaient-elles pas censées savoir que ça finirait par casser ? C'est tout simplement ce qui se passe. Rafraîchissons les mémoires. La Nouvelle Barbarie se "perfectionne" par bonds dramatiques depuis 150 ans. Elle est parvenue de nos jours à son point culminant, depuis la toute dernière expérience qui nous fut infligée depuis 1945. En effet, depuis lors, on a fait, au Sud l'expérience catastrophique des fausses Indépendances des colonies ; parallèlement, on a fait à l'Ouest l'expérience épouvantable de la fausse Sécurité Sociale, octroyée aux ménages salariés (décrétés former les "classes dangereuses" depuis les Quaranthuitards). Cela ne portait-il pas les choses à leur comble ? Mais vouloir raisonner un Mitterrand, c'est vouloir apprivoiser un Néron ou un Borgia ! Allons donc notre route, celle de la guerre sainte contre la Nouvelle Barbarie, et laissons les monstres expirer dans leur fange.

 

L'Islamisme - il faut insister sur ce point - ne fait strictement que prendre au mot le message de la civilisation, de la façon la plus fraîchement enfantine. Il se limite à proclamer sans ambiguïté : aux grands maux les grands remèdes ; face à la crise civilisée générale, révolution civilisée radicale ; l'appel au peuple est à l'ordre du jour, c'est-à-dire la mobilisation de la masse des manuels et des exploités. Ce n'est pas autrement que l'on a hissé, par degrés, la civilisation jusqu'à son sommet moderne ; nous-mêmes en avons donné le dernier exemple en 1789. Le programme des islamistes ? C'est celui de vos ancêtres, messieurs les orientalistes dégénérés, ancêtres que vous insultez allègrement, dans vos campagnes de calomnies perfides contre l'islam militant. Pour qui conserve une goutte de sang de sans-culotte dans les veines, le programme islamiste est tout ce qu'il y a de plus élémentaire, puisque ses mots d'ordre sont : Vive le Dieu bon ! Vive le Savoir prométhéen ! Vive le Droit juste ! Vive la propriété équitable !

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Arrivés à ce point, on pourrait penser que tout est dit. C'est mal connaître l'intellectuel roué et haineux de l'Occident. Il a la parade, comme toujours, du moins le pense-t-il ; car nous sommes bien décidés à trancher toutes les têtes de cette hydre vénéneuse, autant qu'il lui en poussera. Comment donc, cette fois, compte-t-on circonvenir l'opinion du peuple bon-enfant ? L'Occident a obscurément conscience que l'ordre civilisé est irrévocablement périmé. Les maîtres à penser qui lui sont prostitués se risquent donc, en dernier recours, à jouer aux affranchis et ils vomissent leur dernière trouvaille dans les termes suivants : soyez réalistes, pauvres cervelles de civilisés naïfs et attardés ; la Religion, la Science, l'État, la Famille, mais voyons ! cela ne tient plus la route, c'est du moyen-âge ! Ignorez-vous donc que tout cela traîne avec soi le fanatisme et les tueries, les croisades et l'inquisition, la guillotine et la retraite de Russie ? La civilisation, très chers électeurs, c'était la préhistoire ! Pauvres fous, résignez-vous à la dictature mondiale la plus sévère des légionnaires en casques bleus, sinon c'est le chaos... Bref, ces âmes corrompues et envahies par le vice répondent à l'agonie civilisée par l'apologie du néant ! C'est le discours du Parti de l'Ordre parisien de Juin 1848 propagé aujourd'hui sur la planète entière par radio-O.N.U.

Incurables démons que vous êtes, messieurs les "judéo-chrétiens", pharisiens achevés qui posez à l'occasion en protecteurs attitrés de la "religion du livre" ! Nous vous démasquerons jusqu'au bout. Il ne vous suffit pas de ruiner l'héritage civilisé, d'en ronger la mœlle, tout en menaçant de vos dogues, type gendarmes-mobiles et parachutistes, quiconque oserait troubler votre banquet de cannibales, quiconque voudrait se dévouer à tourner la page de la Préhistoire. Il faut encore que vous nous donniez de la civilisation une image conforme à votre ordre satanique. Cessez donc de rêver éveillés en pensant pouvoir pétrifier l'histoire, paralyser le peuple mondial par votre chantage suicidaire. Laissez-nous apprendre par nous-mêmes à dépasser l'horizon étroit de la civilisation, celui de la Propriété et de l'État, pour aller fonder "de nouveaux cieux et une nouvelle terre", le Salaire Gratuit et le Gouvernement Mondial, dans le feu même du combat que nous engageons pour sauver le dépôt précieux de nos pères, Socrate, St Paul et Luther. Nous, combattants du peuple, vous ne nous ferez pas jeter le bébé de la civilisation avec l'eau sale du bain de la préhistoire dans laquelle il s'ébattait.

L'Occident décadent, ce colosse aux pieds d'argile, n'a que deux atouts : l'argent et les armes. Corruption et répression résument toute sa sagesse. Cependant, les deux instruments qui sont en sa main, le pot-de-vin et la matraque, ne sont en eux-mêmes que le fruit du labeur du peuple mondial, qu'on retourne contre lui-même. C'est pourquoi, finalement, il est tout aussi impossible de fusiller tout le monde que de soudoyer à tout va ! Ce serait tuer la poule aux œufs d'or. Et la multitude peut très bien ressaisir la force qu'on lui subtilise pour l'écraser. Pour cela elle détient les ressources magiques nécessaires : L'intelligence et le nombre, qui n'attendent qu'à se muer en feu de l'idéal et en roc de la solidarité. Et qui doit l'emporter, dans le défi lancé au mercenaire qui plastronne par la foule dressée dans la dignité ?

 

Le programme des "islamistes", comme disent les imbéciles, pour marginaliser dans l'exotisme arabe le militant musulman, c'est en vérité le programme des croyants tout court. Tant pis pour ceux qui choisissent de se livrer au Diable contre Dieu, sous le nom de "laïcs" !

Arrière donc, fanatiques de la laïcité moribonde !

La lumière vivante de la foi civilisatrice
ne peut qu'aveugler et consumer
ceux qu'elle n'Éclaire pas !

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Le Grand Guignol

Allons forgeons l'homme pensant,
Sans dogme, sans superstition.
Matière est mère et nous enfants,
L'Esprit est père, nous recréons.
Le Peuple en a assez,
De tous les préjugés !

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"Laïcité" c'est le faux nez,
Des païens suppôts de Satan.
Cléricaux et "Libre-pensée",
C'est blanc-bonnet et bonnet-blanc
Le Peuple en a assez,
Brûlons du feu sacré !

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Tous les partis avaient promis,
La liberté, celle des banquiers.
Tous les partis avaient promis,
Des marchands d'armes, l'égalité.
Le Peuple en a assez,
C'est eux les étrangers !

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Ils avaient dit : trompons les gens,
À droite les gros insolents.
Ils avaient dit : c'est des enfants,
À gauche les caméléons.
Le Peuple en a assez,
Les voilà démasqués !

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On nous vantait le Capital,
L'état-patron, les trafiquants.
Fallait rester, c'était normal,
Méprisés et troupeau mendiant.
Le Peuple en a assez,
Faisons-nous Associés !

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Les syndicats, faux mécontents,
C'était bla-bla et division.
Ils prétendaient : "on vous défend",
C'était chantage et diversion.
Le Peuple en a assez,
Vive nos délégués !

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Le "beau sexe" est dans de sales draps :
Troupeau baisable à satiété !
Gros porc est roi, sonne le glas
De feu pondeuse d'héritiers...
Le Peuple en a assez,
Guerre à Bestialité !

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Il fallait être corrompus,
Autrement c'était la prison.
Être intégrés, c'était vaincus,
Autrement gare à la Légion.
Le Peuple en a assez,
Courrons les désarmer !

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Oh ! le système a un malaise ?
On trouvait un grand Ennemi.
Mais faut récrire la Marseillaise,
Finissons-en des colonies.
Le Peuple en a assez,
Noirs, blancs, tous fédérés !

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De préhistoire, tournons la page !
Du Peuple-roi à l'Homme-total,
Force Féconde et bel Ouvrage
Enfin amis, c'est le signal !
Réel est défriché...
L'écologie semée !

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Refrain :

À bas le grand guignol,
Plus d'illusions, il est grand temps,
À bas le grand guignol,
Faisons l'union en combattant !

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Oui on est là,
C'est comme ça, fallait pas,
Mettre en colère le populaire !
Ah, ça plait pas, tant mieux, va !
Que les Barbares aillent en Enfer !

Église Réaliste

Les couplets et la première partie du refrain se chantent sur l'air de la Carmagnole ; la deuxième partie du refrain sur l'air du ça-ira ! La Carmagnole a été la chanson la plus populaire de la Révolution française. Elle date de 1792 : convocation de la Convention et emprisonnement du roi. Mais depuis, elle a reparu à toutes les périodes révolutionnaires du XIXème siècle, en 1830 comme en 1848 et 1871, avec de nouveaux couplets à chaque fois. Le ça-ira est à l'origine une chanson bien distincte, mais qu'on a l'habitude de chanter comme refrain de la Carmagnole.

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Nous sommes en
démocratie laïque

Le droit de croire et de ne pas croire…

Triomphe de la Laïcité tolérante

Il est débusqué, le Léviathan laïque
Travesti en colombe Tolérante !



[1] Cesare Lombroso (1836-1909) : criminaliste italien, archi-célèbre à son époque. En 1896, il écrit à propos de la femme "normale": "L'amour chez les femmes n'est pas autre chose au fond qu'une face secondaire de la maternité. La femme est naturellement et organiquement monogame et frigide. Le grain de beauté doit s'ajouter aux caractères de dégénérescence de la femme. La femme sent moins que l'homme, de même qu'elle pense moins. Ceci étant, ce dont il faut s'étonner, c'est que la femme ne soit pas encore moins intelligente qu'elle ne l'est".

[2] Gustave Le Bon dans "L'évolution actuelle du monde", p. 251, rapporte les paroles suivantes prononcées à la tribune de notre Parlement par un Chef du socialisme : "Quand on vient nous dire : "Vous êtes une église", on ne nous offense pas... Nous sommes une catholicité. Nous aussi nous prétendons à la domination spirituelle. Nous aussi créons quelque chose qui ressemble à une foi. Nous aussi comme l'Eglise catholique, avons l'orgueil d'envisager les événements et les choses sub specie aeternitatis. Le rôle de l'arbitrage entre les nations n'est plus réalisable pour l'Église ; c'est nous, le socialisme, qui le revendiquons ; c'est à cette succession spirituelle que nous prétendons".

[3] P.J. Proudhon (1809-1865) : "Anarchiste" !

[4] Cette page citée dans plusieurs ouvrages se compose en réalité, d'après les recherches de M. G. Sorel (G. Sorel (1847-1922) : "Syndicaliste-révolutionnaire"!) de morceaux empruntés à diverses publications de Proudhon réunis en un seul texte. Elle aurait été publiée pour la première fois dans le Journal des Débat.

[5] H. Spencer (1820-1903) : "Positiviste-Darwinien-Individualiste"!

[6] Le Héros hellène met à mort le Dragon primitif. Il ouvre un sillon et y sème les dents du monstre, dont naissent des guerriers qui s'exterminent mutuellement pour la plupart. Cf. Ovide : Métamorphoses.

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Avertissement :

Nous vous rappelons que nous vivons en pays occupé :

"Les murs ont des oreilles...".