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Document – Histoire du Mouvement Syndical en France

Encyclopédie socialiste de l’internationale ouvrière

Compère-Morel – 1913

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Chapitre 1er :

Le mouvement syndical en France
 de 1789 à 1884

Sommaire :

• 1- Les Associations de métier et la Révolution.

• 2- Le régime napoléonien.

• 3- La Restauration et la Monarchie de Juillet.

• 4- La Révolution de 1848.

• 5- Le second Empire.

• 6- La troisième République avant la loi de 1884.

• 7- La loi de 1884.

• Annexes – Circulaire de Waldeck-Rousseau relative à l’application de la Loi sur les Syndicats professionnels.

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1Les Associations de métier et la Révolution

Il y a loin du Compagnonnage au Syndicalisme et des corporations du 18ème siècle aux syndicats de notre temps. C’est pourtant dans les associations de métier de l’Ancien Régime qu’il faut chercher les premières manifestations de la cohésion ouvrière. Elles se présentaient d’ailleurs avec de tels caractères qu’elles devaient disparaître avec la Révolution. La grande industrie, en effet, ne pouvait pas s’accommoder des obstacles que leurs droits mettaient à son développement. Toute entrave apportée au libre jeu de la concurrence était une entrave à la grande industrie. Or, les corporations avaient le privilège de la production de certaines marchandises ; elles pouvaient, en outre, pour assurer à leurs membres de meilleures conditions de travail, limiter arbitrairement le nombre des ouvriers de tel ou tel métier, c’est-à-dire gêner le capital dans son achat de la force de travail.

Aussi les privilèges que les corporations avaient lentement acquis disparurent-ils avec ceux de la noblesse et du clergé. La nuit du 4 août sanctionna leur ruine.

Si les ouvriers perdaient ainsi les privilèges que les corporations n’assuraient d’ailleurs qu’à certains d’entre eux, au moins gardaient-ils, comme tous les citoyens français, le droit de se concerter et de se réunir,. “L’Assemblée Nationale – dit le décret du 21 août 1790 – déclare que les citoyens ont le droit de s’assembler paisiblement et de former entre eux des Sociétés libres, à la charge d’observer les lois qui régissent tous les citoyens.” Ce droit lui-même n’allait pas durer longtemps. Dès le 23 août 1791, un arrêté de la Commune de Paris essayait de limiter le droit de coalition ouvrière et, deux mois après, l’Assemblée Constituante, sur la proposition de Le Chapelier, prohiba toute association entre gens de même métier.

L’anéantissement de toutes les espèces de corporations de citoyens de même état et profession étant une des bases fondamentales de la Constitution française, il est défendu de les rétablir de fait, sous quelque prétexte et quelque forme que ce soit.

Les citoyens de même état ou profession, les entrepreneurs, ceux qui ont boutique ouverte, les ouvriers et compagnons d’un art quelconque ne pourront, lorsqu’ils se trouveront ensemble, se nommer ni président, ni secrétaire, ni syndic, tenir des registres, prendre des arrêtés ou délibérations, former des règlements sur leurs prétendus intérêts communs.

Si des citoyens attachés aux mêmes professions, arts et métiers, établissent entre eux un accord pour le prix de leurs travaux, leurs délibérations seront déclarées anti-constitutionnelles, attentatoires à la liberté et à la déclaration des Droits de l’Homme.

(Décret des 14-17 juin 1791.)

Il ne peut donc pas exister dans le corps social d’autre intérêt collectif que l’intérêt de l’État, et toute manifestation d’un intérêt semblable serait sévèrement réprimée. L’ouvrier est condamné à rester dans l’isolement; le capital ne trouvera en face de lui qu’une classe ouvrière dispersée.

Exception fut faite cependant pour quelques Associations de mutualité professionnelle, qui ou bien dataient de l’Ancien régime comme la vieille Société de Sainte-Anne (menuisiers), celle des Amis de l’Humanité (imprimeurs), celle des menuisiers en meubles, ou bien se constituèrent pendant les années de tourmente révolutionnaire et sous le Directoire : tanneurs et mégissiers, déchargeurs de fer du port de Paris, orfèvres, manœuvres de chantiers, forts des halles, fariniers.

2- Le régime napoléonien

Le Consulat et l’Empire aggravèrent les dispositions législatives de 1791.

Ce fut d’abord l’institution du livret ouvrier par la loi du 22 germinal an XI et les arrêtés du 9 frimaire et du 1o ventôse an XII. Tout ouvrier doit être pourvu d’un carnet spécial dont chaque page sera cotée et paraphée par un commissaire de police à Paris, Lyon et Marseille, ailleurs par le maire de l’endroit. Le patron peut exiger le dépôt du livret. Il y inscrit les acomptes versés à l’ouvrier. S’il embauche un ouvrier dont le livret ne porte pas la mention “congé” de la main du patron précédent, il doit répondre à ce dernier des engagements de l’ouvrier.

Le Code civil décidait en outre (article 1781) qu’en cas de contestation entre un patron et un ouvrier touchant le taux des salaires, leur paiement et le montant des acomptes le patron serait cru sur simple affirmation, tandis que l’ouvrier serait tenu de faire la preuve. Les articles 291-294 reprenaient avec plus de rigueur les dispositions du décret des 14-17 juin 1791 et édictaient des pénalités contre toutes les Associations, quels qu’en soient le but et la nature.

Enfin, le Code pénal de 181o exagérait encore cette inégalité de traitement des patrons et des ouvriers prévue par l’article 1781 du Code civil. Les coalitions patronales sont punies avec beaucoup moins de sévérité que les coalitions ouvrières.

Art. 414 – Toute coalition entre ceux qui font travailler des ouvriers tendant à forcer injustement et abusivement l’abaissement des salaires suivie d’une tentative ou d’un commencement d’exécution, sera punie d’un emprisonnement de six jours à un mois et d’une amende de deux cents francs à trois mille francs.

Art. 415 – Toute coalition de la part des ouvriers pour faire cesser en même temps de travailler, interdire le travail dans un atelier, empêcher de s’y rendre ou d’y rester avant ou après de certaines heures, et en général pour suspendre, empêcher, enchérir les travaux, s’il y a eu tentative ou commencement d’exécution, sera punie d’un emprisonnement d’un mois au moins et de trois mois au plus. Les chefs ou moteurs seront punis d’un emprisonnement de deux à cinq ans.

Art. 416 – Seront aussi punis de la peine portée à l’article précédent, et d’après les mêmes distinctions, les ouvriers qui auront prononcé des amendes, des défenses, des interdictions ou toutes prescriptions sous le nom de damnations on sous quelque qualification que ce puisse être, soit contre les directeurs d’ateliers et entrepreneurs d’ouvrages, soit les uns contre les autres. Dans le cas du présent article et dans celui du précèdent, les chefs ou moteurs du délit pourront, après l’expiration de leur peine, être mis sous la surveillance de la haute police pendant deux ans au moins et cinq ans au plus.

Pendant les premières années du régime napoléonien, les Associations de mutualité professionnelle jouirent de la même tolérance que sous la Convention et le Directoire. C’est donc sous cette forme que continua de se manifester le besoin de cohésion ouvrière. Non seulement les Associations mutuelles antérieurement existantes continuèrent de prospérer, mais encore s’en créa-t-il de nouvelles : peigneurs de chanvre de Paris, gantiers de Grenoble, cordonniers de Paris, tailleurs de pierre, tanneurs, drapiers, serruriers, tisserands.

Bientôt l’attention du Gouvernement fut attirée sur ces Sociétés mutuelles chaque jour plus nombreuses. Il rappelle que ces groupements ne doivent pas demeurer dans les limites d’une profession, sous peine de tomber sous le coup des lois détruisant les corporations. Quelques condamnations sont prononcées. Elles troublèrent un moment la classe ouvrière dans son travail d’organisation mutualiste ; elles n’en arrêtèrent pas l’élan.

3- La Restauration et la Monarchie de Juillet

Rien, sous la Restauration, ne fut changé aux mesures législatives édictées sous l’Empire ; rien non plus à l’attitude du Gouvernement à l’égard de la classe ouvrière. Celle-ci continue donc de créer des mutualités nouvelles et de faire vivre les mutualités déjà existantes.

Le nombre des ouvriers ainsi groupés demeure cependant peu considérable. Si, en 1823, les imprimeurs de Paris comptent 30 Associations mutuelles avec 2 617 membres, Paris tout entier n’a que 32 mutualités professionnelles avec 11 000 adhérents. La province suit Paris d’assez loin. D’une façon générale les effectifs des mutualités restent faibles : c’est ainsi que la mutualité des boulangers de Paris, fondée en 1820, n’a jamais dépassé le chiffre de 150 membres, et que le nombre des adhérents à la mutuelle des charpentiers de Paris est restreint à 100.

Voici quelques exemples de fonctionnement de ces Associations. La mutualité des plombiers et zingueurs, en échange d’un versement mensuel de 2 francs, donne des indemnités quotidiennes de maladie de 1 à 2 francs, des indemnités de décès de 200 francs et des pensions annuelles de 100 francs. Chez les boulangers de Paris, on verse 25 francs en entrant et 6o francs par an; en cas de maladie on reçoit 2 francs par jour. Chez les ferblantiers de Paris, le droit d’entrée est de 6 francs et la cotisation annuelle de 25 francs ; le secours de maladie est de 2 francs par jour, le secours de chômage de 1 franc à 1 fr. 50, et le secours d’attente aux provinciaux arrivant à Paris de 1 franc par jour pendant deux semaines.

Sous la Monarchie de Juillet, on voit apparaître une forme nouvelle de l’organisation de la classe ouvrière ; la “résistance”, qui correspond à une attitude de combat tout à fait étrangère à la mutualité.

Il faut chercher la cause principale de cet éveil du prolétariat dans le mouvement de brusque dépression des salaires qui marqua les premières années de la Monarchie de juillet. Les canuts de Lyon, par exemple, virent leurs salaires tomber de 4 et 6 francs pour 13 heures de travail, à 1 fr. 25 et même 0 fr. 9o pour 18 heures ; dans les mines de la Compagnie d’Anzin les salaires tombèrent au-dessous de 2 francs avec une réduction de 20 pour 100. Aussi de nombreuses grèves éclatent-elles de tous côtés. C’est, en 1833, celle des ouvriers céramistes de Limoges ; en 1833, 1837, 1839, 184o, celles des maçons ; en 1834, celle des bijoutiers ; en 1832, 1833 et 1836, celles des charpentiers de Paris ; en 1833, celles des menuisiers de Caen, des tailleurs du Mans, des cordonniers de Paris, des charrons de Lyon ; c’est enfin surtout les grandes grèves des canuts de Lyon en 1831 et des mineurs de Rive-de-Gier en 1844, qui se transformèrent en mouvements insurrectionnels.

Le Gouvernement modifie la législation pour la rendre plus rigoureuse : les sanctions pénales sont aggravées. Les poursuites contre les Sociétés ouvrières deviennent plus nombreuses.

Aux rigueurs de la loi et aux persécutions gouvernementales la classe ouvrière répond en substituant aux impuissantes Sociétés de secours mutuels des organismes de combat, à l’aide desquels elle se dresse pour la première fois d’une façon systématique et consciente contre la classe patronale et le Gouvernement. Il ne s’agit plus seulement de prévoir la maladie, le chômage et la mort et d’en prévenir les effets par la mise en commun des risques ; il s’agit de lutter contre l’abaissement des salaires, la longue durée de la journée de travail, les mauvaises conditions du travail dans les usines, chantiers et manufactures, l’égoïsme du patronat, la brutalité des agents du pouvoir. C’est à ces besoins nouveaux que répondent les “résistances”.

Pour ne pas être poursuivis et dissous dès leur constitution, ces groupements se font passer pour d’inoffensives mutualités ; quelques-uns recourent à la pratique du secret, chère aux compagnonnages de l’Ancien Régime et que le carbonarisme remet à la mode, ou même restent entièrement clandestins.

Le Devoir mutuel de Lyon est l’une des plus connues de ces “résistances” à cause de son grand rôle dans le mouvement insurrectionnel lyonnais. Elle était divisée en un certain nombre de Loges centrales et chacune de ces dernières était divisée à son tour en Loges de degré inférieur. Un Comité exécutif dirigeait l’action de la Société. On n’entrait au Devoir qu’après avoir promis le secret et établi qu’on était de bonnes mœurs. Les mots de reconnaissance et de passe y étaient en usage.

Moins conspirative et plus mutualiste fut la “résistance” des ouvriers ferrandiniers de Saint-Étienne. Elle possédait une caisse de chômage alimentée par un droit d’entrée fixé à 1o francs et qui inquiéta assez le Gouvernement pour qu’il en demandât la disparition.

Ainsi se groupèrent de 183o à 1848 un assez grand nombre d’ouvriers : typographes parisiens 13, maçons parisiens, tisserands roubaisiens, mécaniciens des chemins de fer, lithographes lyonnais, ferblantiers.

4- La Révolution de 1848

Les groupements ouvriers prirent en 1848 une ampleur inattendue. La diffusion des doctrines socialistes dans les dernières années de la Monarchie de Juillet, la chute des salaires ouvriers, l’accroissement de l’armée du travail par suite de la désertion des campagnes, l’intérêt d’un conflit politique où la démocratie essayait de se débarrasser de ses dernières entraves, devaient déterminer cette première grande intervention du prolétariat moderne dans l’histoire. Pour la première fois, le capital et le travail se dressent en face l’un de l’autre ; mais comme cette opposition se manifeste dans des cadres politiques encore peu évolués, le prolétariat y jouera son rôle sans avoir une conscience suffisamment nette de la signification du conflit. Le problème économique de l’émancipation de la production ne se séparera pas, pour lui, du problème politique de l’avènement de la démocratie. Il mettra son espoir dans une forme de Gouvernement et s’imaginera avoir fait une révolution sociale parce qu’il aura proclamé la République.

Quand il s’essaiera à une organisation nouvelle de la production, il se contentera d’y faire un décalque de l’organisation politique démocratique : il fera surtout de la coopération.

Mais si les Sociétés coopératives absorbent, en 1848, la plus grande part de l’action ouvrière, cela ne signifie pas que les formes du groupement ouvrier antérieurement mises en pratique cessent d’exister et de se développer. Au contraire. Des mutualités nouvelles se créent un peu partout et les “résistances” se multiplient. Citons parmi ces dernières l’Association des travailleurs de chemins de fer qui groupa 2 000 ouvriers dès sa première année d’existence et toucha 17 500 francs de cotisations.

Les lois interdisant les Associations professionnelles ne furent naturellement pas appliquées par le Gouvernement Provisoire. Le décret du 29 février 1848 proclama la liberté d’association et le Gouvernement reconnut “que les ouvriers doivent s’associer entre eux pour jouir du bénéfice de leur travail”.

Cette liberté n’allait pas durer longtemps. L’écrasement de la classe ouvrière par les armes se prolongea dans une série de mesures destinées à la maintenir en tutelle et à la priver des forces qu’engendre l’organisation. La loi du 22 juin 1849 donne au Gouvernement le droit de poursuivre toutes réunions et groupements qui lui semblent de nature à troubler la paix publique. La loi des 11 octobre, 17 et 29 novembre 1849 rétablit, il est vrai, devant le Code pénal, l’égalité entre le patron et l’ouvrier en ce qui concerne les coalitions, mais proclame par là-même à nouveau le caractère délictueux des coalitions professionnelles 14. Enfin les pouvoirs donnés au Gouvernement par la loi du 22 juin 1849 sont renouvelés en 185o et 1851.

À la veille du coup d’État, les Associations ouvrières, un moment si libres et si florissantes, se trouvent donc désorganisées et impuissantes, livrées sans défense aux pires coups de la plus acharnée des persécutions : la bourgeoisie se venge de la peur qu’elle éprouva devant les colères de la classe prolétarienne. Les poursuites exercées sur tout le territoire contre les mutualités ouvrières et les “résistances” sont des représailles ; et la bourgeoisie craint tellement que sa vengeance ne soit ni assez prompte ni assez dure qu’elle n’hésite pas, dans certains cas, à substituer la justice militaire à la justice civile en matière d’association.

À la fin de 1851, c’est de nouveau, pour la classe ouvrière, l’isolement et la dispersion.

5- Le second Empire

Le mouvement d’organisation de la classe ouvrière pouvait être un moment enrayé par un coup de force ; il ne pouvait pas cesser sans retour. Il est en effet le produit de l’ordre même contre lequel il se dresse. Les progrès du capitalisme, en accroissant la classe ouvrière et en perfectionnant l’organisation de la production, développent les désirs d’émancipation et de lutte du prolétariat et lui suggèrent les cadres même de son groupement. Le paradoxe, tant souhaité par la bourgeoisie, d’un capitalisme puissant à côté d’une classe ouvrière faible et dispersée peut se réaliser pour un instant à quelque détour de l’histoire ; ce n’est que pour un instant : l’évolution normale des forces sociales redevient vite la règle.

C’est ce qui se produisit au lendemain du coup d’État. Le nombre et la rigueur des poursuites gouvernementales contre les groupements ouvriers contraignit plus d’une fois le prolétariat à cacher le vrai but de ses Associations. Maint groupement de résistance active dissimula son vrai caractère sous le masque d’une inoffensive mutualité ; mais bientôt on ne se cacha plus et les Associations ouvrières surgirent de tous côtés.

Le Gouvernement, qui d’abord usa de violence, essaya de faire dévier le mouvement en l’aiguillant sur les banques populaires et les Sociétés coopératives. La tentative ne réussit pas : la classe ouvrière ne refusa pas les formes d’activité dont on lui suggérait l’exercice, mais elle n’abandonna pas le groupement professionnel. Elle s’attacha même tout particulièrement à ce dernier après le voyage qu’une délégation ouvrière fit, en 1862, à l’exposition de Londres, avec l’appui du Gouvernement : le spectacle de l’organisation ouvrière anglaise avait vivement frappé les ouvriers français qui, à leur retour, réclamèrent la liberté d’association professionnelle. Ils ne devaient pas l’obtenir de l’Empire.

Celui-ci apporta cependant une très importante modification aux dispositions législatives concernant la classe ouvrière, par la loi des 25-27 mai 1864. Cette loi reconnaît le droit de coalition et de grève. Cette reconnaissance était certes plus théorique qu’effective, mais elle avait le grand intérêt de faire éclater la nécessité de remanier les textes de loi concernant les Associations. En effet, les sanctions pénales de l’article 416 se trouvaient seulement réduites, non supprimées. Ainsi l’abandon concerté du travail par un nombre quelconque de salariés n’avait plus aucun caractère délictueux ; mais le droit de s’associer pour se concerter sur l’abandon ou la reprise du travail continuait d’être refusé : le second Empire avait redonné toute sa vigueur à la loi de 1834.

Telles sont les étranges conditions législatives – et la contradiction ne cessera qu’en 1884 – dans lesquelles s’est poursuivi le mouvement de cohésion ouvrière sous Napoléon III. Il fut constant et irrésistible, gagnant peu à peu un nombre considérable de corporations, et substituant peu à peu aux mutualités et aux résistances le Syndicat ouvrier proprement dit. C’est en effet pendant cette période que l’on voit apparaître, nettement différenciée et avec les caractères essentiels que nous lui connaissons aujourd’hui, cette forme de l’organisation prolétarienne.

Quelques faits montreront les caractères et l’importance du mouvement. La Société mutuelle des typographes parisiens compte 1 600 membres en 1862 et 2 500 en 1866 ; elle se transforme en Chambre syndicale en 1867 avec 2 131 adhérents. Les lithographes se constituent en Société de Résistance en 1863 en vue d’élaborer un tarif ; ils sont 400 en 1865 et réclament au patronat l’application de leur projet de contrat collectif ; ils échouent, se mettent en grève et y gagnent 800 nouvelles adhésions. Les tailleurs parisiens se groupent en vue de l’assurance mutuelle contre la vieillesse et le chômage, de l’organisation de l’apprentissage et de la réglementation du travail ; leur Chambre syndicale, qui ne dure que deux ans (1867-1869), groupe 500 membres payant une cotisation hebdomadaire de 0 fr. 50. Les ferblantiers adhérents à une Société de résistance formée en 1865 et qui demandait avant tout la réduction de la journée à 10 heures, sont, un moment, plus de 1 000 et leur encaisse dépasse 11 600 francs. Le Syndicat des ouvriers du meuble sculpté (1867-1870) compte 200 membres. Les mécaniciens (1868) passent de 500 adhérents en 1869, à 5 000 en 1870. La Chambre syndicale des tailleurs a plus de 500 affiliations ; celle des chapeliers, 600. Les ouvriers en instruments de précision, ceux du bâtiment et les cordonniers parisiens semblent, dans leurs Syndicats respectifs, se préoccuper surtout de leur instruction professionnelle. Mais certains groupements, plus audacieux, prévoient expressément les conflits aigus avec la classe patronale et essaient de ne pas s’y trouver désarmés.

Indiquons enfin – et rien ne montrera mieux les progrès faits dans la classe ouvrière par le sentiment de la nécessité de se grouper en vue du combat – certaines tentatives de coordination supérieure de l’action syndicale par la création d’organismes fédératifs. C’est ainsi que la Chambre syndicale des chapeliers parisiens, créée en 1869, fut empêchée par la guerre de réaliser la Fédération de tous les Syndicats de chapeliers de France. De même les ouvriers du bronze à Paris (6 000 membres en 1869) ont l’idée de grouper toutes les Sociétés ouvrières professionnelles de Paris et rédigent les statuts de cette organisation nouvelle.

Le mouvement ouvrier se trouve donc, à la veille de la guerre, en possession d’une organisation relativement puissante. C’est que de nombreuses grèves l’ont aguerri. Les dernières années du second Empire ont été marquées, en effet, par de très nombreuses coalitions. La brutalité avec laquelle le Gouvernement fit respecter la “liberté du travail” eut pour effet de discréditer, dans de nombreuses Chambres syndicales, la timidité de l’attitude et la modestie des prétentions. Et ainsi l’audace de la classe ouvrière augmentait en même temps que son organisation.

6- La troisième République avant la loi de 1884

Après la guerre et la Commune, le mouvement syndical se poursuit et s’accentue. Il se propage rapidement dans les corporations jusque-là réfractaires à l’organisation de la classe ouvrière sur le terrain économique. Mais ce qui la caractérise, mieux encore que son extension, c’est d’une part la réalisation de l’idée fédérative, d’autre part l’apparition des Congrès ouvriers.

A- Premières Fédérations

Nous avons vu que l’idée d’un groupement des Syndicats au sein d’organismes plus amples s’était déjà fait jour à la fin du second Empire, mais n’avait pas pu se réaliser. La Chambre syndicale des chapeliers parisiens qui avait, dès avant la guerre, son projet de Fédération, le mit à exécution en 1879 ; 21 Syndicats adhéraient, l’année suivante, à cette “Société générale” ; elle comptait plus de 4 000 membres en 1882.

Les charpentiers avaient devancé les chapeliers et créé leur Fédération en 1876.

En 1883, au Congrès de Saint-Étienne, les mineurs fédéraient 11 Syndicats ; l’intention de rendre plus cohérente et plus décisive l’action syndicale en matière de relèvement de salaire était nettement formulée dans les statuts de la nouvelle organisation.

C’est aussi en 1883 que les mouleurs se fédérèrent. Ils avaient été devancés par les typographes qui, au Congrès de Paris de 1881, jetèrent les bases d’une Fédération qui fonctionna quelques mois après et comptait 6 000 membres l’année suivante.

Un effort fait en 1882 pour constituer une Fédération des Syndicats ouvriers de la voiture avait échoué.

Enfin, en 1884, se constituèrent la Fédération lithographique et la Fédération culinaire.

B- Les délégations

L’idée des Congrès ouvriers a sa source dans les délégations ouvrières. En 1849, la Chambre de commerce de Lyon avait envoyé 12 contremaîtres et ouvriers visiter l’Exposition industrielle. En 1851, le Conseil municipal de Paris accordait une subvention à 8o ouvriers envoyés par leurs patrons à l’Exposition internationale de Londres. Nous avons dit en passant que Napoléon III vit d’un bon œil l’envoi d’une délégation ouvrière à Londres. La Commission d’organisation de la quatrième Exposition internationale de Paris, en 1867, décida d’aider à la formation de délégations ouvrières. Ce concours fut accepté à Paris par 125 corps de métier ; quelques-uns le refusèrent et indemnisèrent eux-mêmes et entièrement leurs délégués. En 1873, le député Tolain demande à l’Assemblée nationale une allocation de 100 000 francs pour permettre aux ouvriers parisiens d’envoyer une délégation à l’Exposition internationale de Vienne ; la proposition est repoussée ; mais une souscription réunit 80 000 francs en quelques semaines et la délégation est constituée. En 1875, la Chambre des députés et le Conseil municipal de Paris votent chacun 50 000 francs pour permettre l’envoi d’une délégation à l’Exposition de Philadelphie.

L’année suivante se tenait le premier Congrès ouvrier français.

C- Le Congrès de Paris

Il s’ouvrit à Paris le 2 octobre 1876. Y étaient représentés : 76 groupements professionnels de Paris, 16 de province et les Unions de Lyon et de Bordeaux. Son ordre du jour portait les questions suivantes :

1° Le travail des femmes ;

2° Les Chambres syndicales ;

3° Les Conseils des prud’hommes ;

4° L’apprentissage et l’enseignement professionnel ;

5° La représentation directe du prolétariat au Parlement ;

6° Les Associations coopératives de production, de consommation et de crédit ;

7° Les caisses de retraite, d’assurances et des invalides du travail ;

8° L’Association agricole et l’utilité des rapports entre les travailleurs industriels.

Les débats furent pleins de calme. À peine s’animèrent-ils un peu quand ils portèrent sur le projet de loi Lockroy sur les Syndicats.

Deux préoccupations semblèrent dominer ce premier Congrès : celle de garder le mouvement corporatif de tout contact avec les partis politiques 15 et celle de ne pas se départir d’un timide réformisme. La modération de ses prétentions fut telle que la presse bourgeoise ne tarit pas d’éloges sur son compte, tandis que les Communeux de Londres l’attaquaient violemment.

Le Congrès ouvrier, disaient-ils, vient de terminer ses séances comme il les avait commencées, au milieu des bravos bourgeois. Journaux de droite et journaux de gauche rivalisent d’éloges. La presse réactionnaire de l’étranger fait chorus ; elle s’écrie qu’en France l’ère des révolutions est close.

Dans la ville de la Révolution, cinq ans après la lutte de la Commune, sur la tombe des massacrés, devant le bagne de Nouméa, devant les prisons pleines, il semble monstrueux que des hommes aient pu se trouver, osant prendre le caractère de représentants du prolétariat, pour venir en son nom faire amende honorable à la bourgeoisie, abjurer la Révolution, renier la Commune.

À l’ombre protectrice des Conseils de guerre bonapartistes, les syndicaux sont venus insulter à ce Paris révolutionnaire, qu’ils tentent vainement de déshonorer, ils ont fait hommage aux lois qu’ils savent respecter, alors même qu’elles ne sont pas conformes à la justice. – Nous ne sommes pas des révolutionnaires, ont-ils dit, nous sommes des pacificateurs. Les représentants élus des syndicaux iront donc au Parlement versaillais fraterniser avec la bourgeoisie.

D- Le Congrès de Lyon (1878)

On avait décidé au Congrès de Paris de tenir un deuxième Congrès à Lyon l’année suivante, mais il fut retardé jusqu’en 1878, par suite de la brusque dissolution des Syndicats du Rhône.

Il se tint à Lyon, dans la salle du théâtre des Variétés, du 28 janvier au 8 février 1878. Il réunissait 130 délégués. Son ordre du jour prévoyait l’étude des questions suivantes :

1° Le travail des femmes ;

2° Les Chambres syndicales ;

3° Les crises industrielles et les chômages ;

4° L’instruction, l’enseignement professionnel et l’apprentissage ;

5° Les caisses de retraite à la vieillesse et aux invalides du travail ;

6° Le travail agricole et les rapports entre les ouvriers des villes et ceux des campagnes ;

7° Le vagabondage et les mœurs dans les centres industriels ;

8° Les Conseils de prud’hommes ;

9° La représentation du prolétariat au Parlement.

Le grand intérêt de ce Congrès dans l’histoire du mouvement syndical en France, c’est qu’on y examina la proposition suivante de tendance collectiviste :

Considérant que l’émancipation économique des travailleurs ne sera un fait accompli que lorsque ceux-ci jouiront du produit intégral de leur travail ;

Que pour atteindre ce but, il est nécessaire que les travailleurs soient les détenteurs des éléments utiles à la production : matière première et instruments de travail ;

Conséquemment,

Le Congrès invite toutes les Associations ouvrières en général à étudier les moyens pratiques pour mettre en application le principe de la propriété collective du sol et des instruments de travail.

Cette proposition 16 fut accompagnée de la lecture d’un manifeste sur l’inutilité de la coopération. Elle fut vivement combattue par un grand nombre de délégués et repoussée à l’unanimité moins 8 voix.

E- Le Congrès de Marseille (1879)

En se séparant, le Congrès de Lyon avait chargé les Chambres syndicales parisiennes d’organiser, à Paris, à l’occasion de l’Exposition universelle, un Congrès international. La Préfecture de Police ayant signifié à la Commission d’organisation que ce Congrès ne serait pas toléré, les travaux préparatoires furent arrêtés. Six Chambres syndicales à majorité collectiviste se substituèrent alors à la Commission et furent suivies par les Syndicats parisiens. Les organisateurs nouveaux, parmi lesquels Jules Guesde, furent arrêtés et poursuivis ; le Congrès international n’eut pas lieu, mais les socialistes avaient préparé le succès qu’ils allaient avoir au Congrès de Marseille.

Ce troisième Congrès des organisations ouvrières de France s’ouvrit le 21 octobre 1879. Son ordre du jour était rédigé comme suit :

1° Le salaire ;

2° La femme ;

3° L’organisation des Chambres syndicales ;

4° Les Associations coopératives ;

5° L’enseignement et l’apprentissage ;

6° La représentation directe du prolétariat aux corps élus ;

7° La propriété ;

8° La question sociale.

Touchant le salariat, le Congrès, après avoir entendu de nombreux rapports sur la situation des différents corps de métier dans les principales villes de France, conclut à sa disparition.

Sur la question de la femme, le Congrès pose le principe de l’égalité des sexes devant le Code et dans le salaire.

À propos de l’organisation des Chambres syndicales, Ernest Roche estime qu’elles doivent être “le foyer de l’idée révolutionnaire”, tandis que Finance trace au Syndicat tout un programme de reformes à poursuivre pacifiquement.

Les Associations coopératives sont condamnées dans leur principe par la résolution dont voici le texte :

Considérant :

1° Que le travailleur ne peut par son salaire équilibrer son budget ;

2° Que par conséquent, toute économie étant d’une impossibilité absolue, il ne peut atteindre par le rachat le but social, qui est la possession des instruments de travail, dont la valeur est de plus de 150 milliards ;

3° Que les Sociétés coopératives de production ou de consommation ne peuvent améliorer que le sort d’un .petit nombre de privilégiés ;

Le Congrès :

Déclare que ces Sociétés ne peuvent aucunement être considérées comme des moyens assez puissants pour arriver à l’émancipation du prolétariat ;

Que néanmoins ce genre d’associations pouvant rendre des services comme moyen de propagande pour la diffusion des idées collectivistes et révolutionnaires, dont le but est de mettre les instruments de travail entre les mains des travailleurs, il doit être accepté au même titre que les autres genres d’associations dans le seul but d’arriver le plus vite possible à la solution du problème social, par l’agitation révolutionnaire la plus active.

Touchant la propriété, le Congrès vote par 73 voix contre 27 la résolution socialiste suivante :

Considérant :

Que le système individuel, qui régit actuellement la propriété est contraire aux droits égalitaires, qui doivent être l’expression de la société future ;

Qu’il est injuste et inhumain que les uns produisent tout, les autres rien et que ce soient justement ces derniers qui possèdent toutes les richesses, toutes les jouissances ainsi que tous les privilèges ;

Que cet état de choses ne cessera point par la bonne volonté de ceux qui ont tout intérêt à le faire exister, et ceci par les raisons énoncées plus haut ;

Le Congrès adopte comme but :

La collectivité du sol, sous-sol, instruments de travail, matières premières, donnés à tous et rendus inaliénables par la société à qui ils doivent retourner.

Comme ligne de conduite, le Congrès adopta “la guerre de classe, logique, nécessaire, fatale, que le prolétariat doit déclarer à la bourgeoisie et qui doit se poursuivre sur le terrain à la fois intellectuel, économique, juridique et politique”. Les candidatures de classe se trouvaient placées en première ligne des moyens qu’emploierait la classe ouvrière.

Enfin, le Congrès groupa les organisations ouvrières, dont il était l’émanation, en la Fédération du Parti des Travailleurs socialistes de France 17, à laquelle il fixait pour but de “rechercher l’application de la justice en propageant autant que possible les idées émises au sein des Congrès ouvriers”.

À partir du Congrès de Marseille et pendant quelques années, l’histoire du mouvement syndical en France se confond avec celle de la lutte des Partis socialistes entre eux. On peut même dire que pendant quelques années les manifestations du mouvement syndical se laissent à peine saisir au milieu des manifestations de la rivalité des Partis. Elles ne se montrent de nouveau qu’en 1886. C’est donc là que nous reprendrons leur histoire 18. Nous y retrouverons les organisations économiques de la classe ouvrière sous un régime législatif nouveau : celui de la loi de 1884.

7- La loi de 1884

L’attitude du Gouvernement de la troisième République à l’égard des organisations ouvrières avait souvent varié depuis la Commune. Dans l’ensemble elle était hostile ; cependant la loi, encore en vigueur, interdisant les Associations professionnelles était loin d’être appliquée à la lettre, comme le prouvait l’ampleur même du mouvement syndical.

A- Les forces ouvrières organisées avant le vote de la loi

Dans un rapport présenté à la Chambre par Allain-Targé en 1881, le nombre des Chambres syndicales existant en France était estimé à 638 avec 75 000 adhérents ; sur ce nombre 5oo étaient des Associations ouvrières avec 60 000 membres ; Paris en aurait compté 150. D’autre part, l’Annuaire des Syndicats donne, pour 1884, le chiffre très faible de 68 Chambres ouvrières. Or le mouvement de cohésion ouvrière s’était accentué de 1881 à 1884 ; on peut donc tenir pour inexact le chiffre officiel de l’Annuaire 19 et affirmer qu’il y avait en France en 1884 plus de 60 000 ouvriers syndicalement organisés.

Quelques chiffres particuliers et sûrs seront d’ailleurs ici plus instructifs que des chiffres globaux incertains. Voici, par exemple, le Syndicat des porcelainiers de Limoges (L’Initiative) ; il groupe, dès 1874, 1 300 membres, dont 200 femmes. À côté de lui, le Syndicat des peintres sur porcelaines a, en 1882, plus de 200 adhérents.

Après une grève en 1880, 700 ouvriers font partie de la Chambre syndicale de la voiture, dont l’attitude, d’abord modérée et d’esprit tout réformiste, devient bientôt franchement socialiste et révolutionnaire.

L’Union des mécaniciens de la Seine avait, en 1881, 6 000 adhérents répartis dans ses 8o sections et, au cours d’une grève, servait à ses membres des allocations quotidiennes de 2 fr. 5o jusqu’à concurrence de 40 000 francs.

La “Solidarité” des fondeurs de Paris groupait 1 350 fondeurs en cuivre sur 1 8oo qu’en comptait la corporation.

Le Syndicat des verriers d’Aniche, fondé seulement en 1882 et qui avait pour programme d’action le maintien des salaires, la préparation des élections des prud’hommes et le secours en cas de maladie, avait 600 membres un an après sa constitution.

Certes, on pourrait citer aussi quelques groupements ouvriers qui, soit par suite de persécutions particulièrement obstinées, soit par l’effet de divisions et de difficultés intérieures, loin de prendre plus d’ampleur, ont vu leurs effectifs fléchir ou même leurs cadres se vider complètement. C’est le cas des bijoutiers, dont le Syndicat très prospère de 1872 à 1875, ne compte plus, après 188o, qu’une poignée d’adhérents. C’est le cas aussi des cordonniers de Paris et des tisseurs de Roubaix. Mais ces faits doivent être vraiment tenus pour exceptionnels, et l’on peut affirmer qu’en 1884 le Gouvernement se trouvait donc en présence d’un irrésistible effort d’organisation.

B- Préparation de la loi

Dès 1876 M. Lockroy avait déposé un projet de loi en 6 articles abrogeant la loi de 1791 sur les Associations et autorisant les Syndicats professionnels 20. Examiné au Congrès ouvrier de Paris, il y avait été vivement combattu. “C’est un nouveau traquenard, avait dit un congressiste, comparable avec des circonstances aggravantes à la loi du 22 juin 1854 sur les livrets ; c’est une loi de police”. Le Congrès s’était prononcé pour son retrait et l’abrogation pure et simple de toutes les lois restrictives de la liberté d’association.

La proposition de M. Lockroy ne fut pas examinée par la Chambre.

Un 1880, jules Ferry étant président du Conseil des ministres, MM. Cazot, ministre de la justice, et Tirard, ministre de l’Agriculture et du Commerce, présentèrent à la Chambre un projet de loi 21, qui reproduisait l’essentiel du projet Lockroy. Il fut renvoyé devant une Commission qui choisit comme rapporteur M. Allain-Targé. Celui-ci, dans son rapport présenté à la Chambre le 15 mars 1881, concluais à l’adoption du projet sensiblement modifié : il demandait en effet que les Syndicats fussent dotés de la personnalité civile, qu’on déclarât légales les Unions de Syndicats, enfin qu’on abrogeât expressément les dispositions législatives en contradiction avec la loi qui, en 1864, avait reconnu le caractère légal des grèves. La Chambre discuta et accepta ce projet dans les séances des 16, 17, 21, 23 et 24 mai en première délibération. Le 9 juin eut lieu l’adoption en deuxième délibération.

Le Gouvernement présenta le projet au Sénat le 21 juin 1881. Une Commission sénatoriale chargée de son examen choisit M. Marcel Barthe pour rapporteur. Dans ses deux rapports, ce dernier exprimait quelques craintes touchant l’usage que les ouvriers pourraient faire de leur nouvelle liberté. Le Sénat les partagea. Après une discussion qui occupa les séances des 1er, 6, 8, 11, 12, 17, 20 et 31 juillet et du 1er août 1882, il vota l’abrogation de l’article 416 du Code pénal sur les coalitions patronales et ouvrières, mais édicta contre les atteintes à la loi nouvelle des pénalités qui donnaient au statut syndical figure de loi d’exception ; de plus, les Unions de Syndicats n’étaient pas tolérées.

Le projet ainsi mutilé revint à la Chambre le 11 décembre 1882 où il fut renvoyé à une Commission dont le rapporteur M. Lagrange déposa son travail le 6 mars 1883. La discussion occupa les séances des 12, 16, 18 et 19 juin ; elle fut vive et passionnée. Tandis que MM. de Lanjuinais et de Mun réclamaient la restauration des corporations de l’Ancien Régime, M. Lockroy, Floquet, Frédéric Passy et Clemenceau demandaient à la Chambre de ne pas faire siens les amendements sénatoriaux et de revenir au projet qu’elle avait voté. C’est, à quelques détails près, ce qui eut lieu.

Au Sénat, où la loi fut présentée de nouveau le 28 juillet 1883 et où Tolain déposa son rapport le 14 décembre de la même année, une élection partielle avait changé la majorité. Tolain demande l’adoption pure et simple du texte de la Chambre. Le ministre de l’Intérieur, M. Waldeck-Rousseau, défendit les conclusions du rapporteur, et le Sénat les vota dans leurs grandes lignes après une longue discussion qui occupa les séances des 15, 17, 26, 28 et 29 janvier et des 1er, 2, 21, 22 et 23 février 1884.

Afin de ne pas retarder la promulgation de la loi et bien que certaines restrictions apportées par le Sénat ne fussent pas du goût de la Chambre, celle-ci l’adopta définitivement, telle que le Sénat la lui retournait, dans sa séance du 13 mars. La loi fut promulguée le 21 mars 1884.

C- Les dispositions de la loi

Les 10 articles de cette importante œuvre législative étaient rédigés comme suit :

Art. 1 – Sont abrogés la loi des 14-27 juin 1791 et l’article 416 du Code pénal.

Les articles 291, 292, 293, 294 du Code pénal et la loi du 10 avril 1834 ne sont pas applicables aux Syndicats professionnels.

Art. 2 – Les Syndicats ou Associations professionnelles même de plus de 20 personnes, exerçant la même profession, des métiers similaires ou des professions connexes, concourant à l’établissement de produits déterminés, pourront se constituer librement sans autorisation du Gouvernement.

Art. 3 – Les Syndicats professionnels ont exclusivement pour objet l’étude et la défense des intérêts économiques, industriels, commerciaux et agricoles.

Art. 4 – Les fondateurs de tout Syndicat professionnel devront déposer les statuts et les noms de ceux qui, à un titre quelconque, seront chargés de l’administration ou de la direction.

Ce dépôt aura lieu à la mairie de la localité où le Syndicat est établi et, à Paris, à la Préfecture de la Seine.

Ce dépôt sera renouvelé à chaque changement de la direction ou des statuts.

Communication des statuts devra être donnée par le maire ou par le Préfet de la Seine au Procureur de la République.

Les membres de tout Syndicat professionnel chargés de l’administration ou de la direction de ce Syndicat devront être Français et jouir de leurs droits civils.

Art. 5 – Les Syndicats professionnels régulièrement constitués d’après les prescriptions de la présente loi, pourront librement se concerter pour l’étude et la défense de leurs intérêts économiques, industriels, commerciaux et agricoles.

Ces Unions devront faire connaître, conformément au deuxième paragraphe de l’article 4, les noms des Syndicats qui les composent.

Elles ne pourront posséder aucun immeuble ni ester en justice.

Art. 6 – Les Syndicats professionnels de patrons ou d’ouvriers auront le droit d’ester en justice.

Ils pourront employer les sommes provenant de cotisations.

Toutefois ils ne pourront acquérir d’autres immeubles que ceux qui seront nécessaires à leurs réunions, à leurs bibliothèques et à des cours d’instruction professionnelle.

Ils pourront, sans autorisation mais en se conformant aux autres dispositions de la loi, constituer entre leurs membres des caisses spéciales de secours mutuels et de retraites.

Ils pourront librement créer et administrer des offices de renseignements pour les offres et demandes de travail.

Ils pourront être consultés sur tous les différends et toutes les questions se rapportant à leur spécialité.

Dans les affaires contentieuses les avis du Syndicat seront tenus à la disposition des parties, qui pourront en prendre communication et copie.

Art. 7 – Tout membre d’un Syndicat professionnel peut se retirer à tout instant de l’Association, nonobstant toute clause contraire, mais sans préjudice du droit pour le Syndicat de réclamer la cotisation de l’année courante.

Toute personne qui se retire d’un Syndicat conserve le droit d’être membre des Sociétés de secours mutuels et de pensions de retraite pour la vieillesse à l’actif desquelles elle a contribué par des cotisations ou versements de fonds.

Art. 8 – Lorsque les biens auront été acquis contrairement aux dispositions de l’article 6, la nullité de l’acquisition ou de la libéralité pourra être demandée par le Procureur de la République ou par les intéressés. Dans le cas d’acquisition à titre onéreux, les immeubles seront vendus et le prix en sera déposé à la caisse de l’Association.

Dans le cas de libéralité, les biens feront retour aux disposants ou à leurs héritiers ou ayants cause.

Art. 9 – Les infractions aux dispositions des articles 2, 3, 4, 5 et 6 de la présente loi seront poursuivies contre les directeurs ou administrateurs des Syndicats et punies d’une amende de 16 à 200 francs. Les tribunaux pourront, en outre, à la diligence du Procureur de la République, prononcer la dissolution du Syndicat et la nullité des acquisitions d’immeubles faites en violation des dispositions de l’article 6.

Au cas de fausse déclaration relative aux statuts et aux noms et qualités des administrateurs ou directeurs, l’amende pourra être portée à 500 francs.

Art. 10 – La présente loi est applicable à l’Algérie 22.

Elle est également applicable aux colonies de la Martinique, de la Guadeloupe et de la Réunion. Toutefois les travailleurs étrangers et engagés sous le nom d’immigrants ne pourront faire partie des Syndicats.

Le 25 août de la même année, M. Waldeck-Rousseau adressa aux Préfets une circulaire relative à l’application de la loi du 21 mars et qui en est un commentaire précieux 23.

À ne retenir ici que l’essentiel, la loi de 1884 sanctionne enfin une pratique déjà ancienne ; désormais les Associations ouvrières n’ont plus besoin, pour se constituer et vivre, du secours d’une tolérance toujours révocable ; ils sont, aux termes mêmes de la circulaire ministérielle, des établissements d’utilité publique. Certes la liberté syndicale n’est pas absolue puisque la déclaration est obligatoire ; mais du moins cette défiance du législateur n’a-t-elle jamais constitué une entrave de nature à enrayer sensiblement le mouvement d’organisation de la classe ouvrière.

D- L’accueil fait à la loi

Les ouvriers n’ont pas vu tout de suite les avantages qu’ils pourraient tirer de cette loi ; ils craignent que la déclaration obligatoire ne constitue une mesure de police ; ils s’étonnent que la loi ne comporte aucune sanction contre les patrons qui en violeraient le libre exercice ; ils voient enfin dans l’interdiction de toute discussion politique et religieuse une sorte de tentative de mise en tutelle.

On trouve mainte trace de cette méfiance. C’est ainsi que le 8ème Congrès national de la Fédération des travailleurs socialistes, tenu à Rennes du 12 au 19 octobre 1884, et qui réunit 13o Chambres syndicales et groupes politiques 24, vota la résolution suivante :

Le Congrès, considérant :

Que la tolérance conquise dont jouissaient les Chambres syndicales et les Groupes ouvriers équivalait presque à la liberté d’association ;

Qu’au contraire la loi de réaction du 21 mars 1884 restreignait toutes les libertés ;

Déclare œuvre de police et de réaction la loi du 21 mars, et engage toutes les Chambres syndicales et les Groupes ouvriers de chaque région à se grouper pour résister solidairement à la mise en œuvre de cette loi.

De même le Congrès national des Syndicats ouvriers, tenu à Lyon en 1886 condamnera la loi de 1884 par 74 voix contre 29 et 7 abstentions, par le vote de la résolution dont voici le texte :

Le Congrès demande l’abrogation organique pure et simple de tous les articles de cette loi et se renferme dans l’esprit et le texte de l’amendement suivant :

Art. 1 – Les ouvriers de toutes corporations sont autorisés à se syndiquer et les Syndicats à se fédérer.

Art. 2 – La déclaration de leur constitution à La mairie de leur commune leur constitue la personnalité civile.

Cette méfiance ne devait pas durer, comme nous le verrons dans la suite en constatant le magnifique essor pris par le mouvement syndical dans le cadre même de la loi.

Du côté des patrons la résistance fut plus vive et plus durable. Les Syndicats professionnels furent traqués dans la personne de leurs administrateurs. An contraire, les ouvriers qui restaient en dehors du Syndicat recevaient en petits profits et maigres avantages le salaire de leur faiblesse. Les exemples les plus tristement fameux des représailles du patronat contre les groupements ouvriers professionnels sont peut-être ceux que mit au grand jour l’enquête parlementaire de 1886 sur la grève d’Anzin et ses causes. Le rapport de M. Clemenceau démontra par un grand nombre de faits que les Compagnies minières n’avaient aucun respect de la loi de 1884 et faisaient aux Syndicats une guerre incessante, consistant surtout à affamer les membres des organisations ouvrières.

La démonstration fut si convaincante et les faits si éloquents par eux-mêmes que la Chambre vota, sur la proposition faite le 4 mars 1886 par M. Bovier-Lapierre, une loi frappant d’une amende de 100 à 2 000 francs et d’un emprisonnement de un mois à un an quiconque aurait porté atteinte au libre fonctionnement des Syndicats. Le Sénat, d’ailleurs, ne confirma pas le vote de la Chambre, et les résistances du patronat demeurèrent sans sanction.

________

Annexes – Circulaire ministérielle du 25 Août 1884 relative à l’application de la Loi du 21 Mars 1884 sur les Syndicats professionnels.

Monsieur le Préfet,

La loi du 21 mars 1884, en faisant disparaître toutes les entraves au libre exercice du droit d’association pour les Syndicats professionnels, a supprimé, dans tune même pensée libérale, toutes les autorisations préalables, toutes les prohibitions arbitraires, toutes les formalités inutiles. Elle n’exige de la part de ces Associations qu’une seule condition pour leur établissement régulier, pour leur fondation légale : la publicité. Faire connaître leurs statuts, la liste de leurs sociétaires, justifier en un mot de leur qualité de Syndicats professionnels, telle est, au point de vue des formes qu’elles doivent observer, la seule obligation qui incombe à ces Associations.

Si le rôle de l’État se bornait exclusivement à veiller à la stricte observation dès lois ; votre intervention n’aurai sans doute que de rares occasions de se produire.

Mais vous avez un devoir plus grave. Il vous appartient de favoriser l’essor de l’esprit d’association, de le stimuler, de faciliter l’usage d’une loi de liberté, d’en rendre la pratique aisée, d’aplanir sur sa route les difficultés qui ne sauraient manquer de naître de l’inexpérience et du défaut d’habitude de cette liberté. Ainsi, à considérer les besoins auxquels répond la loi du 21 mars, son esprit, les grandes espérances que les Pouvoirs publics et les travailleurs ont mises en elles, votre mission, monsieur le Préfet, s’élargit, et son importance se mesurera au degré de confiance que vous saurez inspirer aux intéressés, à la somme de services que cette confiance vous permettra de leur rendre. C’est pourquoi, Monsieur le Préfet, il m’a semblé nécessaire de vous faire connaître les vues du Gouvernement sur l’application de la loi du 21 mars.

La pensée dominante du Gouvernement et des Chambres dans l’élaboration de cette loi a été de développer parmi les travailleurs l’esprit d’association.

Le législateur a fait plus encore. Pénétré de l’idée que l’association des individus suivant leurs affinités professionnelles est moins une arme de combat qu’un instrument de progrès matériel, moral et intellectuel, il a donné aux Syndicats la personnalité civile pour leur permettre de porter au plus haut degré de puissance leur bienfaisante activité. Grâce à la liberté complète, d’une part, à la personnalité civile, de l’autre, les Syndicats, sûrs de l’avenir, pourront réunir les ressources nécessaires pour créer et multiplier les utiles institutions qui ont produit chez d’autres peuples de précieux résultats : caisses de retraites, de secours, de crédit mutuel, cours, bibliothèques, Sociétés coopératives, bureaux de renseignements, de placement, de statistique des salaires, etc. Certaines nations moins favorisées que la France par la nature et qui lui font une concurrence sérieuse doivent, pour une large part, à la vitalité de ces établissements, leur prospérité commerciale ; industrielle et agricole. Sous peine de déchoir, la France doit se hâter de suivre cet exemple. Aussi le vœu du Gouvernement et des Chambres est de voir se propager, dans la plus large mesure possible, les Associations professionnelles et les œuvres qu’elles sont appelées à engendrer.

La loi du 21 mars ouvre la plus vaste carrière à l’activité des Syndicat, en permettant à ceux qui sont régulièrement constitués de se concerter pour l’étude et la défense de leurs intérêts économiques, industriels, commerciaux et agricoles. Désormais la fécondité des Associations professionnelles n’a plus de limites légales. Le Gouvernement et les Chambres ne se sont pas laissé effrayer par le péril hypothétique d’une fédération antisociale de tous les travailleurs. Pleins de confiance dans la sagesse tant de fois attestée des travailleurs, les Pouvoirs publics n’ont envisagé que les bienfaits certains d’une liberté nouvelle qui doit bientôt initier l’intelligence des plus humbles à la conception des plus grands problèmes économiques et sociaux.

Bien que l’Administration ne tienne de la loi du 21 mars aucun rôle obligatoire dans la poursuite de cette oeuvre, il n’est pas admissible qu’elle y demeure indifférente, et je pense que c’est un devoir pour elle d’y participer en mettant à la disposition de tous les intéressés, sans distinction de personnes, sans arrière-pensée, ses services et son dévouement. Aussi, ce que j’attends de vous, monsieur le Préfet, c’est un concours actif à l’organisation des Associations et établissements professionnels. Mais il importe de vous indiquer dans quelles conditions et avec quels ménagements il doit s’exercer.

Quant à la création des Syndicats, laissez l’initiative aux intéressés qui, mieux que vous, connaissent leurs besoins. Un empressement généreux, mais imprudent, ne manquerait pas d’exciter les méfiances. Abstenez-vous de toute démarche qui, mal interprétée, pourrait donner à croire que vous prenez parti pour les ouvriers contre les patrons ou pour les patrons contre les ouvriers. Il faut et il suffit que l’on sache que les Syndicats professionnels ont toutes les sympathies de l’Administration et que les fondateurs sont sûrs de trouver auprès de vous les renseignements qu’ils auraient à demander. Il sera bon qu’un de vos bureaux soit spécialement chargé de répondre à toutes les demandes d’éclaircissements qui vous seraient adressées. Dans ses rapports avec les fondateurs, il s’inspirera de cette idée que son rôle est de faciliter ces utiles créations. En cette matière comme en toute autre, le rôle de l’Administration républicaine consiste à aider, non à compliquer.

Le Syndicat une fois créé, il s’agira de lui faire produire tous ses résultats. Si, comme je n’en doute pas, vous avez pu montrer à ces Associations ouvrières à quel point le Gouvernement s’intéresse à leur développement, vous pourrez encore leur rendre les plus grands services quand il s’agira pour elles d’entrer dans la voie des applications. Vous serez fréquemment consulté sur les formalités à remplir pour l’établissement de ces oeuvres et sur les différentes opérations que comporte leur fonctionnement. Il est indispensable que vous vous prépariez à ce rôle de conseiller et de collaborateur dévoué par l’étude approfondie de la législation qui les régit et des organismes similaires existant en France ou à l’étranger. Cette tâche sera facilitée par les documents que publiera la Revue générale d’administration et par le commentaire succinct de la loi du 21 mars que vous trouverez un peu plus loin.

Cette loi a remis complètement aux travailleurs le soin et les moyens de pourvoir à leurs intérêts. On n’y trouve aucune disposition de nature à justifier l’ingérence administrative dans leurs Associations. Les formalités qu’elle exige sont très peu nombreuses et très faciles à remplir. Son laconisme, qui est tout à l’avantage de la liberté, pourra causer au début quelques hésitations et quelques incertitudes. Il serait difficile de prévoir à l’avance toutes les difficultés qui pourront surgir. Elles devront toujours être tranchées dans le sens le plus favorable au développement de la liberté.

L’article premier abroge la loi des 14-17 juin 1791 qui défendait aux membres du même métier ou de la même profession de former entre eux des Associations professionnelles, et l’article 416 du Code pénal ; ainsi conçu : “Seront punis d’un emprisonnement de six jours à trois mois et d’une amende de seize à trois cents francs ou de l’une de ces deux peines seulement tous ouvriers, patrons et entrepreneurs d’ouvrage qui, à l’aide d’amendes, de défenses, proscriptions, interdictions prononcées par suite d’un plan concerté, auront porté atteinte au libre exercice de l’industrie et du travail”.

De cette abrogation résultent les conséquences suivantes :

1° Le fait de se concerter en vue de préparer une grève n’est plus un délit, pour les Syndicats de patrons, d’ouvriers, d’entrepreneurs d’ouvrage, ni pour les ouvriers, patrons, entrepreneurs d’ouvrage non syndiqués ;

2° Cessent d’être considérées comme des atteintes au libre exercice de l’industrie et du travail, les amendes, défenses, proscriptions, interdictions prononcées par suite d’un plan concerté.

Mais demeure punissable, aux termes des articles 414 et 415 du Code pénal, quiconque à l’aide de violences, voies de fait, menaces ou manœuvres frauduleuses, aura amené ou maintenu, tenté d’amener ou de maintenir une cessation concertée de travail dans le but de forcer la hausse ou la baisse des salaires ou de porter attente au libre exercice de l’industrie et du travail.

Le paragraphe 2 de l’article premier déclare non applicables aux Syndicats professionnels les articles 291, 292, 293, 294 du Code pénal et la loi du 1o avril 1834, qui considèrent comme illicite toute Association de plus de vingt personnes formée sans l’agrément préalable du Gouvernement et frappent de peines exceptionnelles les auteurs de provocations à des crimes ou à des délits faites au sein de ces assemblées, ainsi que les chefs, directeurs et administrateurs de l’Association.

Cet article premier consacre la liberté complète d’association, mais seulement au profit des Associations professionnelles.

Les articles 2 et 3 définissent les Associations appelées à jouir du bénéfice de la présente loi. Ce sont les Associations professionnelles dont les membres exercent la même profession ou des professions similaires concourant à l’établissement de travaux déterminés, et qui ont exclusivement pour but, aux termes de l’article 3, l’étude et la défense de leurs intérêts économiques, industriels, commerciaux ou agricoles.

Les groupements réalisant ces conditions ont le droit, quel que soit le nombre de leurs membres, de se former sans autorisation du Gouvernement.

Du silence de la loi ou des discussions qui ont eu lieu dans les Chambres, il faut conclure :

1° Qu’un Syndicat peut recruter ses membres dans toutes les parties de la France ;

2° Que les étrangers, les femmes, en un mot tous ceux qui sont aptes, dans les termes de nôtre droit, à former des conventions régulières, peuvent faire partie d’un Syndicat ;

3° Que ces mots “professions similaires concourant à l’établissement d’un produit déterminé” doivent être entendus dans un sens large. Ainsi, sont admis à se syndiquer entre eux tous les ouvriers concourant à la fabrication d’une machine, d’un bâtiment, d’un navire, etc. ;

4° Que la loi est faite pour tous les individus exerçant un métier ou une profession, par exemple les employés de commerce, les cultivateurs, fermiers, ouvriers agricoles etc.

En accordant la liberté la plus large aux Syndicats professionnels, la loi, pour toute garantie, leur demande une déclaration de naissance par l’article 4, qui prescrit le dépôt des statuts et des noms de ceux qui, à un titre quelconque, seront chargés de l’administration ou de la direction.

La publicité est, en effet, le corollaire naturel et indispensable de la liberté d’association ; c’est la seule garantie possible de l’observation de cette condition exigée par la loi : le caractère professionnel de l’Association.

Cette simple formalité ne saurait inspirer aucune inquiétude aux Syndicats, ni les exposer à aucune vexation. Au contraire, elle présente cet avantage précieux de limiter le champ étroit où peut s’exercer la surveillance de l’État. D’ailleurs, la publicité répugne si peu aux Syndicats que, sous le régime de la tolérance, nombre d’entre eux ont spontanément demandé aux préfets de recevoir leurs statuts et de les conserver dans les archives des préfectures.

Le même article porte que le dépôt doit être renouvelé à chaque changement de la direction ou des statuts.

La loi ne pouvait être moins formaliste. Elle n’exige ni la rédaction sur papier timbré, ni l’impression. La loi ne fixant pas le nombre des exemplaires qui devront être déposés, il convient de se référer aux précédents et de considérer que le dépôt de deux exemplaires sera suffisant.

Comme j’attache une grande importance à constituer de sérieuses archives des Syndicats professionnels qui permettront de se rendre compte des effets produits par la loi du 21 mars, vous voudrez bien prendre les mesures nécessaires pour me transmettre copie de ces documents. Vous me renseignerez également sur les institutions fondées par les Syndicats.

Toutes ces indications réunies au ministère et tenues à la disposition de tous les intéressés seront une source précieuse de renseignements pour ceux qui voudront les consulter.

L’authenticité des statuts doit être établie par des signatures. La loi est muette sur ce point. Bornez-vous à demander qu’ils soient certifiés par le président et le secrétaire, et donnez à MM. les maires des instructions en ce sens.

J’ai été consulté sur le point de savoir si le dépôt des statuts ou des noms des directeurs et administrateurs doit être accompagné d’une déclaration spéciale. Cette déclaration est inutile. Il suffit que le règlement statutaire soit certifié au bas du texte et que les noms des directeurs et administrateurs, s’ils ne sont pas mentionnés dans les statuts, soient, dans une seule et même pièce, indiqués et certifiés par le président et le secrétaire.

Tout dépôt d’un des documents précités doit être constaté par un récépissé du maire et, à Paris, du préfet de la Seine 25. Ce récépissé est exigible immédiatement. Il suffit de l’établir sur papier libre.

Il sera indispensable que dans chaque mairie il soit tenu registre spécial où seront mentionnés à leur date le dépôt des statuts de chaque Syndicat, le nom des administrateurs ou directeurs, la délivrance du récépissé. Ce registre fera foi de l’accomplissement des formalités ; il permettra de remédier à la perte possible du récépissé de dépôt.

L’obligation pour les Syndicats en formation d’opérer le dépôt n’existe qu’à partir du jour où les statuts ont été arrêtés, où, par conséquent le Syndicat est matériellement formé. Jusque-là ; les fondateurs ont toute liberté de se réunir pour en concertée les dispositions sans être exposés aux pénalités des articles 291 et suivants du Code pénal ou à celles de l’article 1o de la présente loi.

Le dernier paragraphe de l’article 4 écarte des foncions de directeurs et administrateurs des Syndicats, les étrangers, même ceux qui ont été admis à établir leur domicile en France, et les Français qui ne jouissent pas de leurs droits civils, c’est-à-dire auxquels une condamnation a enlevé l’exercice de quelques-uns de ces droits.

L’article 5 reconnaît la liberté des Unions de Syndicats professionnels régulièrement constitués, aux termes de la présente loi. Elles n’ont besoin, pour se former, d’aucune autorisation préalable. Il suffit qu’elles remplissent les formalités prescrites par les articles 4 et 5 combinés, c’est-à-dire qu’elles déposent à la mairie du lieu où leur siège est établi et, s’il est établi à Paris, à la préfecture de la Seine, le nom des Syndicats qui les composent. Si l’Union est régie par des statuts, elle doit également les déposer. Il est également nécessaire que l’Union fasse connaître le lieu où siègent les Syndicats unis.

Les autres formalités à remplir sont les mêmes pour les Unions et pour les Syndicats.

La loi du 21 mars n’accorde, à aucun degré, aux Unions de Syndicats, la faveur de la personnalité civile. Il a été reconnu qu’elles pouvaient s’en passer. Elle a réservé ce privilège aux Syndicats professionnels par l’article 6.

Grâce à lui, le Syndicat devient une personne juridique, d’une durée indéfinie, distincte de la personne de ses membres, capable d’acquérir et de posséder des biens propres, de prêter, d’emprunter, d’ester en justice, etc. Ainsi, ces Associations professionnelles, d’abord proscrites, puis tolérées, sont. élevées par la loi du 21 mars au rang des établissements d’utilité publique et, par une faveur inusitée jusqu’à ce jour, elles obtiennent cet avantage non en vertu de concessions individuelles, mais en vertu de la loi et par le seul fait de leur création. Les Pouvoirs publics, en aucun temps, en aucun pays, n’ont donné une plus grande preuve de confiance et de sympathie aux travailleurs.

La personnalité civile n’appartient qu’aux Syndicats régulièrement constitués. Elle est pour eux de droit commun et leur est acquise en l’absence de toute déclaration spéciale de volonté dans les statuts.

La personnalité civile accordée aux Syndicats n’est pas complète, mais suffisante pour leur donner toute la force d’action et d’expansion dont ils ont besoin. C’est aux tribunaux qu’il appartiendrait de statuer sur les difficultés que pourra soulever l’usage de cette faculté. Je me borne à mettre en relief les dispositions de la loi à cet égard et à déduire leurs conséquences certaines.

Le patrimoine des Syndicats se compose du produit des cotisations et des amendes, de meubles et valeurs mobilières et d’immeubles. À l’égard des immeubles, la loi leur permet d’acquérir seulement ceux qui sont nécessaires à leurs réunions, à leurs bibliothèques et à des cours d’instruction professionnelle. Ces immeubles ne doivent pas être détournés de leur destination. Les Syndicats contreviendraient à la loi s’ils essayaient d’en tirer un profit pécuniaire direct ou indirect par location ou autrement.

Aucune disposition ne leur défend ni de prendre des immeubles à bail, quel qu’en soit le nombre et quelle que soit la durée des baux, ni de prêter ni d’emprunter, ni de vendre, échanger ou hypothéquer leurs immeubles. Ils font un libre emploi des sommes provenant des cotisations : placements, secours individuels en cas de maladie, de chômage ; achats de livres, d’instruments ; fondations de cours d’enseignement professionnel, etc. Ces divers actes ne sont soumis à aucune autorisation administrative. Ils seront décidés et réalisés conformément aux règles établies par les statuts. Il en sera de même des procès ou des transactions.

Il importe que les Syndicats prévoient, dans leurs règlements, comment ces actes seront délibérés et votés, et par quels mandataires ils seront représentés soit dans la réalisation des actes, soit en justice.

Les Syndicats peuvent, sans autorisation, mais en se conformant aux autres dispositions de la loi, constituer entre leurs membres des caisses spéciales de secours mutuels et de retraites.

Il a été expressément entendu que la loi du 21 mars dernier laissait subsister (sauf la nécessité de l’autorisation préalable) toute la législation relative à ces Sociétés. Si donc rien ne s’oppose à ce que les membres d’un Syndicat professionnel forment entre eux des Sociétés de secours mutuels avec ou sans caisse de secours mutuels, il demeure évident que ceux qui voudraient bénéficier des avantages réservés aux Sociétés de secours mutuels approuvées ou reconnues devraient se pourvoir conformément aux lois spéciales sur la matière, dont le mécanisme vous est connu et n’a pas à être rappelé ici.

J’appelle tout particulièrement votre attention sur le point suivant : il résulte, tant du texte de la loi (article 6, paragraphe 4 ; article 7, paragraphe 2) que des discussions, que les Sociétés syndicales de secours mutuels doivent posséder une individualité propre et avoir une administration et une caisse particulières. Il en est de même des Sociétés de retraites, qui peuvent bien se greffer sur les Sociétés de secours mutuels et faire caisse commune avec elles, mais dont le patrimoine ne doit pas se confondre avec celui des Syndicats. D’ailleurs, une telle confusion serait fatale à la prospérité de ces œuvres et des Syndicats eux-mêmes, et je ne doute pas que les intéressés ne sentent la nécessité de garantir, d’une manière complète, l’affectation exclusive de leurs ressources à l’objet particulier de leur établissement. Mais le Syndicat demeure libre de prélever sur son propre fonds des secours individuels et purement gracieux. La pratique de ces libéralités accidentelles ne constitue pas un Syndicat à l’état de Société de secours mutuels, tant que le droit de chacun aux secours n’est pas proclamé ni réglé.

Les trois derniers paragraphes de l’article 6 ne présentent aucune difficulté.

L’article 7 assure la liberté des syndiqués. Il porte que tout membre d’un Syndicat professionnel peut se retirer à tout instant de l’Association, mais sans préjudice du droit pour le Syndicat de réclamer la cotisation de l’année. C’est là tout ce que le Syndicat peut obtenir en justice contre le membre qui en sort de son plein gré. En cas d’exclusion, les cotisations arriérées sont seules exigibles.

Aux termes du paragraphe 2 du même article, toute personne qui se retire d’un Syndicat conserve le droit d’être membre des Sociétés de secours mutuels et de pensions de retraite pour la vieillesse à l’actif desquelles elle a contribué par des cotisations ou versements de fonds. Elle ne saurait être exclue de ces Sociétés que pour une des causes prévues par leur règlement spécial.

Cette disposition est, on le voit, inconciliable avec l’existence d’une caisse commune aux Syndicats et aux Sociétés créées dans leur sein.

L’article 8 sanctionne les dispositions qui limitent la capacité d’acquérir et de posséder des Syndicats professionnels.

L’article 9 punit de peines relativement légères les infractions aux articles 2, 3, 4, 5 et 6 de la présente loi. Quant aux Associations qui, sous le couvert de Syndicats ne seraient point en réalité des Sociétés professionnelles, c’est la législation générale et non la loi du 21 mars qui leur serait applicable.

L’article 10 n’a pas besoin de commentaire.

Recevez, etc.

Le Ministre de l’Intérieur, Waldeck-Rousseau

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13 Le nombre des affiliés à la Chambre typographique parisienne était de 1500 en 1848.

14 Voici cette rédaction nouvelle de l’article 414 du Code pénal : “Sera punie d’un emprisonnement de six jours à trois mois et d’une amende de seize à trois mille francs : 1° toute coalition entre ceux qui font travailler des ouvriers, tendant à forcer l’abaissement des salaires, s’il y a en tentative ou commencement d’exécution ; 2° toute coalition de la part des ouvriers pour faire cesser en même temps de travailler, interdire le travail dans un atelier, empêcher de s’y rendre avant ou après certaines heures, et, en général, pour suspendre, empêcher, enchérir les travaux, s’il y a eu tentative ou commencement d’exécution. Dans les cas prévus par les deux paragraphes précédents, les chefs ou moteurs seront punis d’un emprisonnement de deux ans à cinq ans.”

15 Il fallait, disait le manifeste d’organisation, “éviter à tout prix que les politiçiens ne vinssent égarer les esprits, les diriger et se servir du Congrès comme d’un tréteau pour des opérations électorales ou politiques”.

16 Elle était présentée par Dupire, Ballivet, Calvinhac et Thierry.

17 Voir aux Documents annexes, en fin de volume, les statuts de cette Fédération.

18 Pour l’histoire des rivalités des partis, nous renvoyons nos lecteurs au volume de l’Encyclopédie Socialiste intitulé : le Parti Socialiste en France (Première partie : les anciennes organisations). Voici cependant la liste des Congrès tenus pendant cette période : En 188o, le Congrès ouvrier collectiviste révolutionnaire de la Fédération du Centre (Congrès régional tenu à Paris) ; en novembre 188o, les deux Congrès rivaux du Havre : celui du cercle Franklin ou Congrès socialiste ouvrier (mutualistes et modérés) et celui de l’Union lyrique ou Congrès national socialiste ouvrier (collectivistes révolutionnaires) ; en 1881, le IVème Congrès socialiste ouvrier de Paris ; en 1882, le Vème Congrès socialiste national ouvrier de Bordeaux. Dans ces Congrès, les préoccupations politiques sont au premier plan, mais sans être exclusives. Sont au contraire de purs congrès de partis politiques ceux de Reims (1881), Saint-Étienne (1882), Roanne (1882), Paris (1883), Rennes (1884), Roubaix (1884).

19 Les chiffres de l’Annuaire ne valent d’ailleurs que pour les Chambres syndicales ayant fait une déclaration légale ; de plus, comme les Associations n’étaient interdites qu’à partir de 20 membres, de nombreux Syndicats n’en déclaraient que 18 ou 19.

20 Voici le texte de ce premier document législatif sur cette importante question.

Art. 1 – La loi du 17 juin 1791 est abrogée.

Art. 2 – Les Associations de patrons et d’ouvriers exerçant le même métier, et dénommées Syndicats professionnels, pourront se constituer, sans autorisation du Gouvernement, lors même qu’elles comprendraient plus de 20 personnes.

Art. 3 – Les Syndicats professionnels ont pour objet la défense des intérêts industriels communs à leurs membres.

Ils pourront, toutefois, s’occuper de la création de caisses de secours mutuels dans les cas de chômage ou de maladie ; de caisses de retraites ; de l’établissement d’ateliers de refuge ; de magasins pour la vente et la réparaticn des outils et de l’organisation de Sociétés coopératives.

Art. 4 – Les Syndicats d’une même industrie, composés, l’un de patrons, l’autre d’ouvriers, pourront conclure entre eux des conventions ayant pour objet de régler les rapports professionnels des membres d’un Syndicat avec ceux de l’autre.

Ces conventions auront force de contrat et engageront tous les membres des Sociétés contractantes pour la durée stipulée.

Les dites conventions ne pourront être établies que pour une durée maxima de 5 ans.

Art. 5 – Tout Syndicat professionnel devra faire au moment de sa fondation, entre les mains du maire et au Parquet, une déclaration contenant ses statuts, le nombre de ses membres ainsi que leurs noms et adresses. Cette déclaration devra être renouvelée le 1er janvier de chaque année.

Art. 6 – À défaut de déclaration ou d’infraction aux statuts, les membres du Conseil syndical seront passibles d’une amende de 16 à 200 francs.

21 En voici le texte :

Art. 1 – Des Syndicats professionnels composés de plus de 20 personnes exerçant la même profession ou le même métier, pourront se constituer, sans l’autorisation préalable du Gouvernement, aux conditions prescrites par les articles suivants :

Art. 2 – Les Syndicats professionnels ont exclusivement pour objet l’étude et la défense des intérêts professionnels, économiques, industriels et commerciaux communs à tous leurs membres.

Art. 3 – Quinze jours avant le fonctionnement d’un Syndicat professionnel, ses fondateurs devront déposer les statuts du Syndicat et les noms et adresses de tous les membres qui le composent, avec l’indication spéciale de ceux qui, sous un titre quelconque, seront chargés de l’administration ou de la direction.

Ce dépôt aura lieu dans le département de la Seine à la Préfecture de police, et pour les autres départements, à la mairie de la localité où le Syndicat est établi.

Ce dépôt devra être renouvelé le 1er janvier de chaque année, et à chaque changement des administrateurs ou des statuts.

Art. 4 – Les Syndicats professionnels ne pourront être formés qu’entre Français jouissant de leurs droits civils.

Art. 5 – Le défaut de déclaration sera puni d’une amende de 16 a 200 francs. En cas de fausse déclaration, l’amende pourra être portée à 500 francs.

En cas d’infraction aux statuts et aux prescriptions des articles 2 et 4, les tribunaux pourront prononcer la dissolution des Syndicats professionnels.

Art. 6 – Les dispositions antérieures qui sont contraires à la présente loi sont abrogées.

22 La loi a été rendue applicable à la Nouvelle-Calédonie en vertu d’un décret du 16 mai 1901.

23 On trouvera le texte de cette importante circulaire à la fin du volume aux Documents annexes.

24 Principaux délégués : Vaidy, Allemane, Balin, Paulard, Salmon, Deroualle, Girault, Martelet, Heppenheimer, Clément, Paul Brousse.

25 En effet, depuis les événements de la Commune de Paris, en 1871, il n’y a plus de maire à Paris, la ville étant jugée trop “rouge” pour qu’on y tente une comédie électorale ! (note des Éditions de l’Évidence)

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Avertissement :

Nous vous rappelons que nous vivons en pays occupé :

"Les murs ont des oreilles...".