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Laïcité Acquis Sociaux Syndicats Jaunes 1848
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Document –1884 : Jules Ferry et la Liberté syndicale

[Voici la thèse officielle :]

“N’oublions jamais que le droit de s’associer est une conquête du 19ème siècle, grâce à la loi du 21 mars 1884”.

François Chérèque (CFDT), 2002

“Il a fallu attendre 1884 pour que les syndicats puissent exister en toute légalité […]. De nos jours, le fait syndical est mondial et fait l’objet de conventions internationales protectrices”.

Bernard Thibault (CGT), 2002

“Au 19ème siècle, les salariés s’émancipèrent […]. Grâce à la loi Waldeck-Rousseau, ils purent créer des syndicats sans être considérés comme hors-la-loi”.

Marc Blondel (FO), 2002

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[Voyons ce qu’il en est en réalité :]

Discours de Jules Ferry
à propos de la Liberté syndicale

à la Chambre des députés,
 le 31 janvier 1884 :

M. Le Président du Conseil (Jules Ferry). – La première dette de l’État vis-à-vis de cette classe laborieuse, c’est la liberté ; non seulement la liberté du travail, mais toutes les libertés accessoires de la liberté du travail (très bien! très bien !) ; c’est la liberté de discuter le salaire ; c’est la liberté de s’associer pour discuter ce salaire ; c’est la liberté de s’unir et de se syndiquer sous toutes les formes (Nouvelle approbation, très bien ! à l’extrême gauche). (…)

Quant à moi, je n’ai jamais hésité sur le droit de coalition. Pourquoi ? Parce que, d’abord, l’impuissance des lois répressives de la coalition est un fait manifeste, universel, européen. (Très bien ! très bien ! à gauche.) Ensuite, parce que l’effet du droit de coalition reconnu a été, en France, comme en Angleterre et dans tous les pays du monde, un effet d’apaisement : les grèves sont devenues beaucoup moins violentes ; elles ne le sont même plus du tout depuis que le droit à la grève est reconnu. (C’est vrai ! Très bien !)

Nous avons fait un pas de plus : de même que nous nous sommes de tout temps ralliés à la liberté de coalition, nous avons accepté comme un progrès, comme un gage d’apaisement social, plus sûr encore, la liberté des syndicats professionnels. La liberté des grèves a apaisé et assaini, en quelque sorte, la grève ; et nous sommes convaincus que la liberté des syndicats aura pour résultat de réduire le nombre des grèves, de rendre les solutions amiables plus faciles (très bien ! très bien !), de favoriser les arbitrages. (…)

Réprimer aveuglément les coalitions favorisait la prolifération des sectes socialistes. En autorisant les syndicats professionnels, ce gouvernement à mis en place une administration composée de l’élite des ouvriers prompte à l’arbitrage de la préfecture et capable d’isoler les agitateurs professionnels ! (applaudissements répétés)

Ah ! je sais bien – et M. le comte de Mun pourra nous en faire un reproche – que nous allons, sur ce point, beaucoup au delà de nos pères de 1789. Ils avaient si bien combiné leurs moyens répressifs, qu’on a pu dire que de la classe ouvrière et industrielle de ce pays, cette loi avait fait une poussière humaine. C’est à la liberté seule de reconstituer, dans cette poussière, des agglomérations puissantes.

Messieurs, je ne voudrais pas que les ouvriers qui suivent nos délibérations s’engageassent dans de certaines illusions : je ne veux pas dire par là – et personne ici ne le dira – que la liberté des syndicat professionnels soit une panacée. La liberté des syndicats professionnels vaudra ce que vaudra l’usage que les ouvriers en feront : s’ils font de cette liberté un usage oppressif ; s’ils sont hantés, comme quelques-uns paraissent l’être malheureusement, par le rêve des anciennes corporations ; s’ils se mettent en lutte contre la liberté du travail, ils ne réussiront pas. Il est possible que quelques erreurs soient commises, mais je compte sur l’expérience pour les désabuser.

M. Duportal. – La surveillance de la police ! (Rires sur divers bancs)

M. Le Président du Conseil. – Le caractère particulier de ces modes d’intervention, que je ne considère pas seulement comme légitimes, mais comme faisant partie des devoirs essentiels d’un gouvernement moderne, démocratique, n’est pas assurément d’apporter un remède immédiat : ce n’est pas de la thérapeutique que nous faisons, c’est de l’hygiène sociale.

L’intervention de l’État – j’entends l’intervention légitime et vraiment efficace – ne peut donner ses fruits qu’à longue date, à longue échéance. Les syndicats professionnels ne produiront pas tout de suite leur effet, mais ils sont un puissant moyen d’éducation pour les ouvriers, et vous verrez dans vingt ans ce qu’ils auront produit.

Cette observation est encore plus vraie, messieurs, si nous l’appliquons à un autre procédé d’intervention très considérable, très efficace, tout à fait moderne et démocratique : je veux parler de la tâche entreprise par les pouvoirs publics pour l’éducation populaire [c’est-à-dire l’école laïque]. (…)

Car pour prémunire la société de toute l’hystérie que représente la guerre sociale, il faut apprendre à l’ouvrier les lois naturelles avec lesquelles il se joue dans l’exercice de son métier, lui faire découvrir les phénomènes sociaux, c’est en avancer la solution. Ce qui n’était dans d’autres temps que résignation ou révolte devant des nécessités incomprises peut devenir une adhésion raisonnée et volontaire à la loi naturelle des choses.

(Très bien ! à droite, applaudissements à gauche. Monsieur le président du Conseil est vivement salué par un grand nombre de parlementaires.)

Jules Ferry, 31 janvier 1884

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Avertissement :

Nous vous rappelons que nous vivons en pays occupé :

"Les murs ont des oreilles...".