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Presse – La laïcité contre toute forme d’emprise

Philippe Meirieu est directeur de l’Institut universitaire de formation des maîtres. Il a aussi été l’auteur d’un rapport sur la rénovation de la formation pour les enseignants. Il estime qu’il est nécessaire d’enseigner le fait religieux en classe.

Faut-il enseigner le fait religieux à l’école, et ainsi ne pas abandonner l’information à d’autres ?

Effectivement, il ne faut pas que l’école passe sous silence le fait religieux. Elle doit permettre de le comprendre, de le situer, afin d’apprendre à penser par soi-même. On a eu tort de considérer la laïcité comme l’exclusion du religieux. Or on sait très bien qu’en le chassant par la porte, il rentre par la fenêtre. Dans leur vie quotidienne ou à travers des apprentissages scolaires, les élèves sont forcément confrontés à des éléments qui ont trait à la religion. Il faut leur permettre d’y réfléchir de manière libre, en toute connaissance de cause. Il faut aussi leur apprendre à distinguer un fait avéré d’une croyance, leur faire saisir la place respective de la sphère privée et de la sphère publique afin que la première n’envahisse pas la seconde…

Mais l’école publique est laïque…

La laïcité permet de lutter contre toute forme d’emprise. C’est vrai qu’elle s’est d’abord construite contre l’emprise du clergé, pour “émanciper le peuple”. En luttant notamment contre l’influence des confesseurs sur les femmes, qui ensuite, sur l’oreiller, influençaient le vote de leur époux. Aujourd’hui, on ne peut pas dire que les confesseurs constituent un grand danger ! Mais la laïcité a toujours sa place pour lutter contre d’autres formes d’emprise. On pourrait parler de la télévision, de la publicité, des marques, ou encore de la pression de certains groupes. (…) L’école est trop timide, ne se donne pas suffisamment de moyens pour émanciper les jeunes de l’emprise des nouveaux clercs que sont les animateurs de télévision. Or leur emprise est aussi dangereuse que l’emprise religieuse.

Pourquoi alors attacher tant d’importance à l’enseignement du fait religieux ?

Parce qu’il existe ! Et le comprendre permet de comprendre toute une série de choses. Je suis choqué que les jeunes ne sachent pas la différence entre le 25 décembre et le 1er mai, hormis le fait qu’on offre un jour des cadeaux et l’autre du muguet. Choqué qu’ils ne sachent pas dans leur quasi-totalité, ce qui distingue le catholicisme du protestantisme.

Mais il faut être honnête, le gros enjeu, c’est l’islam. Les religions ne sont pas présentées de manière équitable. Aujourd’hui, la culture arabo-musulmane est associée au polygamisme, au ramadan et aux coutumes alimentaires. C’est un prisme bien réducteur. (…) Il ne faut pas confondre l’intégrisme fondamentaliste avec la culture arabo-musulmane. Le respect passe par une connaissance réciproque.

Mais les professeurs d’histoire-géographie ne sont pas toujours à l’aise…

D’autres disciplines sont concernées, comme les mathématiques, les lettres, les disciplines artistiques. Il est vrai que des enseignants fuient souvent la question. Certains parce qu’ils estiment qu’elle n’est pas conforme à leur idéal de la laïcité, d’autres parce qu’ils ne se sentent pas à la hauteur. On ne peut pas les laisser patauger. Il faut qu’ils soient sereins et, pour cela, compétents.

Et donc formés.

Oui, d’ailleurs depuis la rentrée, à la demande du Ministère, l’IUFM de Lyon a mis en place trois modules de trois heures obligatoires pour les enseignants stagiaires. Ils partent de l’analyse de cas, par exemple, un professeur de biologie interpellé sur la Bible et Darwin ou bien un professeur des écoles qui subit des pressions de la part des parents pour interdire les goûters pendant le ramadan… Je souhaiterais aussi mettre en place davantage de possibilités de formation continue sur ce thème avec des interventions de spécialistes des religions.

Un lycée privé musulman va ouvrir à Lille en septembre. Qu’en pensez-vous ?

C’est un établissement hors contrat. Mais il faut réfléchir plus largement. Le vrai problème est de savoir ce qu’on va faire lorsque la communauté musulmane demandera l’application de la loi Debré, c’est-à-dire l’ouverture d’établissement privés sous contrat avec l’État. À l’heure actuelle, le cahier des charges qui donne au privé une délégation de service public est très précis en ce qui concerne les programmes et l’organisation des enseignements. Mais il est très flou en matière de religiosité, se contentant du respect du “caractère propre”. Il faudra bien, un jour, définir ce caractère propre et réfléchir sur sa compatibilité avec les principes d’un état laïc.

Le Progrès, 22 décembre 2002

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